Vu les autres pièces des dossiers.
La clôture de l'instruction a été fixée au 28 janvier 2025.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi du 22 avril 1905,
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988,
- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les observations de Me Agnoletti, représentant M. et Mme D...,
- et les observations de Me Bouchet, représentant le département des Yvelines.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée par le département des Yvelines en qualité d'assistante familiale le 18 février 1998, après avoir été agréée le 22 avril 1996, et son époux M. D... a été recruté en cette même qualité, par le même employeur, le 16 octobre 2008, après avoir été agréé le 27 mai 2008. Alors qu'ils les accueillaient depuis plusieurs mois, trois mineurs placés à leur domicile leur ont été retirés par le service départemental d'accueil familial des Yvelines (SDAFY) à compter du 8 janvier 2018. Par ailleurs, entre la fin de l'année 2018 et le printemps 2019, l'accueil de deux jeunes majeurs, atteints respectivement d'un handicap mental et d'importants troubles psychiatriques, a donné lieu à de graves incidents, notamment à une agression sexuelle commise par l'un de ces jeunes et à une agression physique contre M. D..., lequel a été placé en arrêt maladie, reconnu imputable au service, du 2 au 30 avril 2019, puis du 20 juillet au 5 novembre 2019. Mme D..., également arrêtée pour maladie puis placée en invalidité à compter du 1er décembre 2019, a été admise à la retraite le 30 mai 2020, et M. D... a été admis à la retraite le 1er octobre 2019. Par deux courriers du 26 avril 2021, ils ont demandé au département des Yvelines d'indemniser les préjudices qu'ils affirmaient avoir subis du fait des fautes commises par la collectivité publique, notamment à l'occasion du retrait de trois mineurs en janvier 2018. Deux décisions implicites de rejet sont nées le 28 juin 2021 du silence gardé par le département sur ces demandes. M. et Mme D... demandent à la cour de réformer le jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a limité la condamnation du département des Yvelines aux sommes respectives de 3 000 euros et 2 000 euros, et a renvoyé M. D... devant l'administration territoriale afin qu'il soit procédé au calcul et au versement de ses droits à rémunération pour la période allant du 6 avril au 30 septembre 2019.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. D'une part, il ressort des dossiers de première instance que M. et Mme D... ont recherché la responsabilité du département des Yvelines en invoquant la commission de plusieurs fautes au cours de leurs deux dernières années d'exercice en qualité d'assistants familiaux. Or, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas examiné le grief des intéressés tiré d'un défaut de tenue de leurs dossiers administratifs. Cette omission à statuer constitue une irrégularité de nature à entraîner l'irrégularité du jugement dans cette mesure.
4. D'autre part, comme le soutiennent les appelants, il ressort des termes de ce jugement que le tribunal n'a pas examiné les conséquences indemnitaires des fautes qu'il a retenues s'agissant des droits à pension de retraite de M. et Mme D..., alors qu'un préjudice à ce titre avait été invoqué. Cette omission à statuer constitue une seconde irrégularité de nature à entraîner l'irrégularité du jugement, dans cette mesure.
5. En revanche, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu aux griefs des intéressés relatifs à la décision implicite de l'administration de ne plus confier d'enfant à M. D... à compter de janvier 2018, dans la mesure où ils ont indiqué, au point 5 de ce jugement, que le département des Yvelines avait continué à confier des enfants à la famille après le départ de trois mineurs. De même, ils ont nécessairement estimé, au point 7 du jugement, que l'administration n'était pas tenue d'apporter aux assistants familiaux une information préalable à cet égard, répondant ainsi à la faute invoquée à ce titre. Enfin, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal n'aurait pas tiré les conséquences de la faute, qu'il a reconnue, tenant au défaut d'établissement de contrats d'accueil, laquelle a fait l'objet, dans le cadre de la réparation du défaut d'accompagnement par l'administration, de la condamnation du département des Yvelines à verser à M. et Mme D... une somme au titre de leur préjudice moral.
6. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes des requérants mentionnées aux points 3 et 4 du présent arrêt, et de statuer sur le surplus de leurs conclusions dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. ". Aux termes de l'article L. 421-5 du même code : " L'agrément de l'assistant familial précise le nombre des mineurs qu'il est autorisé à accueillir. Le nombre des mineurs accueillis à titre permanent et de façon continue ne peut être supérieur à trois, y compris les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans. Toutefois, le président du conseil départemental peut, si les conditions d'accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l'accueil de plus de trois enfants pour répondre à des besoins spécifiques. ". Aux termes de l'article L. 421-16 dudit code : " Il est conclu entre l'assistant familial et son employeur, pour chaque mineur accueilli, un contrat d'accueil annexé au contrat de travail. / Ce contrat précise notamment le rôle de la famille d'accueil et celui du service ou organisme employeur à l'égard du mineur et de sa famille. Il fixe les conditions de l'arrivée de l'enfant dans la famille d'accueil et de son départ, ainsi que du soutien éducatif dont il bénéficiera. Il précise les modalités d'information de l'assistant familial sur la situation de l'enfant, notamment sur le plan de sa santé et de son état psychologique et sur les conséquences de sa situation sur la prise en charge au quotidien ; il indique les modalités selon lesquelles l'assistant familial participe à la mise en œuvre et au suivi du projet individualisé pour l'enfant. Il fixe en outre les modalités de remplacement temporaire à domicile de l'assistant familial, le cas échéant par un membre de la famille d'accueil. / Le contrat précise également si l'accueil permanent du mineur est continu ou intermittent. L'accueil est continu s'il est prévu pour une durée supérieure à quinze jours consécutifs, y compris les jours d'accueil en internat scolaire ou dans un établissement ou service mentionné au 2 du I de l'article L. 312-1 ou à caractère médical, psychologique et social ou de formation professionnelle (1), ou s'il est prévu pour une durée supérieure à un mois lorsque l'enfant n'est pas confié les samedis et dimanches ; l'accueil qui n'est pas continu ou à la charge principale de l'assistant familial est intermittent. / Le contrat d'accueil est porté à la connaissance des autres membres de la famille d'accueil. / Sauf situation d'urgence mettant en cause la sécurité de l'enfant, l'assistant familial est consulté préalablement sur toute décision prise par la personne morale qui l'emploie concernant le mineur qu'elle accueille à titre permanent ; elle participe à l'évaluation de la situation de ce mineur. ". Enfin, aux termes de l'article L. 422-6 de ce code : " Les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des collectivités territoriales sont des agents non titulaires de ces collectivités. Les dispositions particulières qui leur sont applicables compte tenu du caractère spécifique de leur activité, sont fixées par voie réglementaire. ".
En ce qui concerne les fautes alléguées :
S'agissant des fautes relatives à la tenue et à la communication du dossier administratif de M. et Mme D... :
8. M. et Mme D... soutiennent que le département des Yvelines a commis une faute en procédant tardivement à la communication complète de leur dossier administratif respectif, sollicitée par deux courriers du 27 août 2019, et que ces dossiers n'étaient pas régulièrement tenus.
9. Il résulte des dispositions citées au point 7 que les requérants étaient des agents non-titulaires du département des Yvelines. Or, aux termes de l'article 1er du décret du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics : " Le dossier individuel de l'agent public est composé des documents qui intéressent sa situation administrative, notamment ceux qui permettent de suivre son évolution professionnelle. / Le dossier individuel est unique. Il est tenu dans les conditions fixées par l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. ", et aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le département des Yvelines était tenu de faire droit à la demande d'accès des époux D... à leur dossier individuel, lequel devait être tenu dans les conditions précisées par l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983.
10. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D..., n'ayant pas obtenu communication de leur dossier après leur demande du 27 août 2019, ont saisi la commission d'accès aux documents administratifs le 22 octobre 2019. Trois jours après cette saisine, le 25 octobre 2019, le département des Yvelines leur a proposé un rendez-vous en vue de la consultation de leur dossier respectif. Toutefois, si cet accès a eu lieu le 14 novembre 2019, il est établi, et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, que de nombreux documents étaient manquants. Les services du département ont transmis une partie de ces documents par un courriel du 15 novembre 2019. Lors d'un second rendez-vous de consultation donné à M. et Mme D..., le 13 décembre 2019, plusieurs documents manquaient encore aux dossiers. Les intéressés ont alors sollicité un avocat afin d'obtenir communication des documents manquants. Par un courriel du 7 février 2020, le département des Yvelines leur a indiqué qu'une dernière note destinée à " retracer les derniers accueils " devait être ajoutée à leurs dossiers et qu'elle était " en cours de rédaction ". Enfin, de nouveaux éléments ont été transmis aux requérants au cours du mois de février 2020, et une " note récapitulative " du 6 avril 2020 leur a été transmise par un courriel du même jour. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de constitution du dossier individuel de M. et Mme D... et au délai de communication, fractionnée, qui leur a été imposé, les appelants sont fondés à soutenir que le département des Yvelines a commis des fautes à ce titre, engageant la responsabilité de l'administration.
11. En revanche, contrairement à ce soutiennent les requérants, et comme l'ont retenu les premiers juges, l'administration pouvait légalement décider d'occulter certaines mentions des documents composant leurs dossiers individuels relatives à la vie privée des enfants ou des jeunes majeurs accueillis, en application des dispositions combinées des articles L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l'administration, selon lesquelles ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical, ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Le département n'a donc pas commis de faute à ce titre.
S'agissant des fautes relatives au retrait de trois mineurs en janvier 2018 et aux accueils postérieurs :
12. En premier lieu, M. et Mme D... soutiennent que la décision du département, prise le 8 janvier 2018, de leur retirer trois mineurs accueillis à leur domicile, est entachée d'illégalité fautive. Il résulte de l'instruction que le département des Yvelines a motivé ce retrait par le souhait des mineurs concernés, qui auraient exprimé un mal-être au sein de la famille et un manque de compréhension de leur religion. Toutefois, l'administration se borne à produire, pour établir la matérialité de ce motif, deux notes rédigées plus de deux ans après les faits, le 6 avril 2020 à l'occasion de la consultation du dossier sollicitée par les requérants, et le 3 novembre 2022, par la chef du service départemental d'accueil familial yvelinois, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a jamais rencontré les enfants retirés. Par ailleurs, M. et Mme D..., qui ont joint à l'instance leurs évaluations favorables en qualité d'assistants familiaux depuis respectivement dix et vingt ans environ, produisent au contraire des documents, des témoignages de travailleurs sociaux et d'une directrice d'école, et des photographies, dont il ressort notamment que, s'agissant d'un des enfants concernés, F... K., ils ont maintenu des liens personnels et amicaux jusqu'à une date récente. Il résulte également de l'instruction que, contrairement à ce qu'indique l'administration territoriale, les requérants ont eu l'occasion d'accueillir certains mineurs de manière durable. Dans ces conditions, et quand bien même en décembre 2017 des difficultés seraient apparues quant à des appels passés en Afrique par les mineurs, ainsi que des retards de ces derniers chez l'orthophoniste, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que la décision de retrait de trois mineurs le 8 janvier 2018 est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre cette décision, tiré de l'existence d'un vice de procédure, elle est entachée d'illégalité fautive engageant la responsabilité du département des Yvelines.
13. En second lieu, M. et Mme D... soutiennent que le département des Yvelines a décidé, après le retrait de trois mineurs le 8 janvier 2018, de réduire voire de supprimer totalement le placement d'enfants ou de jeunes majeurs auprès d'eux, alors que leurs agréments permettaient l'accueil de cinq personnes, et que cette décision constitue à leur égard une sanction déguisée. Il résulte cependant de l'instruction et de leurs écritures que les requérants ont continué d'accueillir, après ce retrait, trois enfants déjà présents, Mélanie, Maxence et Greg, qu'ils ont accueilli Messaline en avril 2018, Rayan C. en août 2018, puis Emmanuel et Bénédicte lors des week-ends du mois de novembre 2018. M. et Mme D... ont également accueilli, en décembre 2018 puis janvier 2019, deux jeunes majeurs, A... et B.... Par suite, alors que l'accueil d'autant d'enfants que le permet l'agrément ne constitue pas un droit pour un assistant familial, le code de l'action sociale et des familles prévoyant d'ailleurs un droit au maintien d'une rémunération en cas de défaut d'accueil durant plus de quatre mois consécutifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le département aurait commis une faute en ne leur confiant plus d'enfants ou de jeunes majeurs à compter du mois de janvier 2018.
