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12/02/2025 | FRANCE | N°23VE00918

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 12 février 2025, 23VE00918


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " v

ie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et dans cette at...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et dans cette attente de la munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2116283 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette interdiction de retour, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Louisa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement dans cette dernière mesure ;

2°) d'annuler cet arrêté en tant que le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et l'assortir d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il ait, à nouveau, statué sur sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et l'assortir d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris par une personne n'ayant pas compétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en prenant la décision de refus de séjour alors qu'elle remplit les conditions prévues pour obtenir une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant que sa présence n'est pas justifiée de juin 2018 à septembre 2020 ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences de la décision de refus de séjour ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour ;

En ce qui concerne l'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai plus long ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision a été prise en violation de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de remettre son passeport :

- elle ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'elle s'est toujours tenue à la disposition de l'administration préfectorale.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2024, le préfet du Val-d'Oise informe la cour du maintien de ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante ghanéenne née le 20 juillet 1996, est entrée en France le 7 janvier 2014 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 21 janvier 2014. Le 21 juillet 2021, elle a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Mme B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et dans cette attente de la munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2116283 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette interdiction de retour, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et rejeté le surplus de sa demande. Mme B... relève de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par arrêté n° 21-038 du 31 mars 2021, régulièrement publié, et produit par le préfet du Val-d'Oise à l'appui de son mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2023, celui-ci a donné délégation à Mme C..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration à l'effet de signer les décisions contestées. La circonstance que l'arrêté attaqué ne vise ni ne mentionne l'arrêté n° 21-038 du 31 mars 2021 demeure sans incidence sur l'existence de cette délégation de signature et son caractère régulier.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de la décision de refus de titre de séjour par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que compte tenu des conditions dans lesquelles Mme B..., célibataire et sans charges de famille, aurait séjourné depuis son entrée en France en janvier 2014 et dans la mesure où la mère de cette dernière résidait encore au Ghana, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale alors même que son père, sa belle-mère, son frère et ses deux sœurs sont de nationalité française, qu'elle maitriserait la langue française, qu'elle a bénéficié de formations, qu'elle suit des études en France, qu'elle est prise en charge par son père, qu'elle n'est pas connue des services de police, ne constitue pas une menace pour l'ordre public et ne vit pas en situation de polygamie. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit et pris sa décision en violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. La circonstance que le préfet aurait à tort estimé qu'elle ne justifiait pas de sa présence en France de juin 2018 à septembre 2020 n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée dès lors que le préfet aurait pris la même décision. En tout état de cause, aucune pièce n'est produite relativement à la période comprise entre février 2019 et juin 2020 et la transmission au préfet de telles pièces n'est pas établie.

6. En troisième et dernier lieu, il ressort des éléments précédemment rappelés relatifs à la situation personnelle de la requérante et de son parcours depuis son entrée en France que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".

8. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour satisfaisant aux exigences de motivation, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte.

9. En deuxième lieu, Mme B... n'est pas fondée, compte tenu de ce qui a été dit précédemment , à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale.

S'agissant de la décision d'accorder un délai de départ volontaire de trente jours :

11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ".

12. Mme B... n'établit pas, plus en appel qu'en première instance, que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

S'agissant de la décision obligeant Mme B... à remettre l'original de son passeport :

14. Aux termes de l'article L. 721-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger auquel un délai de départ a été accordé la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité ".

15. En se bornant à soutenir qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'elle s'est toujours tenue à la disposition de l'administration préfectorale, Mme B... n'établit pas que le préfet aurait procédé à une inexacte application de ces dispositions.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Le présent arrêt de rejet, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme B... doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise pour information au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.

Le président-assesseur,

J.-E. Pilven

Le président-rapporteur,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00918002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00918
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : LOUISA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;23ve00918 ?
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