La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2025 | FRANCE | N°23VE01184

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 08 avril 2025, 23VE01184


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 8 avril 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine a autorisé la société GEFCO SA à prononcer son licenciement pour motif économique.



Par un jugement n° 2007821 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 8 avril 2020.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 25 mai 2023 et 22 août 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 8 avril 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine a autorisé la société GEFCO SA à prononcer son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2007821 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 8 avril 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 25 mai 2023 et 22 août 2024, la société GEFCO SA, représentée par Me Rogez et Me Cruceru, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que Mme A..., inspectrice du travail, n'avait pas compétence pour autoriser le licenciement de Mme B... ;

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- la décision du 8 avril 2020 est suffisamment motivée ;

- Mme B... est concernée par le projet de réorganisation, dès lors que la classification de son emploi qui a été retenue à cette occasion correspond à ses fonctions ;

- le motif économique du licenciement est établi ;

- aucun manquement ne peut être imputé à la société GEFCO SA qui, contrairement aux affirmations de Mme B..., n'a pas organisé le déclin de la DSI et n'a pas méconnu son obligation de formation ;

- elle a respecté son obligation de reclassement ;

- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement de Mme B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2024, Mme D... B..., représentée par Me Saada, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État et de la société GEFCO SA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cruceru, pour la société GEFCO SA ainsi que celles de Me Van Der Vlist, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B... a été recrutée le 1er mars 2004 par la société GEFCO SA, située à Puteaux et spécialisée dans l'affrètement et l'organisation de transports routiers, maritimes, aériens et ferroviaires. Exerçant en dernier lieu les fonctions d'" expert support utilisateur ", Mme B... était membre du comité social et économique depuis mars 2019. Par un courrier du 10 février 2020, reçu le 11 février suivant, la société GEFCO SA a demandé à l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France l'autorisation de licencier Mme B... pour motif économique. Par une décision du 8 avril 2020, l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine a accordé l'autorisation sollicitée. La société GEFCO SA relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 8 avril 2020, motif pris de l'incompétence de son auteur.

Sur la légalité de la décision du 8 avril 2020 autorisant le licenciement de Mme B... :

2. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, l'établissement s'entend comme celui doté d'un comité social et économique disposant des attributions prévues à la section 3, du chapitre II, du titre I, du livre III. (...) ". Aux termes de l'article R. 8122-10 de ce code : " I. - Dans chaque unité de contrôle mentionnée au 1° de l'article R. 8122-3, l'agent de contrôle de l'inspection du travail exerce ses missions sur le territoire d'une section. Il peut, lorsqu'une action le rend nécessaire, intervenir sur le reste du territoire de l'unité départementale à laquelle est rattachée l'unité de contrôle où il est affecté. (...) IV. - Toutefois, l'inspecteur du travail est seul habilité à prendre, dans la section où il exerce ses missions, les décisions qui relèvent de sa compétence exclusive en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ". Aux termes de l'article R. 8122-3 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 8121-15, les inspecteurs et les contrôleurs du travail exercent leur mission : 1° Soit dans une unité de contrôle départementale ou infra-départementale ; (...) ".

