Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur ce territoire pendant trois ans.
Par un jugement n° 2304541 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2023 et 21 mars 2024, M. B..., représenté par Me Boiardi, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a écarté à tort les moyens successivement soulevés devant lui ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas de menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne constitue pas de menace à l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 novembre 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant dominicain né 15 avril 1994 à La Romana, qui a déclaré être entré en France en 1998. Par un arrêté du 26 décembre 2022, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur ce territoire pendant trois ans. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que c'est à tort que la première juge a écarté les moyens soulevés devant elle pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. La décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui la fondent. Ainsi, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'aurait pas mentionné l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, elle est suffisamment motivée.
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°. "
5. Les termes de la décision litigieuse révèlent que le préfet s'est fondé, notamment, sur la circonstance que M. B... s'est maintenu sur le territoire français sans avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Il est vrai que les mentions de l'extrait du fichier national des étrangers concernant M. B... révèlent que ce dernier avait sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle valable du 28 mai 2017 au 27 mai 2021. Le préfet a donc entaché sa décision d'une erreur de fait. Cependant, cette erreur est insusceptible d'avoir influencé le sens de la décision d'éloignement en litige, également fondée sur la circonstance que l'intéressé, qui n'allègue pas avoir obtenu le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle, s'est maintenu irrégulièrement, après le 27 mai 2021, sur le territoire national et qu'il constitue une menace à l'ordre public. L'erreur de fait susmentionnée est donc sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français contestée et le moyen tiré de cette erreur doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".
7. Le requérant fait état de son entrée en France en 1998, de ses conditions régulières de séjour sous couvert d'un document de circulation pour mineur puis, à sa majorité, d'une carte de séjour temporaire et enfin d'une carte pluriannuelle. Il se prévaut en particulier de la mention, sur l'extrait du fichier national des étrangers le concernant, de la mention " interp93 201122 ss mesure entrée France avant 13 ans DCM ". Il ressort des mentions de l'extrait du fichier national des étrangers le concernant que, d'une part, M. B... est entré régulièrement en France en 2004, d'autre part, qu'il a sollicité au mois d'août 2017 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en même temps qu'un changement de celle-ci en carte de séjour pluriannuelle, et qu'il a obtenu une telle carte, valable de mai 2017 à mai 2021. Toutefois, ces mentions ne suffisent pas à établir qu'entre la date de la majorité de M. B..., le 15 avril 2012, et la délivrance de la carte de séjour temporaire arrivée à expiration en 2017, il aurait effectivement séjourné en France de façon habituelle. Il n'en est pas davantage justifié entre le mois de mai 2021, date à laquelle a expiré sa carte de séjour pluriannuelle, et le mois de novembre 2022, quand M. B... a été interpellé, puis placé en détention provisoire avant d'être jugé et condamné à deux ans de prison dont un avec sursis. Dès lors M. B... ne justifie pas de sa résidence habituelle sur le territoire national depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité doit ainsi être écarté.
8. Le requérant se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France et de la présence, sur le territoire national, de sa famille. Il affirme n'avoir aucune attache en République dominicaine. Cependant, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, l'ancienneté alléguée de la présence habituelle en France de M. B... n'est pas suffisamment établie. A supposer même que comme il le soutient, sa famille réside en Martinique qu'il indique d'ailleurs avoir quittée en 2018, il n'allègue pas entretenir de lien avec ses parents. De plus, il est constant que M. B... est célibataire et sans charge de famille. Sans domicile fixe, il ne justifie d'aucune forme d'intégration sociale ni professionnelle. En revanche, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. B... a été signalé quatre fois pour violence ou détention et usage de stupéfiants. Condamné par le tribunal judiciaire de Marseille le 27 juillet 2019, il a fait l'objet le 16 septembre 2021 d'une décision, prise par cette même juridiction, d'interdiction judiciaire du territoire pour une durée de dix ans. Il a été inscrit sur le fichier des personnes recherchées le 5 novembre 2021. Il a finalement été interpellé et placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis sous mandat de dépôt en comparution immédiate le 22 novembre 2022, puis jugé et condamné le 26 décembre suivant par le tribunal correctionnel de Bobigny à deux ans de prison dont un avec sursis, et ce pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Au vu de la situation personnelle et familiale du requérant, et au vu des troubles à l'ordre public causés par ce dernier, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B..., qui a été examinée avec suffisamment de sérieux, et enfin sans commettre d'erreur dans l'appréciation de la menace à l'ordre public que représente l'intéressé, que le préfet de l'Essonne a décidé de l'éloigner.
En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas quel'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de cette obligation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
11. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
12. Le préfet de l'Essonne, après avoir constaté la situation irrégulière en France de l'intéressé, la durée de son séjour dans ce pays, ses liens personnels sur place et ceux qu'il conservait dans son pays d'origine, après avoir évalué la qualité de son intégration sociale et professionnelle en France et constaté la menace pour l'ordre public qu'il représentait, après avoir estimé que la décision litigieuse ne portait pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, a considéré que M. B... ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet était, dès lors, tenu de prendre cette interdiction. Malgré l'ancienneté des liens avec la France de l'intéressé, compte tenu de sa situation personnelle et de la menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet a fixé la durée de cette interdiction à trois ans. Le requérant conteste que son comportement constitue une telle menace. Si M. B... nie avoir utilisé des alias, il ne nie pas, en revanche, les faits à l'origine de son incarcération au mois de novembre 2022 et des signalements dont il avait antérieurement fait l'objet. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence de condamnation à laquelle ces signalements successifs auraient abouti, dès lors que l'appréciation de l'existence d'une menace à l'ordre public ne se résume pas au bilan judiciaire d'un individu, mais elle tient compte aussi du comportement général de celui-ci. C'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a fixé à trois ans la durée de l'interdiction de retour litigieuse.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de l'ensemble de ses conclusions présentées à titre accessoire, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Troalen, première conseillère,
Mme Hameau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
La rapporteure,
M. HameauLa présidente,
F. VersolLa greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23VE01993