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17/04/2025 | FRANCE | N°23VE01096

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 17 avril 2025, 23VE01096


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental du Val-d'Oise a procédé au retrait de son agrément d'assistante maternelle, ensemble la décision du 24 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2009592 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demandé.



Procédure devant l

a cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai et 31 août 2023, Mme C..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental du Val-d'Oise a procédé au retrait de son agrément d'assistante maternelle, ensemble la décision du 24 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2009592 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demandé.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai et 31 août 2023, Mme C..., représentée par Me Battais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au département du Val-d'Oise de la réintégrer dans ses fonctions d'assistante maternelle ;

4°) de mettre à la charge du département du Val-d'Oise la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du moyen relatif au détournement de pouvoir ;

- il est également irrégulier dès lors qu'elle ne s'est pas vu communiquer le mémoire en défense, malgré sa demande, après que son avocat a cessé d'assurer son mandat, et n'a pas été en mesure de produire le jugement du tribunal de proximité de Montmorency, important pour ce dossier ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'y a eu aucune enquête administrative et qu'elle a été victime de dénonciations calomnieuses ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'absence de matérialité des faits reprochés et du caractère disproportionné du retrait d'agrément.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juillet et 27 octobre 2023, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Cazin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- les observations de Me Battais pour Mme C... et celles de Me Benmerad pour le département du Val-d'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., assistante maternelle depuis 1998, relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la présidente du conseil départemental du Val-d'Oise du 6 janvier 2020 procédant au retrait de son agrément d'assistante maternelle et de la décision portant rejet de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'unique mémoire en défense du département du Val-d'Oise a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 18 juin 2021, avant la clôture de l'instruction. Si ce mémoire a été communiqué le 21 juillet 2021 à l'avocat constitué pour représenter Mme C..., il ressort des courriers adressés au tribunal administratif par la requérante les 8 juin 2022, 21 juillet 2022 et 20 décembre 2022 que celle-ci ne parvenait plus à joindre son avocat depuis un certain temps et avait sollicité la communication des éléments produits par la partie adverse afin de pouvoir y répondre. Il ressort également des pièces du dossier de première instance que l'avocat, qui s'était constitué pour représenter Mme C..., n'a pas répondu aux courriers du greffe du tribunal des 11 et 19 octobre 2022 et au courrier du président de la formation de jugement du 5 décembre 2022 demandant de faire savoir à la juridiction s'il représentait toujours la requérante dans cette instance. Dans ces circonstances particulières, en s'abstenant de communiquer à Mme C... sur sa demande le mémoire en défense du département, le tribunal administratif a méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il suit de là que Mme C... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité de ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

5. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " (...) L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) ".

