Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2308797 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 octobre 2023 et 27 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Vitel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 26 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, et en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise se serait à tort cru en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français ;
- ce jugement n'est pas suffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant et du moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige ;
- l'arrêté préfectoral litigieux n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il ne vise pas la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant et qu'il omet de mentionner les versements effectués à la mère de ses enfants en janvier et février 2022 ;
- le préfet du Val-d'Oise n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- l'arrêté litigieux viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour ;
- le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de droit en s'estimant tenu de l'obliger à quitter le territoire français ;
- il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2025, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code civil,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- et les observations de Me Charles, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 2 janvier 1980, déclare être entré en France en mai 2015. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'enfants français, dont le dernier était valable du 11 février 2022 au 10 février 2023. Le 31 mars 2023, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour auprès du préfet du Val-d'Oise. Par un arrêté du 26 mai 2023, ce dernier a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a soulevé, dans un mémoire complémentaire enregistré le 13 juillet 2023, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise se serait à tort cru en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français et aurait, par suite, entaché l'arrêté litigieux d'une erreur de droit. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Le jugement attaqué est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé par l'appelant.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A....
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 26 mai 2023 :
4. En premier lieu, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 26 mai 2023 mentionne les textes dont il fait application ainsi que les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Le préfet du Val-d'Oise, qui n'était pas tenu d'indiquer chaque élément du dossier déposé devant lui, a donc suffisamment motivé cet arrêté, nonobstant la circonstance qu'il ne mentionne pas toutes les pièces versées par M. A... à l'appui de sa demande ni ne vise la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige ni des autres pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".
7. M. A... soutient qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien des deux enfants, nés en mai 2020 et août 2021, dont il est le père à la date de l'arrêté du 26 mai 2023. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne conteste pas ne pas vivre avec la mère de ses enfants, dont l'adresse mentionnée dans les actes de naissance est distincte de la sienne, n'établit pas par les pièces qu'il produit la réalité de ses allégations, dès lors qu'il se borne à produire, au titre des mois de janvier et février 2022, deux relevés de virements bancaires n'indiquant pas le nom du bénéficiaire ainsi qu'une attestation de la mère des enfants, et au titre de l'année 2023, quatre attestations de virement bancaire dont l'un est postérieur à la date de l'arrêté préfectoral attaqué. Par ailleurs, les tickets de caisse datés de juin 2023, également postérieurs à cet arrêté, et les photos de ses enfants, ne sauraient suffire à établir sa contribution au sens des dispositions citées au point 6 du présent arrêt. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu lesdites dispositions en refusant de renouveler son titre de séjour.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. M. A... soutient qu'il est entré en France en mai 2015, qu'il est le père de trois enfants, nés en 2020, en 2021 et, après l'édiction de l'arrêté en litige, en 2024, et qu'il est intégré à la société française par l'exercice d'une activité professionnelle. Toutefois, il n'établit aucune communauté de vie avec la mère de ses enfants, et ne justifie pas, comme il vient d'être dit, qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces derniers. S'il indique par ailleurs vivre en France depuis huit ans à la date de l'arrêté attaqué, il ne produit de bulletins de paie justifiant d'une activité professionnelle, en qualité d'agent d'entretien pour différents employeurs, qu'entre la fin de l'année 2020 et une partie de l'année 2022. Enfin, il n'établit pas qu'il ne disposerait plus d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, le Mali, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... en prenant l'arrêté litigieux, eu égard aux buts de ce dernier. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
10. En cinquième lieu, eu égard à ce qui vient d'être exposé, la circonstance que le préfet du Val-d'Oise aurait omis de mentionner, dans les motifs de l'arrêté litigieux, la production par l'intéressé de relevés de versements bancaires effectués en 2022, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.
11. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10 du présent arrêt que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit dès lors être écarté.
12. En septième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Val-d'Oise se serait cru en situation de compétence liée pour obliger M. A... à quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
13 En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ".
14. Dans les circonstances rappelées aux points précédents, alors que M. A... n'établit pas la réalité des liens qu'il entretient avec ses enfants présents en France, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, en méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant, doit être écarté. Pour les mêmes raisons, en tout état de cause, il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 9 de cette convention.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2308797 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Aventino, première conseillère,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
La présidente rapporteure,
G. MORNETL'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINO
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE02385