Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2024.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Maginot, représentant les associations appelantes,
- et les observations de Me Fontaine, représentant le département du Loiret.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Loiret a, par un arrêté du 5 octobre 2016, modifié par un arrêté du 13 avril 2022, autorisé le département du Loiret à réaliser des travaux et ouvrages hydrauliques et à rejeter des eaux pluviales liées à la déviation de la route départementale 921 entre les communes de Jargeau et de Saint-Denis-de-l'Hôtel. Les associations Mardiéval et France Nature Environnement Centre-Val-de-Loire demandent à la cour d'annuler les jugements des 15 avril 2021 et 9 janvier 2023 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 214-10 dudit code : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues aux articles L. 181-17 à L. 181-18. ". Et aux termes de l'article L. 181-17 de ce code : " Les décisions prises sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. (...) ".
3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations, ouvrages, travaux et activités sur l'eau soumis à autorisation ou déclaration visés aux articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la décision contestée et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ". Il ressort de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 dont elles sont issues, qu'une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles.
5. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances des éléments d'un dossier de demande d'autorisation et notamment d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux au titre de la loi sur l'eau peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
6. Il résulte de l'instruction que le département du Loiret a pris en compte, pour déterminer l'état initial des zones humides sur le territoire concerné par le projet de déviation, le seul critère lié à la présence de végétation caractéristique, en estimant notamment que le critère pédologique était trop incertain en présence de fluviosols. Les associations requérantes soutiennent qu'une telle méthodologie a pu conduire à minorer l'évaluation des zones humides susceptibles d'être affectées. Toutefois, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que la caractérisation d'une zone humide implique la présence cumulative des deux critères botanique et pédologique, la méthode mise en œuvre par le pétitionnaire a nécessairement donné lieu à une évaluation égale ou supérieure à celle qui aurait été obtenue par l'application de ces deux critères. Le moyen tiré de l'irrégularité du dossier de demande d'autorisation à ce titre doit donc être écarté.
7. En deuxième lieu, les associations requérantes estiment que le dossier de demande comporte des incohérences s'agissant de la détermination des zones humides, dès lors que la " cartographie des végétations " révèlerait la présence de zones humides d'une étendue plus large que celle retenue dans la cartographie de l'étude d'impact. Toutefois, en ce qui concerne le bois de Latingy, il résulte de l'instruction que les zones qu'elles identifient comme humides ne comportent qu'en partie une végétation caractéristique des zones humides (aulnaie-frênaie), et en majorité un boisement non caractéristique des zones humides (chênaie-charmaie), que le tracé du projet de déviation n'impacte que très partiellement, à hauteur de 0,02 hectares. S'agissant de l'île des Baffaîts, seule l'emprise d'une pile du pont franchissant la Loire affectera la zone humide qui y a été identifiée du fait de la présence de saulaie arbustive, tandis que le tracé de la déviation sera situé au-dessus de cette zone, ces éléments ayant été correctement identifiés au dossier. Enfin, en ce qui concerne les berges de la Marmagne à Sandillon, où une roselière basse a été identifiée, il résulte de l'instruction qu'elles ne seront pas impactées par le projet dès lors que le tracé de la déviation implique un franchissement du cours d'eau par un ouvrage plus long qu'initialement prévu, surplombant la zone. Le moyen tiré de ce que la cartographie des zones humides serait entachée d'incohérences ne peut donc qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement, relatif au schéma d'aménagement et de gestion des eaux : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. ". Et aux termes de l'article R. 214-10 du même code : " Le dossier est également communiqué pour avis : / 1° A la commission locale de l'eau, si l'opération pour laquelle l'autorisation est sollicitée est située dans le périmètre d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux approuvé ou a des effets dans un tel périmètre ; (...) ".
