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04/03/2025 | FRANCE | N°23VE00618

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 04 mars 2025, 23VE00618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme totale de 303 275 euros à titre d'indemnisation du temps de travail additionnel et des temps d'astreinte ainsi qu'en réparation de l'absence du temps de repos légal.



Par un jugement n°2001456 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.





Procédure devant la c

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Par une requête enregistrée le 24 mars 2023, M. B..., représenté par Me Choulet, avocat, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme totale de 303 275 euros à titre d'indemnisation du temps de travail additionnel et des temps d'astreinte ainsi qu'en réparation de l'absence du temps de repos légal.

Par un jugement n°2001456 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2023, M. B..., représenté par Me Choulet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2023 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme totale de 624 210 euros à titre d'indemnisation du temps de travail additionnel et des temps d'astreinte ainsi qu'en réparation de l'absence du temps de repos légal ;

3°) de réserver les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices tirés de l'insuffisante indemnisation du temps de travail additionnel du fait de l'irrespect des dispositions tarifaires au cours des années 2002 à 2015 ;

4°) d'ordonner avant dire droit au centre hospitalier de produire l'intégralité des tableaux récapitulatif de temps de travail additionnel et des tableaux mensuels de service depuis l'année 2002 ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à l'indemniser de ses préjudices et de le renvoyer pour la liquidation de ceux-ci devant le centre hospitalier ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que son dispositif ne précise pas les causes juridiques du rejet de la requête ;

- il est également irrégulier, dès lors que les premiers juges ont retenu à tort que la requête était en partie irrecevable, faute pour les conclusions concernées de se rattacher au même fait générateur que celui invoqué dans la demande préalable ayant lié le contentieux ; en effet, toutes ses demandes se rattachent au même fait générateur, constitué par la faute commise par le centre hospitalier dans l'application de la réglementation sur le temps de travail ;

- en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'irrespect de la règlementation du temps de travail, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont également entaché leur jugement d'irrégularité ;

- la créance n'est pas prescrite, dès lors que la demande constante des syndicats visant à la prise en compte du temps de garde comme équivalent à trois demi-journées a interrompu le délai de prescription, qu'il doit être regardé comme ayant légitimement ignoré sa créance avant la décision du Conseil d'Etat du 22 octobre 2014, et, à titre subsidiaire, que la réponse apportée le 20 janvier 2015 par l'établissement à sa demande du 20 novembre 2014 a interrompu la prescription pour ce qui concerne les sommes dues à compter du 1er janvier 2010 ;

- le centre hospitalier a commis une faute en refusant de l'indemniser au titre du temps de travail additionnel résultant du dépassement de la durée maximale de quarante-huit heures hebdomadaires sur une période de quatre mois depuis le 1er janvier 2002 ; le montant de l'indemnité correspondante s'élève, pour la période de 2002 à 2019, à la somme de 88 066 euros et, pour la période de 2010 à 2019, à la somme de 33 672 euros ;

- en outre, les sommes qui lui ont d'ores et déjà été versées à titre d'indemnisation du temps de travail additionnel sont insuffisantes du fait de l'application d'un taux forfaitaire inférieur à celui prévu par les dispositions de l'article 14 de l'arrêté du 30 janvier 2003 ; ainsi, sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019, le centre hospitalier lui est redevable d'une somme de 2 340 euros ; il réserve sa demande s'agissant de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2015 dans l'attente de la production par le centre hospitalier des tableaux de temps additionnel correspondant ;

- il demande l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence et de l'atteinte à sa santé résultant de ce dépassement à hauteur des sommes respectives de 88 066 euros et 40 000 euros ;

- le centre hospitalier a également commis une faute en refusant d'indemniser les périodes pendant lesquelles il était d'astreinte selon les modalités applicables au temps de travail additionnel ; le préjudice correspondant s'élève à la somme de 192 869 euros ;

- il demande l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence résultant de cette insuffisante indemnisation, à hauteur de la même somme ;

- le centre hospitalier a encore commis une faute, du fait de l'absence de respect du temps de repos quotidien après une période d'astreinte, à l'origine d'un préjudice estimé à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2023, le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par Me Sery, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des frais d'instance.

