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17/04/2025 | FRANCE | N°22VE01919

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 17 avril 2025, 22VE01919


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Europe Expert Conseil Ingénierie a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le contrat conclu entre la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise et la société SEIP Ile-de-France pour le suivi des marchés d'exploitation maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine, subsidiairement d'annuler ce marché en tant qu'il concerne le contrôle des prestations du lot

n° 5 des marchés d'exploitation et, plus subsidiairement, de prononcer la résiliation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Expert Conseil Ingénierie a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le contrat conclu entre la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise et la société SEIP Ile-de-France pour le suivi des marchés d'exploitation maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine, subsidiairement d'annuler ce marché en tant qu'il concerne le contrôle des prestations du lot n° 5 des marchés d'exploitation et, plus subsidiairement, de prononcer la résiliation de ce contrat et de mettre à la charge de communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2005659 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 27 juillet 2022 et 20 juillet 2023, la société Europe Expert Conseil Ingénierie, représentée par Me Cuny, demande à la cour :

1°) d'enjoindre à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de produire les références de l'attributaire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler le contrat de la mission de suivi des marchés d'exploitation maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise en tant qu'il concerne le contrôle des prestations du lot n° 5 des marchés d'exploitation et, plus subsidiairement, de prononcer la résiliation de ce contrat en tant qu'il concerne le contrôle des prestations du lot n° 5 des marchés d'exploitation ;

4°) de mettre à la charge de communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu son office en n'examinant l'existence d'une situation de conflit d'intérêts qu'au stade de l'attribution du contrat ; il n'y a pas de limite temporelle à l'existence d'un conflit d'intérêts ;

- il a dénaturé ses moyens en retenant qu'elle n'avait pas contesté que l'attributaire ne dispose pas de réelles références en matière de marché de suivi d'exploitation ;

- le principe d'impartialité a été méconnu, le lot n° 5 du marché global de performance pour la gestion énergétique, l'exploitation-maintenance et la (re)construction des installations d'éclairage public et de signalisation lumineuse tricolore ayant été attribué à la société Bâtiment Industrie Réseaux qui est dirigée, comme la société SEIP IDF, attributaire du marché de suivi, par la société Rovanier ;

- il ne pouvait être imposé aux candidats d'être inscrits à l'ordre des géomètres experts en l'absence de prestations ayant directement pour objet la délimitation des biens fonciers et la délimitation des droits qui y sont attachés et entrant dans le champ d'application du 1° de l'article 1er de la loi du 7 mars 1946 ;

- subsidiairement, s'il existe des prestations relevant du monopole des experts géomètres, le marché devait faire l'objet d'un allotissement sauf à méconnaître le principe de l'allotissement de l'article L. 2113-10 du code de la commande publique et le monopole des experts géomètres instauré par la loi du 7 mai 1946 ;

- la communauté urbaine n'a pas vérifié sérieusement l'aptitude de l'attributaire à exercer le marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) ; il n'a pas de réelles références en matière de marché de suivi ou d'AMO ; son code Naf ne correspond pas au code CPV du marché ; son objet social ne correspond pas à l'activité du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, représentée par Me Goutal, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Europe Expert Conseil Ingénierie ;

2°) de mettre à la charge de la société Europe Expert Conseil Ingénierie le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête de la société Europe Expert Conseil Ingénierie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;

- l'arrêté ministériel du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grésèque, pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise.

Considérant ce qui suit :

1. La société Europe Expert Conseil Ingénierie, candidate évincée, relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché relatif à la mission de suivi des marchés d'exploitation-maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise.

Sur le désistement partiel :

2. Dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 20 juillet 2023, la société Europe Expert Conseil Ingénierie a déclaré se désister de son appel en tant qu'il porte sur les missions de contrôle des lots n° 1 à 4 du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage relatif au suivi des marchés d'exploitation-maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort du point 17 du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé, d'une part, que " la circonstance que la société SEIP Ile-de-France soit une société d'exploitation de travaux et de tous équipements industriels de même nature que les sociétés qu'elle va être chargée de suivre et de contrôler n'est pas, par elle-même, de nature à créer une situation de conflits d'intérêts dans la procédure de passation du marché litigieux en application de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique " et qu'elle " ne caractérise pas davantage une situation de conflits d'intérêts compromettant son impartialité ou son indépendance dans l'exécution du marché qui lui a été confié, dès lors qu'en vertu de l'article 3.1 du règlement de la consultation du marché de suivi, l'attributaire du marché litigieux ne peut également être attributaire de l'un des cinq lots du marché global de performance ". D'autre part, il a écarté le moyen tiré de l'existence d'un conflit d'intérêts au motif que " si le lot n° 5 a été attribué le 27 novembre 2020 à la société Bâtiment Industrie Réseaux BIR, société dirigée par la société Rovanier, laquelle dirige également la société SEIP Ile-de-France, cette circonstance, postérieure à la procédure de passation du marché litigieux, seule contestée dans le cadre de la présente instance, ne saurait être utilement invoquée pour contester l'attribution du marché de suivi des marchés d'exploitation - maintenance des installations d'éclairage public et de signalisation lumineuse tricolore ". En écartant ainsi le moyen tiré d'une violation du principe d'impartialité, le tribunal administratif ne peut être regardé comme ayant méconnu son office et comme ayant insuffisamment répondu à ce moyen.