9. Les associations requérantes reprochent au département du Loiret de ne pas avoir pris en compte, pour la constitution de son dossier de demande d'autorisation, deux zones humides identifiées sous les numéros ZH 35 et ZH 36 dans un inventaire daté de décembre 2014, réalisé dans le périmètre du SAGE Val Dhuy Loiret. Il est toutefois constant que ce document n'était pas intégré au SAGE opposable à la date de l'arrêté litigieux du 5 octobre 2016, lequel avait été approuvé par un arrêté préfectoral du 15 décembre 2011, publié le même jour. La commission locale de l'eau n'a d'ailleurs relevé, dans son avis du 15 décembre 2015, aucune incohérence à ce titre dans le dossier de demande déposé par le pétitionnaire. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 214-6 du code de l'environnement : " I.- Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.- Cette demande (...) comprend : / (...) / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en œuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / (...) ".
11. Les associations requérantes, qui relèvent que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire Bretagne souligne le rôle des zones humides dans la régulation des débits des cours d'eau, l'alimentation des nappes souterraines, la préservation de la biodiversité et l'interception des pollutions diffuses, soutiennent que le département du Loiret n'a pas suffisamment détaillé ces fonctionnalités hydrauliques et écologiques des zones humides, ce qui fausserait l'appréciation de l'équivalence des mesures de compensation mises en œuvre. Il résulte cependant de l'instruction que le dossier présenté par le pétitionnaire décrit la fonctionnalité hydraulique desdites zones, dans la mesure où il indique notamment qu'elle est de deux types, assurant au sud de l'aire d'étude un rôle principalement d'alimentation de la nappe alluviale et d'écoulement des fortes crues, et au nord de l'aire d'étude une fonction d'alimentation de la nappe souterraine. Comme l'ont à cet égard relevé les premiers juges, le dossier de demande mentionne en outre les zones humides impactées par le projet et précise leur superficie et leur fonctionnalité hydraulique, permettant l'appréciation de l'équivalence des mesures de compensation proposées. S'agissant des fonctionnalités écologiques de ces zones humides, le dossier indique avec suffisamment de précision, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, les modalités de leur prise en compte dans le cadre des mesures de compensation, dès lors qu'il propose l'application d'un " coefficient de qualité de fonctionnalité écologique ", variable selon la qualité fonctionnelle de chaque zone, et permettant de calculer une surface à compenser en hectares équivalent-qualité. Il résulte de ce mécanisme que le pétitionnaire prévoit de compenser la destruction de 0,4 hectares de " zones humides avérées " et de 18,2 hectares de " zones complémentaires pour la fonctionnalité du cortège d'espèces inféodées aux milieux humides ", par une surface de compensation supérieure. Alors que le pétitionnaire a ensuite exposé des exemples de calcul de surfaces d'habitats d'espèces à compenser, les appelantes ne démontrent pas en quoi de plus amples détails auraient été nécessaires à l'appréciation de la demande et à l'information du public, ni au demeurant en quoi ces modalités de définition des mesures de compensation ne permettraient pas d'assurer la similarité de pressions anthropiques, recommandée par le " Guide de la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides " publié par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques en 2016, dont elles se prévalent, qui est en tout état de cause dépourvu de valeur juridique. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation doit donc être écarté.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments mentionnés au 5° ; (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation expose, en application des dispositions précitées, des mesures d'évitement et de réduction des effets négatifs notables du projet sur l'environnement, dès lors notamment qu'il expose les conditions d'élaboration du tracé retenu pour le projet, lequel a été choisi afin d'éviter et de réduire l'impact sur les zones humides, en particulier par l'allongement de certains ouvrages de franchissement de cours d'eau, ce qui permettra de préserver les berges de ces derniers. De même, au terme de la phase de concertation, le maître d'ouvrage a choisi de retenir une variante du tracé de la déviation projetée, permettant de réutiliser 1 300 mètres de la route départementale 411 existante, d'éviter de ce fait l'imperméabilisation de davantage de sols, et de contourner la mare du Clos Yré. Enfin, le dossier précise que des tunnels à batraciens permettront à la faune des zones humides de traverser l'ouvrage. Le moyen tiré de ce que le dossier de demande ne comporterait aucune mesure d'évitement et de réduction des effets négatifs notables sur l'environnement doit donc être écarté.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 214-6 du code de l'environnement : " I.-Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.- Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : / (...) / 4° Un document : / (...) / c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux et avec les dispositions du plan de gestion des risques d'inondation mentionné à l'article L. 566-7 et de sa contribution à la réalisation des objectifs visés à l'article L. 211-1 ainsi que des objectifs de qualité des eaux prévus par l'article D. 211-10 ; (...) ".
