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28/02/2025 | FRANCE | N°23VE01565

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 28 février 2025, 23VE01565


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... R..., Mme N... I... épouse E..., Mme M... C... épouse H..., M. J... I..., Mme D... I... épouse K..., M. A... I..., M. O... I... et la SCI du Moustier ont demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la délibération n° 02-CM08072021 du 8 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Montgeron a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ou, à

titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle identifie les parcel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... R..., Mme N... I... épouse E..., Mme M... C... épouse H..., M. J... I..., Mme D... I... épouse K..., M. A... I..., M. O... I... et la SCI du Moustier ont demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la délibération n° 02-CM08072021 du 8 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Montgeron a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle identifie les parcelles cadastrées section AB n° 301, 111 et 615 comme espaces verts protégés au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, ainsi que, dans cette mesure, la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2111019 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 juillet 2023, le 9 octobre 2024 et le 19 décembre 2024, Mme R... et autres, représentés par Me Marques, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, à titre principal, la délibération du 8 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Montgeron a approuvé la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle identifie les parcelles cadastrées section AB n° 301, 111 et 615 comme espaces verts protégés au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, ainsi que, dans cette mesure, la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

3°) et de mettre à la charge de la commune Montgeron la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen soulevé tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la délibération en litige est irrégulière dès lors que l'affichage de l'avis initial d'ouverture d'enquête publique était insuffisant ;

- elle est irrégulière dès lors que le public n'a pas été informé, par voie d'affichage et de publication dans un journal local, ni sur le site internet de la commune, au plus tard au jour de la date de fin d'enquête initialement prévue, de la prolongation de l'enquête publique ;

- elle méconnait l'article R. 151-5 du code de l'urbanisme dès lors que le rapport de présentation est insuffisant sur la justification des modifications opérées concernant les espaces verts protégés ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme ne permet pas de classer en espaces verts protégés des terrains bâtis ou non bâtis constructibles ;

- elle méconnait cet article L. 151-23 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles AB n° 111, 301 et 615 en espaces verts protégés ;

- elle méconnait cet article L. 151-23 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du classement en espaces verts protégés de 44 hectares en zone urbaine, lequel est disproportionné et n'est pas adapté au parti d'urbanisme poursuivi ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle méconnait l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle n'est pas compatible avec le schéma directeur de la région Ile-de-France qui vise la densification des espaces urbanisés, notamment dans la commune de Montgeron, identifiée au titre des " quartiers à densifier à proximité des gares " et des " espaces urbanisés à optimiser " ;

- elle méconnait l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle ne permet pas d'assurer le respect du principe d'équilibre entre le développement urbain et la gestion économe des espaces naturels.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 avril et 6 novembre 2024, la commune de Montgeron, représentée par Me Saint-Supery, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme R... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2025, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la commune de Montgeron a été enregistré le 17 janvier 2025 et n'a pas été communiqué.