4. En deuxième lieu, la société Europe Expert Conseil Ingénierie soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, elle a contesté dans ses écritures de première instance l'existence, d'une part, d'une mission de vérification de relevés topographiques résultant du marché litigieux et, d'autre part, de réelles références détenues par l'attributaire en matière de marché de suivi d'exploitation. Toutefois, si le tribunal administratif a commis une erreur sur ces points en estimant à tort qu'ils n'étaient pas contestés, il ne peut cependant être regardé comme ayant dénaturé les moyens de la société Europe Expert Conseil Ingénierie dans des conditions de nature à affecter la régularité du jugement attaqué.

5. Enfin, si la société Europe Expert Conseil Ingénierie soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher par une appréciation globale si le titulaire disposait effectivement des capacités pour exécuter le marché, un tel moyen relève du bien-fondé du jugement attaqué et est sans incidence sur sa régularité. Il doit, par suite, être écarté.

Au fond :

6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

7. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne la capacité du titulaire à exécuter le marché :

8. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 2144-3 de ce code : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché. ". Selon l'article R. 2143-11 du même code : " Pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à la procédure, l'acheteur peut exiger la production des renseignements et documents dont la liste figure dans un arrêté annexé au présent code. ". Aux termes de l'article R. 2142-14 du même code : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat. ".

9. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l'arrêté ministériel du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du contrat ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.

10. A l'appui du moyen tiré de l'incapacité du titulaire à exécuter le marché litigieux, la société Europe Expert Conseil Ingénierie fait valoir, d'une part, que l'activité de la société attributaire du marché est enregistrée sous le n° 4221Z dans la nomenclature d'activités françaises (NAF), soit une activité de " construction de réseaux pour fluide " qui ne correspond pas au code CPV (" vocabulaire commun pour les marchés publics ") 71240000 du marché, relatif aux services d'architecture, d'ingénierie et de planification, d'autre part, que son objet social ne correspond pas à l'activité du marché litigieux et, enfin, qu'elle ne dispose pas de réelles références en matière de marché de suivi ou d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

11. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société SEIP Ile-de-France a présenté un dossier de candidature comportant une liste de dix références exécutées dans les trois dernières années permettant à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de contrôler ses garanties professionnelles, techniques et financières. Si ces références ne concernaient pas l'exécution de marchés de même nature que celui en litige, cette circonstance ne pouvait justifier, à elle seule, l'élimination de sa candidature, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 2142-14 du code de la commande publique. Il en va de même de la circonstance que le code NAF de l'attributaire ne correspondait pas au code CPV du marché ou que son objet social concerne l'étude, la réalisation et l'exécution de tous travaux et de tous équipements industriels et publics et transport de marchandises, clientèle, achalandage, matériel et mobilier dépendant de l'activité d'études et de travaux d'équipements industriels et publics, ces éléments étant insuffisants pour établir que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur ses garanties, capacités techniques et références professionnelles serait entachée d'une erreur manifeste. Par suite, sans qu'il y ait lieu d'enjoindre à l'administration de produire les références présentées par l'attributaire, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'exigence d'une inscription au tableau de l'ordre des géomètres-experts :

12. Aux termes des stipulations du a) du 2) de l'article 7.1 du règlement de la consultation, le candidat devait justifier de son inscription au tableau de l'ordre des géomètres-experts.

13. Il appartient au juge du contrat de s'assurer qu'une telle exigence, lorsqu'elle a pour effet de limiter la concurrence en restreignant le nombre des candidats possibles, est objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser.

14. La société Europe Expert Conseil Ingénierie soutient que les prestations du marché n'étaient pas au nombre de celles dont les dispositions de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres experts réservent l'exécution à ces derniers et que la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise ne pouvait ainsi exiger des candidats de justifier d'une inscription au tableau de l'ordre des géomètres-experts. Toutefois, l'offre de la société requérante n'a pas été rejetée au motif qu'elle ne justifiait pas d'une inscription au tableau de l'ordre des géomètres-experts. Par suite, elle peut utilement se prévaloir du moyen tiré de ce qu'une telle exigence ne serait pas rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser.

En ce qui concerne l'allotissement :

15. Aux termes de l'article L. 2113-10 du code de la commande publique : " Les marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification de prestations distinctes (...) ". Aux termes de son article L. 2113-11 : " L'acheteur peut décider de ne pas allotir un marché dans l'un des cas suivants : (...) 2° La dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations (...) ".