15. Il résulte de l'instruction, alors par ailleurs que la compatibilité prévue par les dispositions précitées doit faire l'objet d'une analyse globale à l'échelle du territoire pertinent, que le dossier de demande déposé par le département du Loiret rappelle les prescriptions du SAGE Val Dhuy Loiret et du SAGE Nappe de Beauce, et qu'il analyse la compatibilité du projet avec leurs orientations, notamment celles visant à " Réduire la pollution liée aux rejets d'eaux pluviales ", " Conserver en bon état les zones humides remarquables ou d'intérêt particulier ", " Mettre en œuvre des systèmes de gestion alternatifs des eaux pluviales ", " Prévenir toute nouvelle atteinte à la continuité écologique ", " Sécuriser l'alimentation des résurgences du Loiret en veillant au bon fonctionnement du karst " et " Protéger les zones humides et leurs fonctionnalités ", ainsi qu'avec le SDAGE Loire Bretagne. Le dossier de demande d'autorisation relève ainsi la faiblesse des impacts et son absence d'incidence sur les résurgences du Loiret compte tenu de la multitude des conduits d'alimentation du Loiret. À cet égard, les associations requérantes ne sauraient utilement se prévaloir d'un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) daté de septembre 2017, établi à l'attention des constructeurs dans le cadre de la passation du marché de conception-réalisation du projet, qui recommande une étude des impacts des ouvrages sur les écoulements souterrains, alors au demeurant que des investigations complémentaires du BRGM ont montré, en 2019, que le risque sur les zones karstiques et sur les sources du Loiret était faible. Enfin, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le département du Loiret n'aurait pas justifié de la compatibilité du projet avec les orientations des documents susmentionnées relatives à la sécurisation de l'alimentation en eau potable, dès lors que le dossier, qui comporte une cartographie des captages d'alimentation en eau potable et de leur périmètre de protection, étudie ces enjeux dans le cadre de la description des modalités d'assainissement retenues, visant à piéger les pollutions accidentelles dans la traversée des captages d'eau grâce à des bassins multifonctions, et à réaliser des fossés étanches ainsi que des bassins de rétention et de traitement des eaux de chaussées, ce qui évitera de polluer les captages. Le moyen tiré du défaut de justification, dans le dossier de demande d'autorisation, de la compatibilité du projet avec le SAGE Val Dhuy Loiret et avec le SDAGE Loire Bretagne doit donc être écarté.
16. En septième lieu, aux termes de l'article R. 214-6 du code de l'environnement : " (...) II.- Cette demande (...) comprend : / (...) / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en œuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / (...) / VI. Lorsqu'il s'agit d'ouvrages mentionnés à la rubrique 3.2.6.0 du tableau de l'article R. 214-1, la demande comprend en outre, sous réserve des dispositions du II de l'article R. 562-14 et du II de l'article R. 562-19 : / (...) / 5° L'étude de dangers établie conformément à l'article R. 214-116 ; (...) ". L'article R. 214-1 du même code relatif à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 précise que la rubrique 3.2.6.0. concerne les " Digues / 1° De protection contre les inondations et submersions (A) ; / 2° De canaux et de rivières canalisées (D) (...) ".