Le centre hospitalier fait valoir que :

- le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé du dispositif du jugement attaqué est inopérant ;

- les autres moyens d'irrégularité du jugement manquent en fait ;

- la demande indemnitaire préalable portait uniquement sur l'indemnisation du temps de travail additionnel ; les autres demandes présentées devant le tribunal puis devant la cour, relatives à l'indemnisation des astreintes et à l'absence de temps de repos suffisant après un déplacement en astreinte, ne se rapportent pas au même fait générateur et sont donc irrecevables faute de demande préalable ;

- les demandes tendant à l'indemnisation de troubles dans les conditions d'existence et de l'atteinte à la santé du fait d'un temps de travail hebdomadaire supérieur à 48 heures sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; en tout état de cause, elles n'ont pas davantage été précédées d'une demande indemnitaire ;

- ni les différentes demandes formulées par des syndicats dont le requérant se prévaut, qui ne sont pas produites, ni le recours formé contre le décret du 6 décembre 2002 ne sauraient avoir eu pour effet d'interrompre le délai de prescription quadriennale ; il ne saurait être regardé comme ayant légitimement ignoré sa créance avant la décision du Conseil d'Etat du 22 octobre 2014 ; le courrier du 20 novembre 2014, qui ne formule aucune demande précise d'indemnisation du temps de travail effectué au cours des gardes de nuit, n'a pas interrompu le délai de prescription quadriennale ; par suite, les demandes ayant trait à l'indemnisation du temps de travail effectué au cours des gardes de nuit sont prescrites s'agissant des services accomplis avant le 1er janvier 2015 ; dans l'hypothèse où la cour regarderait le courrier du 20 novembre 2014 comme ayant eu pour effet d'interrompre le délai de prescription, la prescription est acquise pour toutes les créances dont le fait générateur se trouve dans les services de garde accomplis entre les années 2002 et 2009 ; le courrier du 20 novembre 2014 ne peut avoir interrompu le délai de prescription s'agissant de l'indemnisation du temps d'astreinte, cette question n'étant pas évoquée dans ce courrier ; il en va de même du courrier du 23 décembre 2019 ; la prescription est acquise s'agissant de la demande d'indemnisation du temps d'astreinte effectué entre les années 2010 et 2015 ; la prescription est enfin acquise s'agissant des demandes d'indemnisation de l'absence de repos suffisant ;

- c'est à bon droit que l'hôpital a exclusivement comptabilisé le temps de travail de nuit effectué par l'intéressé en demi-journées et non en heures, en estimant qu'une garde de nuit correspondait à deux demi-journées, si bien que la demande d'indemnisation supplémentaire de ce temps de travail, qui a déjà été indemnisé, est infondée ; en tout état de cause, l'intéressé ne démontre pas avoir accompli plus d'heures de temps de travail additionnel que ce pour quoi il a déjà été rémunéré, c'est-à-dire avoir accompli plus de quarante-huit heures de travail hebdomadaire, en moyenne, sur chacune des périodes de quatre-mois concernées ; en tout état de cause, les demandes formulées sont excessives, dès lors qu'il y a lieu de retrancher à l'indemnité forfaitaire le montant de l'indemnité de sujétion correspondante ;

- la demande d'indemnisation complémentaire du temps d'astreinte est infondée ; il en va de même s'agissant de la demande d'indemnisation du non-respect du temps de repos après un déplacement en astreinte.

Par ordonnance du 8 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Condamine, représentant le centre hospitalier régional d'Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., praticien hospitalier au centre hospitalier régional d'Orléans relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes d'indemnisation du temps de travail additionnel effectué entre les années 2002 et 2019 et des astreintes assurées entre les années 2010 et 2019 ainsi que sa demande d'indemnisation en réparation de l'absence de bénéfice du temps de repos légal après les déplacements effectués lors d'astreintes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les premiers juges, qui ont indiqué les motifs pour lesquels ils ont estimé que les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'erreur de liquidation pour l'indemnisation forfaitaire des demi-journées de travail en temps de nuit, de la mauvaise comptabilisation du temps de travail pendant les périodes d'astreinte, de l'erreur de liquidation pour le calcul de l'indemnité d'astreinte et du non-respect des temps de repos après une période d'astreinte étaient irrecevables, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en ne précisant pas, dans le dispositif de leur décision, la cause juridique du rejet de la demande présentée par M. B....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

4. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

5. Par un courrier daté du 23 décembre 2019, M. B... a fait part au centre hospitalier régional d'Orléans de ce que selon lui, un praticien effectuant deux gardes de vingt-quatre heures sur une période de sept jours réaliserait d'ores et déjà la durée maximum de travail autorisée sur une telle période et a de ce fait demandé à l'établissement de l'indemniser des heures de travail effectuées en dehors de ces gardes, après avoir " [recalculé] son temps de travail sur toute la période depuis 2002 ". Eu égard à ses termes, ce courrier doit être regardé comme ayant eu pour seul objet de demander l'indemnisation du temps de travail additionnel effectué au-delà des quarante-huit heures hebdomadaires prévues par le code de la santé publique. Les demandes tendant à l'indemnisation des astreintes et à la réparation de l'absence de bénéfice du temps de repos légal après les déplacements effectués lors d'astreintes, ou aux modalités de calcul des indemnités forfaitaires d'ores et déjà perçues, ne se rattachent pas à ce fait générateur. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le centre hospitalier a rejeté la réclamation préalable de M. B... n'avait pas lié le contentieux à l'égard de ces demandes et les ont rejetées pour irrecevabilité, sans avoir, de ce fait, à examiner le bien-fondé de ces demandes.

Sur les demandes indemnitaires :

6. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, les conclusions tendant l'indemnisation des astreintes et à la réparation de l'absence de bénéfice du temps de repos légal après les déplacements effectués lors d'astreintes, ainsi qu'à l'insuffisante indemnisation du temps de travail additionnel du fait des modalités de calcul des indemnités forfaitaires d'ores et déjà perçues sont irrecevables.

7. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article R. 6152-27 du code de la santé publique, lorsque l'activité médicale n'est pas organisée en temps continu, les obligations de service hebdomadaires des praticiens hospitaliers exerçant leurs fonctions à temps plein sont fixées à dix demi-journées hebdomadaires et ne peuvent excéder quarante-huit heures par semaine en moyenne sur une période de quatre mois. Les indemnités forfaitaires dues, en application du b) du 1° de l'article D. 6152-23-1 du même code, pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires doivent être versées au praticien contractuel exerçant à temps plein qui a accompli plus de dix demi-journées par semaine mais aussi à celui qui justifie avoir travaillé plus de quarante-huit heures en moyenne sur une période de quatre mois.

8. En l'espèce, M. B... fournit des documents faisant apparaître qu'il a effectué sur la période en litige des demi-journées de service au-delà de son obligation de service hebdomadaire. Il n'est pas contesté qu'il a perçu à ce titre les indemnités forfaitaires prévues par les dispositions du b) du 1° de l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique. En revanche, l'intéressé, qui propose une modélisation théorique de son temps de travail en faisait valoir qu'il a systématiquement dépassé ses obligations de service, ne fournit aucun élément de nature à faire présumer de ce qu'il aurait accompli plus de quarante-huit heures de travail hebdomadaires en moyenne par quadrimestre au cours de chacun des quadrimestres concernés par sa demande, ce qui ne peut résulter de la seule circonstance que les gardes qu'il a effectuées, programmées de 18h30 à 8h30, durent en pratique quatorze heures, en l'absence notamment, d'éléments sur le volume horaire, pour chaque quadrimestre, des autres demi-journées de service effectuées la nuit ou le jour. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à demander une indemnisation supplémentaire à ce titre.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non recevoir et l'exception de prescription soulevées en défense ou d'ordonner, avant dire droit, la production des pièces sollicitées par M. B..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la demande relative aux frais d'instance présentées par le centre hospitalier :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que le centre hospitalier régional d'Orléans demande au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier régional d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier régional d'Orléans.

Délibéré après l'audience du 11 février 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.

La rapporteure,

E. TroalenLa présidente,

A.-C. Le GarsLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23VE00618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00618
Date de la décision : 04/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Dispositions propres aux personnels hospitaliers. - Personnel médical. - Règles communes.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET CHOULET AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-04;23ve00618 ?
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