Par un courrier, enregistré le 21 janvier 2025, Me Marques a informé la cour que M. J... I... est décédé le 14 août 2024 et que ses enfants, Mme P... I..., Madame L... I... et Madame B... Q..., reprennent l'instance engagée par leur père.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 24 avril 2012 fixant les caractéristiques et dimensions de l'affichage de l'avis d'enquête publique mentionné à l'article R. 123-11 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Campana pour les requérants pour et de Me Saint-Supery pour la commune de Montgeron.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune de Montgeron a, par une délibération du 8 juillet 2021, approuvé la modification n° 3 de son plan local d'urbanisme afin notamment de protéger de nouveaux espaces verts sur le fondement de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, dont les parcelles cadastrées AB n° 301, 111 et 615 appartenant à Mme R... et autres. Ces derniers demandent à la cour d'annuler le jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de la décision de rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme R... et autres soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la délibération du 8 juillet 2021 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, cette affirmation est contredite par le jugement attaqué qui établit que le tribunal a visé ce moyen et y a répondu au point 19. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Montgeron du 8 juillet 2021 et de la décision de rejet du recours gracieux :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'environnement : " (...) Par décision motivée, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête peut prolonger l'enquête pour une durée maximale de quinze jours, notamment lorsqu'il décide d'organiser une réunion d'information et d'échange avec le public durant cette période de prolongation de l'enquête. Cette décision est portée à la connaissance du public, au plus tard à la date prévue initialement pour la fin de l'enquête, dans les conditions prévues au I de l'article L. 123-10. ". Aux termes de l'article L. 123-10 de ce code : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. Cet avis précise : -l'objet de l'enquête ; -la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et des autorités compétentes pour statuer ; -le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête ; -la date d'ouverture de l'enquête, sa durée et ses modalités ; -l'adresse du ou des sites internet sur lequel le dossier d'enquête peut être consulté ; -le (ou les) lieu (x) ainsi que les horaires où le dossier de l'enquête peut être consulté sur support papier et le registre d'enquête accessible au public ; -le ou les points et les horaires d'accès où le dossier de l'enquête publique peut être consulté sur un poste informatique ; -la ou les adresses auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant le délai de l'enquête. S'il existe un registre dématérialisé, cet avis précise l'adresse du site internet à laquelle il est accessible. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-11 du même code : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. (...) / II. - L'avis mentionné au I est publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Si l'autorité compétente ne dispose pas d'un site internet, cet avis est publié, à sa demande, sur le site internet des services de l'Etat dans le département. (...) / III. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne le ou les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. (...) / Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci. (...) / Ces affiches doivent être visibles et lisibles de la ou, s'il y a lieu, des voies publiques, et être conformes à des caractéristiques et dimensions fixées par arrêté du ministre chargé de l'environnement. ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 24 avril 2012 dispose : " Les affiches mentionnées au III de l'article R. 123-11 mesurent au moins 42 × 59,4 cm (format A2). Elles comportent le titre " avis d'enquête publique " en caractères gras majuscules d'au moins 2 cm de hauteur et les informations visées à l'article R. 123-9 du code de l'environnement en caractères noirs sur fond jaune. ".

4. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et d'assurer la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement précitées, leur méconnaissance n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par le projet ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête du 2 avril au 4 mai 2021 portant sur la modification en litige a été publié dans le Républicain de l'Essonne et le Parisien édition de l'Essonne, ainsi que sur le site internet de la commune, dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point 3. Il ne résulte pas de ces dispositions qu'elles imposeraient une publication de cet avis dans le journal de la commune. Dès lors, la circonstance que le commissaire enquêteur a relevé que la parution au sein du journal " Mon Mag' " d'avril 2021 est succincte et tardive au regard du début de l'enquête est sans incidence. D'autre part, si cet avis a été affiché sur les panneaux municipaux au format A4 sur fond vert pâle et non au format A2 sur fond jaune, et que l'avis de prolongation de l'enquête jusqu'au 7 mai 2021 n'a fait l'objet que d'une mesure de publicité sur le site internet de la commune, il ressort des pièces du dossier, qu'au-delà des modalités obligatoires de publicité prescrites par le code de l'environnement, la commune de Montgeron a distribué le 26 avril 2021 dans les boites aux lettres des habitants de la commune un document explicatif de quatre pages sur les modifications envisagées et la procédure en cours incluant la prolongation de l'enquête publique. Elle a également organisé une réunion publique le 29 avril 2021. Enfin, la prolongation de la durée de l'enquête initialement prévue a été décidée afin de permettre la tenue d'une permanence supplémentaire du commissaire enquêteur, compte tenu de l'afflux des observations reçues, qui témoigne de la forte participation du public. Par suite, les irrégularités ainsi constatées n'ont pas nui à une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par la modification, ni été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait été prise au terme d'une enquête publique irrégulière doit donc être écarté dans toutes ses branches.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement ". L'article R. 151-5 de ce code précise : " Le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés lorsque le plan local d'urbanisme est : (...) 2° Modifié ; (...). ".

