Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 par lequel le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Par un jugement n°2308609 du 20 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, et des pièces, non communiquées, enregistrées le 7 février 2025, Mme A..., représentée par Me Mbombo Mulumba, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit, faute pour le préfet d'avoir examiné sa demande au regard des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indépendamment de la circonstance qu'elle était éligible au regroupement familial ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête et fait valoir que ses moyens sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Troalen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 juin 2023, le préfet du Val-d'Oise a rejeté la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 17 septembre 1990, l'a obligée à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite. Elle relève appel du jugement du 20 décembre 2023, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Mme A..., en sa qualité de conjointe d'un ressortissant sénégalais titulaire d'une carte de résident, est susceptible d'être admise à séjourner en France, au titre du regroupement familial, dans les conditions prévues par les articles L. 434-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut donc, en principe, se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, en application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, il appartenait au préfet, d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance qu'elle relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressée. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que Mme A... séjourne régulièrement en France depuis le mois d'octobre 2019, après être entrée régulièrement avec un visa étudiant d'une durée d'un an puis s'être vue délivrer des récépissés de demande de renouvellement de carte de séjour, qu'elle a épousé le 10 octobre 2020, après son entrée en France, un compatriote titulaire d'une carte de résident, qui travaille en France pour le même employeur depuis l'année 2018, et que le couple a une enfant, née en France le 23 décembre 2020. Ainsi, alors même que les parents de Mme A... résident dans son pays d'origine, eu égard à la durée de sa présence en France, et à l'intensité et à la durée de ses liens familiaux en France, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces mesures ont été prises et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Val-d'Oise délivre à Mme A... un titre de séjour. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par Mme A....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2308609 du 20 décembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 2 juin 2023 du préfet du Val-d'Oise est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 11 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.
La rapporteure,
E. TroalenLa présidente,
A.-C. Le Gars
La greffière,
C. Drouot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24VE00230