Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant au versement de la somme de 74 615 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, à l'occasion de sa titularisation, du fait de l'absence de reprise des services qu'il a effectués en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004 et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 74 615 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 2004414 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 20 juin 2023 et 8 septembre 2023, M. A... B..., représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 74 615 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, à l'occasion de sa titularisation, du fait de l'absence de reprise des services qu'il a effectués en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit ;
- en le titularisant dans le grade de gardien de la paix sans reprendre son ancienneté en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004, l'État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- en effet, et contrairement à l'appréciation du tribunal, il résulte des dispositions combinées du décret du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux fonctionnaires de catégorie B, du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale et du décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C qu'au moment de leur titularisation, les gardiens de la paix peuvent prétendre à la reprise des services qu'ils ont antérieurement effectués, les dispositions de l'article 5 du décret du 29 septembre 2005 et celles de l'article 4 du décret du 18 novembre 1994 ne pouvant à cet égard être considérées comme incompatibles avec les dispositions propres au statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
- la reprise des services antérieurs accomplis en qualité d'agent public non titulaire constitue un avantage prévu par les dispositions réglementaires au bénéfice des agents qui intègrent un corps de la fonction publique de l'État classé dans l'une des trois catégories ;
- s'il est vrai que le corps d'encadrement et d'application de la police nationale n'est pas régi par les dispositions du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005, relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C, les fonctionnaires actifs des services de la police nationale demeurent régis par les lois n° 83-634 du 13 juillet 1984 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ainsi que par leurs décrets d'application en tant qu'ils ne sont pas contraires aux dispositions de ce décret du 9 mai 1995 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce n'est pas parce que le corps d'encadrement et d'application de la police nationale n'est pas directement régi par les dispositions du décret du 29 septembre 2005 que les dispositions de l'article 5 de ce décret sont pour autant incompatibles avec celles des articles 2 et 12 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ou encore celles de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
- en tout état de cause, s'il fallait assimiler le corps d'encadrement et d'application de la police nationale à un corps relevant de la catégorie B à la date de sa titularisation, il pouvait malgré tout prétendre à une reprise d'ancienneté, dès lors que ni le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ni aucune autre disposition applicable ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'application de l'article 4 du décret du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux fonctionnaires de catégorie B ;
- il est ainsi en droit d'être indemnisé des préjudices qu'il a subis du fait de l'absence de reprise de son ancienneté en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004 ;
- il doit être en premier lieu indemnisé de ses pertes de rémunération, soit la somme de 18 623 euros ;
- il doit être en deuxième lieu indemnisé de la perte de chance de bénéficier d'un montant de pension de retraite supérieur à celui de la pension à laquelle il pourra prétendre du fait de l'absence de reprise d'ancienneté, soit la somme de 55 992 euros ;
- il a en dernier lieu subi des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être indemnisés à hauteur de la somme de 10 000 euros ;
- il a ainsi droit à la somme totale de 74 615 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la décision de titularisation à compter du 17 janvier 2007 est devenue définitive et que l'intéressé ne saurait, par la voie d'un recours indemnitaire, obtenir une somme qui aboutirait le cas échéant au même résultat que celui qu'aurait procuré un recours direct contre cette décision ;
- à titre subsidiaire, les conclusions indemnitaires du requérant sont infondées.
Par une ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2024.
Un mémoire, présenté pour M. A... B..., a été enregistré le 27 novembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- le décret n° 94-1016 du 18 novembre 1994 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a exercé les fonctions d'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004. Il a été titularisé dans le grade de gardien de la paix le 17 janvier 2007. Par un courrier du 3 janvier 2020, il a présenté au ministre de l'intérieur une demande indemnitaire préalable tendant au versement de la somme de 74 615 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à l'occasion de sa titularisation, du fait de l'absence de reprise des services qu'il a effectués en tant qu'adjoint de sécurité. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... B... relève appel du jugement du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à ce que l'État soit condamné à lui verser la somme de 74 615 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée au requérant ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu et du greffier est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, si le requérant soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 19 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, applicable au litige : " (...) En raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les personnels actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale. Le statut spécial de ces personnels peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale. (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées que le législateur a expressément prévu la possibilité pour les décrets en conseil d'État fixant les statuts particuliers des personnels actifs de la police nationale de déroger aux dispositions législatives formant le statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale.