7. Il ressort du rapport de présentation qu'il liste les changements apportés au plan local d'urbanisme et consacre des développements à chacun d'eux. S'agissant plus précisément des espaces verts protégés, le rapport de présentation, outre un rappel introductif consacré aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables tels que la préservation de l'identité urbaine et architecturale de la ville, le maintien du caractère verdoyant et arboré des quartiers pavillonnaires de la ville et des surfaces de pleine terre et d'espaces verts dans les parcelles privées par l'identification de cœur d'îlots verts en espace paysager protégé, comporte également une partie B consacrée, sur plusieurs pages, à la présentation de cette évolution du plan local d'urbanisme. Cette partie précise la teneur de la modification, soit la protection supplémentaire de plus de 200 nouveaux espaces verts de 44 hectares constitués par les jardins de cœur d'îlots de l'habitat pavillonnaire, la méthodologie retenue pour l'identification de ces espaces, ainsi que la portée de cette modification par l'explication des règles applicables dans ces nouveaux espaces et leur capacité de construction. Le rapport de présentation expose ainsi suffisamment les motifs des changements apportés. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération en litige méconnait l'article R. 151-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de l'application de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent. ".

9. En premier lieu, les dispositions précitées permettent au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les auteurs des modifications au plan local d'urbanisme de Montgeron ont entendu créer de nouveaux espaces verts protégés dans le but de préserver tant le cadre paysager des secteurs urbanisés de la commune, en particulier des quartiers pavillonnaires, que le rôle de continuité écologique joué par ces espaces. De tels motifs d'ordre écologiques sont au nombre de ceux visés par le premier alinéa de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme qui n'exclut pas, contrairement à ce qui est soutenu, le classement en espace protégé des terrains constructibles situés en zone urbaine. Dès lors, la délibération en litige n'est pas entachée d'une erreur de droit au regard de ces dispositions.

11. D'autre part, il ressort du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) que les auteurs de ce plan ont souhaité placer le développement durable et la préservation des atouts paysagers de la commune au centre de leur parti d'urbanisme. Outre la protection des grands espaces naturels du territoire que sont la forêt de Sénart au sud et la vallée de l'Yerres au nord, le PADD comporte ainsi plusieurs objectifs visant le maintien d'espaces naturels au sein des zones urbaines. Il prévoit, au titre de l'orientation n° 2, de " Maintenir le caractère verdoyant et arboré des quartiers pavillonnaires de la ville en encadrant leurs possibilités d'évolutions ", de " maintenir la présence des éléments de patrimoine végétal (arbres remarquables) ", de " préserver la qualité paysagère " ainsi que les " espaces naturels et paysagers " et notamment " les cœurs d'îlot les plus significatifs, les alignements d'arbres, certains arbres isolés ". Le PADD poursuit également une volonté de limiter la densification des quartiers pavillonnaires qui " doivent conserver leurs caractéristiques principales ", en veillant notamment " au maintien des surfaces de pleine terre et d'espaces verts dans les parcelles privées ". Par son orientation n° 3, le PADD fixe, par ailleurs, un objectif de maintien du nombre d'habitants et de " maitrise de l'évolution de la population ", impliquant de " reconquérir les logements vacants, plutôt que mettre en œuvre de grandes opérations de construction ". Enfin, l'orientation n° 4 dédiée au " développement durable " comme " objectif transversal " met l'accent sur la " protection de la biodiversité et des milieux naturels ". A ce titre, le PADD indique que l'objectif majeur du PLU est de préserver les espaces naturels, " d'une part pour répondre aux objectifs de biodiversité et de préservation des puits de carbone, d'autre part pour répondre aux objectifs de qualité de paysages et qualité de vie des habitants ". Les auteurs du PLU de Montgeron entendent ainsi notamment " Préserver et améliorer la trame verte et bleue à l'échelle de la commune et assurer une continuité des corridors écologiques avec les territoires voisins " et " Prendre en compte le rôle des quartiers pavillonnaires et de leurs jardins dans la préservation de la biodiversité et leur rôle comme corridor écologique " en pas japonais " entre la vallée de l'Yerres et la forêt de Sénart ".