16. Saisi d'un moyen tiré de l'irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du contrat de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont entachées d'appréciations erronées, eu égard à la marge d'appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que mentionnent les dispositions précitées de l'article L. 2113-11 du code de la commande publique.

17. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'objet du marché et de la nature des missions confiées au titulaire, la dévolution en lots séparés des tâches incombant spécifiquement à un géomètre-expert est en l'espèce de nature à rendre techniquement difficile et financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations de ce marché, ainsi d'ailleurs qu'il résulte des stipulations de l'article 2.4.1 du règlement de la consultation. Par suite, la société Europe Expert Conseil Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que le marché litigieux est entaché d'un vice affectant sa validité au motif qu'il n'a pas fait l'objet d'un allotissement.

En ce qui concerne la situation alléguée de conflit d'intérêts :

18. Le principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Aux termes de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché. ".

19. Aux termes de l'article 3.1 du règlement de la consultation : " (...) Les candidats qui soumissionnent au présent marché ne pourront être attributaire d'un des marchés globaux de performance [MGP]. En effet, il existe une incompatibilité dans l'exercice simultané des missions confiées par ces marchés (l'opérateur économique se retrouvant juge et partie). / Ainsi, s'agissant de la procédure initiale du MGP (lots 1, 3 et 4), attribuée avant le présent marché, il est précisé que son attribution à une entreprise candidate du présent marché de RSE entraînera automatiquement son exclusion de la procédure de passation du présent RSE. / Par ailleurs, s'agissant de la relance du MGP (lots 2 et 5), et considérant que le marché de suivi d'exploitation de la maintenance sera attribué antérieurement au MGP (relance des lots 2 et 5), il est précisé que l'attribution du marché d'exploitation à une entreprise candidate du MGP (relance des lots 2 et 5) entraînera automatiquement son exclusion de la procédure de passation du MGP (relance des lots 3 et 5). ".

20. Il résulte de l'instruction, d'une part, que lors de la passation du marché litigieux conclu le 30 juin 2020, la société SEIP Ile-de-France n'était pas attributaire des lots 1, 3 et 4 du marché global de performance des marchés d'exploitation-maintenance des installations d'éclairage public et de signalisation lumineuse tricolore. Ainsi, sa candidature à la procédure de passation du marché de mission de suivi de ces marchés d'exploitation-maintenance ne constituait pas une situation de conflit d'intérêts au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique. Conformément aux stipulations précitées de l'article 3.1 du règlement de la consultation, le pouvoir adjudicateur n'était pas tenu d'exclure la candidature de la société SEIP Ile-de-France de la procédure de passation du marché de mission de suivi des marchés d'exploitation-maintenance.

21. D'autre part, le 25 novembre 2020, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise a attribué le lot n° 5 du marché d'exploitation-maintenance à la société Bâtiment Industrie Réseaux BIR, qui est dirigée par la société Rovanier, laquelle dirige également la société SEIP Ile-de-France. Si l'attribution du marché en litige aurait dû susciter l'exclusion de la société BIR de la procédure de passation de ce lot n° 5, en revanche, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la validité du marché litigieux. Cette circonstance, postérieure à la procédure de passation de ce marché, seule contestée dans le cadre de la présente instance, ne constitue pas une situation de conflit d'intérêts susceptible d'avoir vicié la procédure de passation dudit marché de mission de suivi et ne saurait être utilement invoquée pour demander son annulation. Il n'est pas établi, ni d'ailleurs même allégué, que l'existence d'une situation de conflit d'intérêts lors de l'exécution du marché de mission de suivi existait ou était prévisible à la date à laquelle ce marché a été conclu. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que la société Europe Expert Conseil Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation ou à la résiliation du marché de mission de suivi des marchés d'exploitation-maintenance des installations d'éclairage public et de signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise en tant qu'il concerne le contrôle des prestations du lot n° 5 des marchés d'exploitation. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Europe Expert Conseil Ingénierie le versement à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société Europe Expert Conseil Ingénierie en tant qu'elles portent sur les missions de contrôle des lots n° 1 à 4 du contrat d'assistance de maîtrise d'ouvrage de suivi des marchés d'exploitation-maintenance des installations d'éclairage public et de la signalisation lumineuse tricolore des 73 communes de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Europe Expert Conseil Ingénierie est rejeté.

Article 3 : La société Europe Expert Conseil Ingénierie versera la somme de 2 000 euros à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europe Expert Conseil Ingénierie, à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, à la société SEIP Ile-de-France, à la société Bouygues Energies et Services, à la société STPEE, à la société Lesens Electricité, à la société Cogelum Ile-de-France, à la société SDEL Travaux Extérieurs et à la société Vinci Energies France.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

Le rapporteur,

G. Camenen

La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01919
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : AUDIT-CONSEIL-DEFENSE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;22ve01919 ?
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