7. Aux termes de l'article 1er du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, dans sa version applicable au litige : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale qui sont appelés à servir sur le territoire national ou à l'étranger sont régis par les lois du 28 septembre 1948 et du 21 janvier 1995 susvisées ainsi que par les lois du 13 juillet 1983 et du 11 janvier 1984 susvisées et leurs décrets d'application en tant qu'ils ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret. (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " (...) Les dispositions propres à chacun des corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont fixées par les statuts particuliers de ces corps ". Aux termes de son article 12, dans sa version applicable au litige : " Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la titularisation dans un corps des services actifs de la police nationale est prononcée au 1er échelon du corps. Toutefois, les fonctionnaires visés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) nommés dans un corps des services actifs de la police nationale, sont titularisés à un échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps d'origine ou, par assimilation, au salaire perçu dans leur précédent emploi ; les modalités de ce reclassement sont précisées par les statuts particuliers des corps de la police nationale ".
8. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " Il est créé un corps d'encadrement et d'application de la police nationale régi par les dispositions du décret du 9 mai 1995 susvisé ainsi que par les dispositions du présent décret ". Aux termes de son article 8, dans sa version applicable au litige : " (...) A l'issue du stage, les gardiens de la paix reconnus aptes sont titularisés et placés au 1er échelon de leur grade. (...) Les gardiens de la paix issus d'un autre corps dans les conditions prévues à l'article 12 du décret du 9 mai 1995 susvisé sont placés, lors de leur titularisation, à un échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient en dernier lieu dans leur précédent corps. (...) ".
9. Enfin, aux termes de l'article 5 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C, alors applicable : " I. - Les personnes nommées fonctionnaires dans un grade de catégorie C doté des échelles de rémunération 3, 4 ou 5 qui ont, ou avaient eu auparavant, la qualité d'agent public, sont classées avec une reprise d'ancienneté égale aux trois quarts des services civils qu'ils ont accomplis, le cas échéant après calcul de conversion en équivalent temps plein. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B, dans sa version applicable au litige : " Les personnes qui justifient, avant leur nomination dans un des corps régis par le présent décret, de services accomplis en tant qu'agent public non titulaire ou agent d'une organisation internationale intergouvernementale sont classées, lors de leur nomination, dans le grade de début à un échelon déterminé en prenant en compte les services accomplis dans un emploi de niveau au moins équivalent à celui de la catégorie B à raison des trois quarts de leur durée, et ceux accomplis dans un emploi de niveau inférieur à raison de la moitié de leur durée ".
10. M. A... B... soutient qu'il aurait dû bénéficier, lors de sa titularisation dans le grade de gardien de la paix le 17 janvier 2007, de la reprise de son ancienneté en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004, en application des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 29 septembre 2005 ou, à défaut, de celles de l'article 4 du décret du 18 novembre 1994, lesquelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions précitées du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, ou celles du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale.
11. Toutefois, si le décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C, en vigueur lors de la titularisation du requérant, ainsi que le décret du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B, comportent des dispositions applicables au reclassement de ces agents en cas d'avancement de grade ou de changement de corps, ces dispositions générales ne sont pas applicables au corps d'encadrement et d'application de la police nationale, qui n'est pas régi par ces deux décrets, mais exclusivement par les dispositions précitées des décrets du 9 mai 1995 et du 23 décembre 2004, qui ne prévoyaient en 2007 aucune reprise d'ancienneté au titre des services effectués en tant qu'adjoint de sécurité. Dans ces conditions, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que l'État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas, lors de sa titularisation dans le grade de gardien de la paix le 17 janvier 2007, à la reprise de son ancienneté en tant qu'adjoint de sécurité du 11 décembre 2000 au 29 février 2004.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur,
T. Ablard
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01449