Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de ce qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2309275 du 21 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Denise, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Denise sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en l'éloignant sans avoir préalablement statué sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour dont il l'avait préalablement saisi ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire et celle portant interdiction de retour sur le territoire français sont, chacune, entachées d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2024, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête en renvoyant à ses écritures de première instance.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Denise, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant géorgien, né le 6 février 1974 à Samtredia, déclare être entré en France en 2017. Il a été interpellé par les services de police d'Evry-Courcouronnes pour des faits d'usage de faux le 9 novembre 2023. Par un arrêté du 10 novembre 2023, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit d'y retourner pour une durée d'un an. M. B... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. B..., a clairement exposé, aux points 4 et 5, les considérations aux termes desquelles il a estimé que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation devaient être écartés. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une omission à statuer en la matière.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Ainsi, lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
4. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative oblige à quitter le territoire français un étranger qui, étant en situation irrégulière à la date de cette demande, se trouve notamment dans l'un des cas mentionnés aux 1° ou 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, l'intéressé ne doit pas relever de l'une des catégories d'étrangers mentionnés à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige, qui ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ou ne doit pas avoir acquis, postérieurement au dépôt de sa demande de titre de séjour, et au plus tard à la date de l'entrée en vigueur de la mesure d'éloignement, un droit à la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, une demande tendant au bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas un régime dans lequel le demandeur peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour.
5. M. B... ne se prévaut pas des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'allègue pas plus pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. En outre, si le requérant soutient qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance ne faisait toutefois pas obstacle à ce que le préfet lui fît obligation de quitter le territoire sans qu'il ait été préalablement statué sur sa demande de titre de séjour. Par suite, à supposer même que M. B... ait entendu soulever un tel moyen, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait entaché sa décision d'éloignement d'une erreur de droit.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... déclare être entré en France en 2017, en compagnie de son épouse qui, à la date de la décision attaquée, était titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 15 décembre 2023, dont elle a sollicité le renouvellement le 3 novembre 2023, ainsi que de leur fille, née en 2004. S'il est constant que l'épouse de M. B... est suivie depuis 2020 pour des problèmes rénaux l'ayant notamment conduite à subir une transplantation rénale au mois d'avril 2023, et que la fille de l'intéressé qui est majeure était notamment inscrite en première année de licence en droit à l'Université Paris-Est-Créteil à la date de la décision attaquée, le requérant ne justifie d'aucune intégration particulière. En outre, il ressort des procès-verbaux dressés par les services de police et produits en défense que M. B... a fait l'objet d'une interpellation le 9 novembre 2023, suivie d'un placement en garde à vue, et d'une perquisition de son véhicule ainsi que de son domicile, pour des faits d'usage de faux, qu'il ne conteste pas sérieusement avoir commis. Au surplus, M. B... n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans au moins et où se trouvent sa mère et sa sœur. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). "
8. Pour justifier la décision de refus de délai de départ volontaire, le préfet de l'Essonne s'est fondé sur le fait qu'il existait un risque que M. B... se soustrait à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, dès lors qu'il se serait maintenu sur le territoire sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il se serait soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il aurait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 20 octobre 2022, et qu'il n'a pu se soustraire à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de police de Paris le 6 juillet 2020, dès lors que celle-ci a par la suite fait l'objet d'une annulation prononcée par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 9 novembre 2020. Il ressort toutefois du procès-verbal d'audition produit par le préfet en première instance et il n'est pas contesté par M. B..., que celui-ci a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français aux services de police lors de son audition du 10 novembre 2023. Il suit de là que le préfet de l'Essonne aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, M. B... ne justifie d'aucune intégration professionnelle ou sociale particulière, nonobstant la circonstance tirée de ce que son épouse se trouvait sur le territoire en situation régulière. Par suite, et en l'absence de circonstances humanitaires qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet de l'Essonne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 10 novembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que celles à fin d'injonction doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
La présidente -assesseure,
G. MORNET
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE00127