17. Les associations requérantes soutiennent que le dossier de demande d'autorisation déposé par le département du Loiret ne présente pas suffisamment les risques liés à la construction d'un pont au-dessus de la Loire dans une zone karstique. Toutefois, alors qu'elles ne sauraient utilement se prévaloir, comme il a déjà été dit, d'un rapport établi par le BRGM en septembre 2017 dans le cadre de la passation du marché de conception-réalisation du projet, lequel fournit des recommandations relatives à l'exécution des ouvrages en vue notamment d'éviter la fragilisation de l'infrastructure en cas de mouvement de terrain, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a suffisamment pris en compte le risque karstique, en particulier lors de la phase de réalisation des travaux. L'étude d'impact, qui mentionne un risque karstique fort révélé par des sondages et des études géotechniques réalisés en 2004, 2006 et 2014, expose ainsi les techniques retenues s'agissant du chantier se déroulant dans le lit de la Loire, et analyse les risques liés à la présence de la digue de la Loire au droit de la déviation de Jargeau. Le comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques (CTPBOH) et le service de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques (SCSOH) ont d'ailleurs émis à cet égard un avis favorable au projet, respectivement les 29 septembre 2015 et 2 décembre 2015, et une note du BRGM du 11 avril 2019 indique en tout état de cause que des mesures constructives adaptées permettent de réduire fortement jusqu'à rendre acceptable le risque karstique, " c'est-à-dire rendre l'impact de cet aléa sans effet sur les enjeux identifiés ". Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande sur ce point doit donc être écarté.
18. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 163-1 du code de l'environnement : " I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. / Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. / (...) / Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne. Une même mesure peut compenser différentes fonctionnalités. (...) ".
19. Les associations requérantes soutiennent que les mesures de compensation des destructions de zones humides prévues par le département du Loiret sont insuffisantes. Il résulte cependant de l'instruction que l'impact principal du projet sera lié à une imperméabilisation des sols sur l'emprise de la chaussée, et à la transformation d'habitats naturels supports de biodiversité en zones impropres à la biodiversité. Ces atteintes entraîneront la destruction de 0,4 hectares de zones humides. Comme exposé au point 11 du présent arrêt, un coefficient multiplicateur, allant de 1 à 2,5 en fonction de la qualité de l'habitat présent sur chaque zone impactée, permettra de déterminer les mesures de compensation à mettre en œuvre, donnant notamment lieu à la création de surfaces humides à hauteur de 19,23 hectares, cette superficie étant supérieure à celle affectée par le projet. S'agissant de la compensation des zones humides ayant des fonctionnalités hydrauliques, pour l'alimentation des nappes souterraines notamment, le pétitionnaire a fait l'acquisition de terrains se trouvant au droit d'anciennes carrières à Saint-Denis-de-l'Hôtel, afin de restaurer des espaces de zones humides en bordure des zones en eau. Par ailleurs, les mesures de compensation identifiée dans le dossier de demande sous les numéros MC 03, concernant la mare du Clos Yré, et MC 05, dans le secteur des Lombardiaux entre Marmagne et Dhuy, couvriront une surface de 15 hectares et auront vocation à alimenter la nappe alluviale. Des fossés collecteurs des eaux naturelles de bassin versant assureront en outre des fonctionnalités hydrauliques et dirigeront ces eaux vers les exutoires naturels. Enfin, les associations requérantes n'apportent aucun argument permettant d'exclure par principe les mares et mouillères inclues dans les mesures de compensation de la qualification de zones humides. Le moyen tiré de l'insuffisance des mesures de compensation doit donc être écarté.
20. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " (...) XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. ".
