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08/04/2025 | FRANCE | N°23VE01045

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 08 avril 2025, 23VE01045


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi d'un travailleur dépourvu d'autorisation de travail et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger

s et du droit d'asile représentative de frais d'acheminement pour un montant total de 15 00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi d'un travailleur dépourvu d'autorisation de travail et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile représentative de frais d'acheminement pour un montant total de 15 000 euros ainsi que la décision du 23 décembre 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2103852 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la matérialité de l'infraction est établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, M. D... A..., représenté par Me Hascoët, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l'OFII ;

2°) à titre subsidiaire, de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et de réduire la contribution spéciale à la somme de 5 000 euros, ou, à titre encore plus subsidiaire, à la somme de 7 300 euros, à régler en 24 mensualités ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par l'OFII ne sont pas fondés ;

- les contributions ne peuvent être mises à sa charge en l'absence d'élément intentionnel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juin 2020, les services de gendarmerie ont procédé au contrôle du véhicule conduit par M. D... A..., auto-entrepreneur, à bord duquel se trouvaient deux passagers dont M. E... B..., ressortissant moldave, dépourvu de titre l'autorisant à travailler et à séjourner en France, et non déclaré. Deux procès-verbaux d'infraction ont été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 10 novembre 2020, reçue le 13 novembre 2020, l'OFII a notifié à M. A... sa décision de lui appliquer la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'emploi irrégulier de M. E... B..., pour un montant total de 15 000 euros. M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté par décision du 23 décembre 2020 de l'OFII. Sur demande de M. A... et par le jugement n° 2103852 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions précitées du 10 novembre 2020 et du 23 décembre 2020. L'OFII relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu :

2. Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". L'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à raison d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, par ailleurs, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Enfin, dans le cadre de l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et la personne que celui-ci emploie.

4. Il résulte de l'instruction que les services de gendarmerie ont constaté la présence, à bord du véhicule de M. A..., de M. C..., de nationalité roumaine et moldave, et de M. B..., ressortissant moldave, démuni de titre l'autorisant à séjourner en France et à y travailler. M. B... a déclaré, lors de l'audition qui s'est tenue à l'occasion de ce contrôle de police, qu'il était entré en février 2020 en France avec sa femme pour y passer des vacances et rendre visite à des amis mais qu'il n'avait pu repartir en raison de la crise sanitaire, ce que M. A... a confirmé. Il ressort par ailleurs des déclarations concordantes que ces trois personnes ont tenues lors de leurs auditions qu'elles étaient amies, M. C... étant du même village que M. A..., qu'ils allaient acheter des chaussures pour M. C... puis du matériel à un magasin de bricolage et que M. A... avait demandé à MM. C... et B... de l'aider à charger ce matériel. M. B... et M. A... ont déclaré, de manière concordante et à plusieurs reprises lors de leurs auditions, que M. B... ne travaillait pas pour M. A..., qu'il avait été amené deux fois seulement, y compris celle-ci, à aider M. A... pour du chargement de matériel, et qu'il s'agissait à chaque fois d'une aide ponctuelle non rémunérée. Si l'OFII fait valoir que le véhicule où se trouvait M. B... était un véhicule professionnel, il résulte de l'instruction que ce véhicule était utilisé à la fois à des fins personnelles et professionnelles par M. A..., qui était auto-entrepreneur. En outre, M. A... n'a jamais été mis en cause pour travail dissimulé. Par suite, l'OFII n'a pas recueilli d'indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels qui existeraient entre M. A... et M. B.... Le moyen tiré de l'absence de matérialité de l'infraction doit donc être accueilli.

5. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions attaquées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'OFII demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'OFII une somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.

Article 2 : L'OFII versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

C. Pham

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01045
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. - Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;23ve01045 ?
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