S'agissant des fautes relatives à l'accompagnement de la famille d'accueil par le département des Yvelines :
14. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à la date des faits : " Le département assure par une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical l'accompagnement professionnel des assistants familiaux qu'il emploie et l'évaluation des situations d'accueil ". Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 421-16 du même code, cité au point 7 du présent arrêt, que les assistants familiaux doivent bénéficier d'un soutien éducatif et qu'un contrat d'accueil doit être établi à l'occasion de chaque placement.
15. M. et Mme D... soutiennent que l'administration départementale a fait preuve de carences fautives à leur égard, notamment en ne les accompagnant pas suffisamment lors de l'accueil de deux jeunes majeurs à compter du mois de décembre 2018.
16. En premier lieu, comme l'ont retenu les premiers juges, plusieurs jeunes accueillis par les requérants n'ont fait l'objet d'aucun contrat d'accueil, ce qui n'est pas contesté par le département des Yvelines et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de ce dernier.
17. En deuxième lieu, M. D... a accueilli, le 17 décembre 2018, A..., âgé de dix-huit ans et souffrant de handicaps mentaux. Il a également accueilli, à compter du 11 janvier 2019 et pour les week-ends, B..., âgé de dix-huit ans et souffrant de plusieurs troubles psychiatriques, notamment de pulsions sexuelles, de trichotillomanie et kleptomanie. Or, il résulte de l'instruction que M. et Mme D... n'ont pas été préalablement informés des troubles de ce dernier, lui administrant des médicaments sans connaître la nature du traitement. Par ailleurs, le jeune B..., accueilli jusqu'au mois de mars 2019, a commis des vols au préjudice du couple et d'enfants accueillis, et a agressé sexuellement le jeune A..., en mars 2019. Enfin, au cours d'une crise, ce dernier a agressé M. D... le 1er avril 2019, l'intéressé ayant été placé en arrêt maladie, reconnu imputable au service, du 2 au 30 avril 2019, puis du 20 juillet au 5 novembre 2019. Dans ces conditions, comme l'ont retenu les premiers juges, les services du département des Yvelines doivent être regardés comme étant à l'origine, en raison d'un défaut majeur de communication, des dysfonctionnements et incidents graves auxquels ont été confrontés les époux D... au début de l'année 2019, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité.
S'agissant de la dégradation de l'état de santé de Mme D... :
18. Si Mme D... soutient que la responsabilité du département des Yvelines est engagée du fait de la dégradation de son état de santé, il ne résulte pas de l'instruction que les congés de maladie dont elle a bénéficié, du 30 avril au 15 juin 2018, puis à compter du 13 mai 2019, seraient imputables de manière directe et certaine à des agissements commis par son employeur, alors en outre qu'elle n'a pas demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de ces arrêts. Il en va de même en ce qui concerne son placement en invalidité à compter du 1er décembre 2019, avant son admission à la retraite le 30 mai 2020. Mme D... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la dégradation de son état de santé résulterait d'un comportement fautif de l'administration territoriale.
S'agissant du harcèlement moral allégué :
19. Il résulte des dispositions citées au point 7 du présent arrêt que les assistants familiaux sont des agents non titulaires des collectivités territoriales qui les emploient. Ils ne sauraient à ce titre subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur au moment des faits invoqués par les requérants. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
20. S'il résulte de ce qui a été exposé aux points 10, 12, 16 et 17 du présent arrêt que le département des Yvelines a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. et Mme D..., dans le cadre de la relation de travail nouée avec eux depuis respectivement dix et vingt ans environ, ces agissements ne laissent pas présumer, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'existence de faits suffisants pour caractériser une situation de harcèlement moral à leur égard.