21. Par ailleurs, aux termes de l'article 8-B " Préserver les zones humides dans les projets d'installations, ouvrages, travaux et activités ", du SDAGE Loire-Bretagne au titre de la période 2016-2021, approuvé par arrêté du 18 novembre 2015 : " 8B1- Les maîtres d'ouvrage de projets impactant une zone humide cherchent une autre implantation à leur projet, afin d'éviter de dégrader la zone humide. / À défaut d'alternative avérée et après réduction des impacts du projet, dès lors que sa mise en œuvre conduit à la dégradation ou à la disparition de zones humides, la compensation vise prioritairement le rétablissement des fonctionnalités. / À cette fin, les mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage doivent prévoir la recréation ou la restauration de zones humides, cumulativement : / - équivalente sur le plan fonctionnel ; / - équivalente sur le plan de la qualité de la biodiversité ; / - dans le bassin versant de la masse d'eau. / En dernier recours, et à défaut de la capacité à réunir les trois critères listés précédemment, la compensation porte sur une surface égale à au moins 200 % de la surface, sur le même bassin versant ou sur le bassin versant d'une masse d'eau à proximité. (...) ". Aux termes de l'article 13 intitulé " Protéger les zones humides et leurs fonctionnalités " du SAGE Nappe de Beauce : " Dès lors que la mise en œuvre d'un projet conduit, sans alternative avérée, à la disparition de zones humides, les mesures compensatoires proposées par le maitre d'ouvrage doivent prévoir, dans le même bassin versant, la création ou la restauration de zones humides équivalentes sur le plan fonctionnel et de la qualité de la biodiversité, respectant la surface minimale de compensation imposée par le SDAGE si ce dernier en définit une. / A défaut, c'est-à-dire si l'équivalence sur le plan fonctionnel et de la qualité de la biodiversité n'est pas assurée, la compensation porte sur une surface égale à au moins 200% de la surface supprimée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2 intitulé " Conserver en bon état les zones humides remarquables ou d'intérêt particulier " du SAGE Val-Dhuy-Loiret : " Conformément au SDAGE, dès lors que la mise en œuvre d'un projet conduit, sans alternative possible avérée, à la disparition de zones humides, les mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage doivent prévoir, dans le même bassin versant, la recréation ou la restauration de zones humides équivalentes sur le plan fonctionnel et de la qualité de la biodiversité. A défaut, la compensation des surfaces supprimées porte sur une surface égale à celle prévue par le SDAGE. (...) ".
22. Les associations requérantes soutiennent que les mesures compensatoires proposées par le département du Loiret et retenues par l'arrêté litigieux du 5 octobre 2016 contreviennent aux exigences d'efficacité et de pérennité prévues par les dispositions de l'article L. 163-1 du code de l'environnement, citées au point 18 du présent arrêt, et méconnaissent les SAGE Val Dhuy Loiret et Nappe de Beauce. Elles estiment notamment que la mesure de compensation MC 03, " Aménagement écologique du délaissé du Clos Yré ", constituerait une création ex nihilo d'une zone humide, et présenterait dès lors un fort risque d'échec compensatoire et ne serait donc pas efficace. Il résulte cependant de l'instruction que le site du Clos Yré est composé, dans son état initial, d'une mare peu profonde. Par suite, l'aménagement de cette zone, par la mise en place d'un plan de gestion écologique et de conservation, ne saurait être regardé comme constituant une création de zone humide ou présentant un risque élevé d'inefficacité. Les appelantes reprochent encore aux mesures de compensation MC 03 et MC 06, relatives à la mise en place de fossés d'assainissement, d'être vouées à l'échec en raison de leur localisation à proximité d'une route, facteur de mortalité pour les amphibiens et les reptiles, et de leur fonction d'assainissement des ruissellements et pollutions liés à la route. Toutefois, il résulte de l'instruction que le département du Loiret a prévu la réalisation de cinq tunnels permettant le déplacement des amphibiens sous la voirie. S'agissant des fossés de restauration des bassins naturels, ils seront situés à environ dix mètres de la voirie, et sont distincts des fossés de récupération des eaux provenant de la chaussée, lesquelles seront traitées dans des bassins de rétention. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués des 15 avril 2021 et 9 janvier 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 5 octobre 2016 modifié par arrêté du 13 avril 2022.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État et du département du Loiret, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme aux appelantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces dernières le versement de la somme de 2 000 euros au département du Loiret sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des associations Mardiéval et France Nature Environnement Centre-Val-de-Loire est rejetée.
Article 2 : Les associations Mardiéval et France Nature Environnement Centre-Val-de-Loire verseront la somme de 2 000 euros au département du Loiret en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mardiéval, à l'association France Nature Environnement Centre-Val-de-Loire, au département du Loiret et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00640