3. Ainsi qu'il a été dit, la décision attaquée du 8 avril 2020 a été signée par Mme C... A..., inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine. L'article 1er de la décision n° 2018-43 du 10 avril 2018 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, " relative à la localisation et à la délimitation des unités de contrôle et des sections d'inspection du travail de l'unité départementale des Hauts-de-Seine ", prévoit que la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine est chargée du contrôle des établissements de transports routiers notamment dotés, comme la société GEFCO SA située à Puteaux, du code NAF 52-29 B (affrètement et organisation des transports). Comme le fait valoir la société requérante, l'article 2 de cette même décision indique que la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 est compétente pour le contrôle des établissements de transports routiers situés dans les communes de Colombes, Nanterre, Rueil-Malmaison, Courbevoie, La-Garenne-Colombes et Puteaux. Toutefois, l'article 2 de la décision postérieure n° 2020-94 du 28 février 2020, " portant affectation des agents de contrôle dans les unités de contrôle et gestion des intérims dans le département des Hauts-de-Seine ", prévoit que Mme C... A..., en charge de la section 3-6, est uniquement compétente pour le contrôle des établissements de transports routiers situés sur le territoire des communes de Colombes, Garches, Nanterre, Rueil-Malmaison et Vaucresson. A cet égard, et comme l'ont relevé les premiers juges, l'absence de mention des communes de Courbevoie, La-Garenne-Colombes et Puteaux dans cette décision du 28 février 2020 ne saurait être regardée comme une simple erreur de plume, susceptible de surcroît d'être couverte par la décision antérieure du 10 avril 2018. Si la société requérante soutient que Mme A... pouvait, malgré tout, traiter la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société GEFCO SA et prendre la décision litigieuse dès lors que l'article 5 de la décision du 28 février 2020 prévoit en tout état de cause que " conformément aux dispositions de l'article R. 8122-10 du code du travail, les agents mentionnés aux articles 1 et 2 participent, lorsque l'action le rend nécessaire, aux actions d'inspection de la législation du travail sur le territoire de l'unité départementale de la DIRECCTE à laquelle est rattachée l'unité de contrôle où ils sont affectés ", les dispositions précitées du I de l'article R. 8122-10 du code du travail, qui ne concernent que le contrôle de l'application de la législation du travail, régi par la huitième partie de ce code, ne sont pas applicables à la procédure d'examen des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés, entièrement régie par les dispositions de la deuxième partie du même code, relative aux " relations collectives de travail ". Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que la décision n° 2020-94 du 28 février 2020 a été prise au visa de la décision n° 2018-43 du 10 avril 2018, Mme C... A..., inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle n° 3 des Hauts-de-Seine, n'avait pas compétence pour prendre une décision sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société GEFCO SA, établie à Puteaux. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision litigieuse du 8 avril 2020, prise par une autorité incompétente, devait être annulée.

4. Au surplus, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Pour autoriser le licenciement pour motif économique de Mme B..., l'inspectrice du travail a, d'une part, exposé dans sa décision les arguments de la société GEFCO SA en indiquant que celle-ci " explique dans sa demande que la réorganisation de la DSI était nécessaire pour les raisons suivantes : une performance opérationnelle des applications développées ou utilisées par la DSI insuffisante pour assurer un fonctionnement fluide de l'activité du groupe ; un retour à un système applicatif performant qui nécessite des moyens technologiques et humains ainsi que des outils et process que la société n'est pas en mesure de développer elle-même ; la nécessité de faire appel à un prestataire disposant de l'avance technologique et des process industrialisés nécessaires pour retrouver un système applicatif performant ". Si l'inspectrice du travail a, d'autre part, résumé les conclusions de l'audit de la direction des systèmes d'information (DSI) communiquées aux membres du comité d'entreprise le 19 décembre 2018, en indiquant dans sa décision que " l'audit fait le constat général d'un manque d'investissements efficaces réalisés au cours des 5 années précédentes ; que cet audit a également souligné le "manque d'une stratégie IT formalisée et alignée sur la stratégie métier", ainsi que l'absence "de trajectoire professionnelle ou plan de carrière" ; qu'enfin, le cabinet recommande notamment à la société de "développer une stratégie de gestion des talents IT pour faire face aux défis numériques et au changement culturel" ", elle ne saurait être regardée, par ces seules indications dénuées de toute analyse, comme ayant porté une appréciation circonstanciée sur la réalité du motif économique invoqué par la société GEFCO SA. Dans ces conditions, et comme le soutient Mme B..., la décision contestée du 8 avril 2020, qui ne satisfait pas aux exigences de motivation prévues par les dispositions précitées, est entachée d'une seconde illégalité justifiant son annulation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société GEFCO SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 8 avril 2020 autorisant le licenciement de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société GEFCO SA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. L'Etat, qui n'a pas fait appel, ne peut être également regardé comme la partie perdante, ce qui fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société GEFCO SA le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de ces frais.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société GEFCO SA est rejetée.

Article 2 : La société GEFCO SA versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société GEFCO SA, à Mme D... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

Le rapporteur,

T. Ablard

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01184
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : L'ATELIER DES DROITS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;23ve01184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award