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12/02/2025 | FRANCE | N°23VE01348

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 12 février 2025, 23VE01348


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade.



Par un jugement n° 2003738 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. B...,

représenté par Me Boudjellal, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler cet arrêté ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade.

Par un jugement n° 2003738 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son avocat, Me Boudjellal, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas examiné le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué était fondé à tort sur la seule existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et non sur la disponibilité effective du traitement requis et ont ainsi commis une erreur de droit ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fondée sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine, et non sur la disponibilité effective d'un tel traitement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste concernant l'appréciation de la disponibilité de son traitement en Algérie et méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Par un mémoire en défense, enregistré le 07/01/205 le préfet du Val d'Oise maintient ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, Mme Villette, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pham a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant algérien né le 6 février 1994, est entré en France le 21 octobre 2017. Le 18 avril 2018, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 19 septembre 2019, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui accorder ce titre de séjour. M. B... relève appel du jugement n° 2003738 du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...). ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B..., le préfet a estimé que si l'état de santé de celui-ci nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier d'un traitement approprié et pouvait voyager sans risques. Le préfet se prévaut à cet égard de l'avis émis en ce sens le 22 mars 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par M. B..., que celui-ci, qui a été victime en tant que piéton d'un accident de la circulation avec un camion le 17 octobre 2017, a subi un traumatisme crânien avec cécité occipitale, et de multiples fractures au bassin, au fémur droit et au tibia gauche. Il a été transféré d'urgence en France afin d'y être soigné, et y a été opéré à de multiples reprises en vue de réparer ses fractures, ainsi que pour le rétablissement de sa continuité digestive. Le certificat médical du 29 mai 2019 du docteur A..., médecin spécialisé en médecine physique et en réadaptation à l'hôpital Sainte-Marie de Paris, indique qu'une nouvelle intervention chirurgicale corrective est prévue à l'automne 2019 pour corriger un cal vicieux fémoral et qu'il doit poursuivre, en attendant, la rééducation fonctionnelle tant sur le plan locomoteur que sur le plan neuro-ophtalmologique. Le certificat médical du docteur C... atteste que le requérant présente des anomalies franches de perception des stimulis visuels consécutives à des anomalies occipitales bilatérales suite à son traumatisme crânien. M. B... a également produit deux attestations, l'une, d'un ophtalmologue de la clinique Hammou Boutlelis d'Oran et, l'autre, d'un médecin spécialiste en ophtalmologie du centre hospitalo-universitaire de Sidi Bel Abbes indiquant que le type de rééducation neuro-visuelle que nécessite son état de santé n'est pas assuré en Algérie. Ces certificats médicaux ne sont pas utilement contredits par le préfet du Val-d'Oise, qui n'a pas produit d'écritures en appel et s'est borné à soutenir en première instance qu'en tout état de cause, l'arrêté attaqué, qui refuse à l'intéressé un titre de séjour sans l'obliger à quitter le territoire français, ne s'oppose pas à la poursuite des soins en France. Par suite, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation sur la disponibilité d'un traitement adapté à l'état de santé de l'intéressé dans son pays d'origine et méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à M. B... un certificat de résidence d'un an. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sous réserve d'un changement des circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boudjellal, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Boudjellal de la somme de 1 200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003738 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 avril 2022 et l'arrêté en date du 19 septembre 2019 du préfet du Val-d'Oise sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve d'un changement des circonstances de droit ou de fait.

Article 3 : L'État versera à Me Boudjellal, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Boudjellal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.

La rapporteure,

C. Pham Le président,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01348
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;23ve01348 ?
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