En ce qui concerne les préjudices subis et les intérêts :
21. En premier lieu, M. D... ne conteste pas l'appréciation faite par les premiers juges de son préjudice financier à partir du mois d'avril 2019, le département des Yvelines n'ayant au demeurant pas formé d'appel incident sur ce point. Il y a lieu par suite de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour le calcul de l'indemnité due à ce titre.
22. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la décision fautive par laquelle le département des Yvelines a retiré, le 8 janvier 2018, trois mineurs placés au domicile du couple, l'un étant accueilli par M. D... et les deux autres par Mme D..., a causé aux requérants un préjudice financier qui n'a pas été compensé par l'accueil d'autant d'enfants, parfois pour des durées plus réduites, après cette date. Au regard des rémunérations perçues effectivement par les intéressés, du fait de ces derniers placements, et de celles qui auraient été les leurs en l'absence de décision fautive du département, ces éléments étant justifiés par les bulletins de paie produits et non contestés en défense, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par M. D... jusqu'au mois d'avril 2019 en fixant l'indemnité due à ce titre par l'administration à 23 000 euros, incluant le préjudice relatif à la perte de droits à pension, et du préjudice financier subi par Mme D... jusqu'au mois de juillet 2019 en fixant l'indemnité due à ce titre par le département à 40 000 euros, incluant également le préjudice relatif à la perte de droits à pension. Mme D... n'est en revanche pas fondée à demander réparation d'un préjudice financier au-delà de cette dernière date, dès lors qu'elle a été placée en invalidité, avant d'être admise à la retraite le 30 mai 2020.
23. En troisième lieu, eu égard aux fautes commises par le département des Yvelines, exposées aux points 10, 12, 16 et 17 du présent arrêt, et au retentissement de celles-ci sur les conditions de travail et la fin de carrière de M. et Mme D..., il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par ces derniers en portant la somme due à ce titre par la collectivité publique à 5 000 euros chacun.
24. En quatrième lieu, M. et Mme D... ne produisent au dossier aucune note d'honoraires ou document justifiant des frais d'avocat qu'ils auraient exposés lorsqu'ils ont été contraints de saisir la commission d'accès aux documents administratifs afin d'avoir accès à leurs dossiers individuels. Par ailleurs, les frais qu'ils ont exposés en vue des instances contentieuses ne peut faire l'objet que d'une somme versée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Leur demande indemnitaire présentée au titre des frais de procédure ne peut donc qu'être rejetée.
25. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que la demande indemnitaire préalable des requérants a été reçue par le département des Yvelines le 28 avril 2021. Les sommes mentionnées aux points 22 et 23 du présent arrêt seront donc assorties des intérêts au taux légal à compter de cette dernière date.
26. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a limité la condamnation du département des Yvelines à leur verser les sommes respectives de 3 000 euros et de 2 000 euros, outre le renvoi de M. D... devant l'administration territoriale afin qu'il soit procédé au calcul et au versement de ses droits à rémunération pour la période du 6 avril au 30 septembre 2019. Ce jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les éléments mentionnés aux points 3 et 4, et doit être réformé en ce qu'il a de contraire à ce qui est exposé aux points 7 à 24 du présent arrêt.
Sur les frais liés aux litiges :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme D..., qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, le versement d'une somme au département des Yvelines au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 2 000 euros, chacun, à M. et Mme D..., sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2106973, 2106974 du 9 octobre 2023 est annulé dans la seule mesure mentionnée aux points 3 et 4 du présent arrêt.
Article 2 : Le département des Yvelines versera à M. D... la somme totale de 28 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2021.
Article 3 : Le département des Yvelines versera à Mme D... la somme totale de 45 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2021.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2106973, 2106974 du 9 octobre 2023 est, dans la mesure non annulée en conséquence de l'article 1er ci-dessus, réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le département des Yvelines versera la somme de 2 000 euros chacun à M. et Mme D..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme C... D... et au département des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Even, premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- M, Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. Even
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N°s 23VE02693, 23VE02706