12. Il ressort des pièces du dossier que pour atteindre les objectifs précités, la modification en litige protège environ 200 nouveaux espaces verts lesquels représentent au total environ 44 hectares soit un peu plus de 8 % de la superficie des zones urbaines et un peu moins de 4 % du territoire dans son ensemble. Ces nouveaux espaces verts protégés ont été identifiés par le recours à un travail de photo interprétation ayant permis, à partir de vues aériennes, de repérer les espaces végétalisés en zone urbaine. Leur délimitation a ensuite été guidée par la volonté de permettre l'évolution du bâti existant, en ménageant une bande de l'ordre de 8 mètres à partir des constructions principales existantes et en prenant en compte les projets de construction ou de division déjà autorisés, les projets de même nature envisagés et évoqués lors de l'enquête publique ou la configuration particulière de certains terrains. Cette méthodologie a conduit à identifier des enfilades de jardins ou des espaces de grande taille demeurés à l'état naturel en particulier dans les quartiers pavillonnaires. La circonstance que certaines surfaces protégées à ce titre soient simplement enherbées ne contredit pas à elle-seule la pertinence de leur classement qui s'apprécie à l'échelle du cœur d'îlot, de l'unité paysagère ou du corridor discontinu dans lesquels elles s'insèrent. Par ailleurs, si le PADD fait seulement état d'un corridor écologique entre la vallée de l'Yerres et la forêt du Sénart, le schéma régional de cohérence écologique d'Ile-de-France identifie des réservoirs de biodiversité tant au niveau de la forêt de Sénart, au sud de la commune de Montgeron, que des vallées de l'Yerres et de la Seine, au nord de celle-ci. Ainsi, le classement en espaces verts protégés d'un réseau discontinu mais dense de cœurs d'ilots situés entre ces réservoirs de biodiversité s'inscrit dans le parti d'urbanisme poursuivi tenant, notamment, à la protection de corridors écologiques " en pas japonais ". Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette servitude d'espaces verts protégés affecterait tous les espaces non bâtis en zone urbaine, ni qu'elle rendrait inconstructible de nombreuses unités foncières dans leur intégralité, les prescriptions applicables permettant notamment la construction de bâtiments annexes d'une emprise au sol inférieures à 10m², de piscines découvertes d'une emprise au sol maximale de 30 m², de garage fermé si le terrain n'en comporte pas et s'il n'est pas possible d'en réaliser un sur un autre emplacement ou encore l'amélioration et le cas échéant, l'extension mesurée des garages déjà légalement présents dans les espaces verts protégés. Ainsi la localisation des espaces verts au sein de certains secteurs urbains dont l'urbanisation est maîtrisée, leur délimitation à l'échelle de cœur d'îlot et les prescriptions instituées qui ne font obstacle ni à l'évolution des constructions existantes par extension ni à la mutation du bâti existant par regroupement de parcelles, approuvés par la délibération en litige ne sont pas disproportionnés et n'excèdent pas ce qui est nécessaire à l'objectif recherché.

13. En second lieu, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

14. Il ressort plus particulièrement des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme modifié identifie sur les parcelles cadastrées section AB n° 301, 111 et 615, et notamment la parcelle n° 301 d'une contenance d'un peu plus de 3 000 m², des espaces verts protégés. Ces espaces naturels, sur des parcelles correspondant pour partie au parc de la propriété dite " Le Moustier " classée aux monuments historiques supportant en partie un espace boisé classé, s'intègrent dans un ensemble plus vaste constitué par l'espace vert du Château de Rottembourg et de l'école Sainte-Thérèse, situé entre la vallée de l'Yerres et la forêt de Sénart, lesquelles sont deux zones naturelles protégées, quand bien même elles en sont séparées par des murs, des voies et quelques constructions. Elles présentent, bien que pour partie peu arborées et enherbées, compte tenu de cet environnement immédiat, un intérêt paysager et écologique. Dans ces conditions, le classement particulier de ces parcelles n'apparait pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du parti d'urbanisme retenu.