6. En premier lieu, d'une part, la décision de retrait d'agrément du 6 janvier 2020 a été signée par M. D... E..., directeur général adjoint chargé de la solidarité, qui bénéficiait, par arrêté DRH n° 19-07 du 18 juin 2019, régulièrement publié, d'une délégation de la présidente du conseil départemental, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur général des services et du directeur général adjoint chargé de l'administration et chargé de l'aménagement du territoire, afin de signer la décision attaquée. D'autre part, Mme C... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision du 24 juillet 2020 rejetant son recours gracieux a été signée par une personne incompétente dès lors que cette décision a été signée par M. A... F..., directeur général des services, qui bénéficiait, en vertu du même arrêté, d'une délégation de la présidente du conseil départemental afin de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des auteurs des décisions attaquées doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la décision du 6 janvier 2020 vise les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles sur le fondement duquel elle a été prise et mentionne notamment une récurrence des manquements de Mme C... à ses obligations professionnelles formalisée par deux rappels à l'ordre en 2013 et 2016 et une restriction de capacité d'accueil en 2018, ses difficultés à se remettre en question et à faire évoluer ses pratiques professionnelles malgré les conseils et recommandations du service départemental de la protection maternelle et infantile (PMI) et l'impossibilité de garantir un environnement stable, serein et sécurisant aux enfants. Elle conclut que ces éléments ne peuvent garantir la santé, la sécurité et l'épanouissement de ces enfants. Ainsi, la décision attaquée de retrait d'agrément comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courriel de la direction départementale de la sécurité publique du Val-d'Oise adressé au département du Val-d'Oise en date du 24 septembre 2019, que le département a été informé que des policiers s'étaient rendus au domicile de Mme C... à plusieurs reprises pour des faits de tapage nocturne et de disputes d'un couple apparaissant alcoolisé. Ainsi, la décision de retrait, lorsqu'elle mentionne que le département du Val-d'Oise a reçu une alerte des services de police pour des faits de tapage nocturne et de dispute de couple sous l'emprise de l'alcool, n'est entachée d'aucune erreur de fait, contrairement à ce que soutient la requérante. En outre, si Mme C... soutient que la décision de retrait d'agrément est également entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'elle présente une addiction à l'alcool, il ressort des termes mêmes de cette décision qu'aucune mention n'est faite d'une quelconque addiction à l'alcool de la requérante. Enfin, si cette décision fait état de deux rappels à l'ordre intervenus en 2013 et 2016, Mme C... ne conteste pas leur existence mais se borne à soutenir qu'ils sont anciens. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de retrait de son agrément serait entachée d'erreurs de fait doit être écarté.

9. En quatrième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles cités ci-dessus, qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.

10. Il ressort des pièces du dossier que les services de police ont dû intervenir à sept reprises au domicile de Mme C... entre janvier 2018 et septembre 2019, dont trois fois pour des disputes conjugales dans un contexte d'imprégnation alcoolique ou de violences. Lors de la visite effectuée le 19 septembre 2019 en journée, sur une nouvelle plainte d'un voisin signalant les disputes très récurrentes du couple en pleine nuit, les services de police ont pu constater la présence de l'époux de la requérante, qui se réveillait et a reconnu être encore sous l'effet de l'alcool, alors qu'un enfant était gardé au domicile. Il ressort également du compte-rendu de la visite effectuée le 23 septembre 2019 par la PMI qu'une odeur de tabac prononcée a pu être relevée dans le salon, malgré l'accueil d'un enfant. Par ailleurs, le compte-rendu d'entretien du 24 septembre 2019 avec la PMI permet de constater que Mme C... refuse de reconnaître l'impact possible des différends répétés avec son conjoint et de la consommation d'alcool de ce dernier sur son activité d'assistante maternelle, notamment sur sa disponibilité psychique pour les enfants. La requérante, qui a minimisé, lors de cet entretien, les nuisances vis-à-vis des voisins ainsi que le nombre d'interventions des services de police, refuse également de reconnaître sa responsabilité quant aux manquements professionnels rapportés par certains parents ou la PMI et ayant conduit le département du Val-d'Oise à lui adresser deux rappels à l'ordre en 2013 et en 2016. Enfin, si Mme C... fait valoir que le tribunal de proximité de Montmorency a rejeté la demande de résiliation judiciaire de son contrat de bail pour troubles de voisinage et produit quelques attestations de parents témoignant de la qualité de son accueil, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits constatés et leur gravité. Dès lors, sans qu'il y ait eu besoin pour l'administration de diligenter une enquête administrative complémentaire à laquelle elle n'était pas tenue, c'est à bon droit que la présidente du conseil départemental a considéré que la requérante n'offrait plus des conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs qui lui étaient confiés. Par suite, la présidente du conseil départemental n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles en lui retirant son agrément.

11. En cinquième et dernier lieu, compte tenu notamment de ce qui vient d'être dit, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2020 et de la décision portant rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonctions et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Val-d'Oise tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2009592 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 28 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du département du Val-d'Oise tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

J. FlorentLa présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01096
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04 Aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;23ve01096 ?
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