S'agissant de la compatibilité avec les objectifs du schéma directeur de la région Ile-de-France :

15. Aux termes de l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles avec le schéma directeur de la région d'Ile-de-France. ".

16. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

17. Il ressort du SDRIF qu'il identifie la commune de Montgeron au titre des " quartiers à densifier à proximité des gares " et des " espaces urbanisés à optimiser ". Il fixe à ce titre un objectif d'augmentation de 10 à 15% de la densité humaine et de la densité moyenne des espaces d'habitat à l'horizon 2030. Toutefois, la possibilité d'atteindre un tel objectif s'apprécie à l'échelle de la commune et n'impose pas de densifier l'ensemble du territoire communal. Or, il ressort des pièces du dossier que les nouveaux espaces verts protégés créés par la modification litigieuse sont situés en grande partie au-delà de la bande de constructibilité de 25 mètres applicable en zone pavillonnaire UF et ne se trouvent pas dans les secteurs identifiés, lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme, comme disposant d'un potentiel de densification, alors que les requérants ne contestent pas le rapport de présentation aux termes duquel les objectifs précités seront atteints principalement par la réduction des logements vacants et la densification des espaces identifiés comme mutables. Ainsi, à l'échelle globale du territoire communal, la création de 44 hectares d'espaces verts protégés en zone urbaine et la limitation des droits à construire qui s'y applique, n'apparaissent pas, à elles seules, de nature à contrarier la réalisation de l'objectif de densification urbaine fixé par le SDRIF et donc à rendre le PLU modifié incompatible avec ce schéma.

S'agissant du respect du principe d'équilibre :

18. Aux termes de l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. / Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131- 5. ". Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : " 1° L'équilibre entre : (...) b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels (...) 2° La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ; (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; ".

19. Ces dispositions doivent être interprétées comme imposant seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. En conséquence, il appartient au juge administratif d'exercer un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par un plan local d'urbanisme et ces dispositions du code de l'urbanisme. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert, si le plan ne contrarie pas les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition.

20. Il ressort des pièces du dossier que les nouveaux espaces verts protégés créés par la modification litigieuse se situent dans le secteur pavillonnaire de la commune où le potentiel de mutation et donc de construction a été estimé comme particulièrement faible, alors que la commune dispose d'un taux important de logements vacants qu'elle souhaite remobiliser pour répondre à la demande de logements, laquelle est stable, qu'elle remplit déjà ses obligations en matière de logements sociaux et que d'autres espaces urbains ont été identifiés à densifier. Ainsi, à l'échelle de l'ensemble du territoire communal, quand bien même la zone naturelle représenterait plus de 50% de ce territoire, la création d'environ 44 hectares d'espaces verts protégés en zone urbaine, soit moins de 4 % du territoire, et la limitation des droits à construire qui s'y applique, n'apparaissent pas, à elles seules, de nature à faire obstacle à la recherche d'un équilibre entre densification et protection des milieux et des paysages naturels, ni à contrarier la poursuite des objectifs visés par les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

S'agissant du détournement de pouvoir allégué :

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être exposé, que la délibération en litige serait entachée de détournement de pouvoir.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme R... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 8 juillet 2021 ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux introduit contre cette délibération.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montgeron qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme R... et autres demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire de Mme R... et autres une somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de Montgeron sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme R... et autres est rejetée.

Article 2 : Mme F... R..., Mme N... I... épouse E..., Mme M... C... épouse H..., Mme D... I... épouse K..., M. A... I..., M. O... I..., Mme P... I..., Madame L... I..., Madame B... Q... et la SCI du Moustier verseront solidairement une somme globale de 2 000 euros à la commune de Montgeron en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... R... en qualité de représentante unique et à la commune de Montgeron.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. G... Even, premier vice-président, président de chambre,

- Mme Gaëlle Mornet, présidente assesseure,

- Mme Aventino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.

La rapporteure,

B. AventinoLe président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01565
Date de la décision : 28/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SYMCHOWICZ & WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-28;23ve01565 ?
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