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30/01/2025 | FRANCE | N°22VE02131

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 30 janvier 2025, 22VE02131


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 942,13 euros au titre d'une perte de salaire à actualiser à la date du jugement, d'enjoindre à la commune de Clamart de verser à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) les cotisations patronales dues au titre de la période 2000-2019 dans un délai de deux mois à compte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 942,13 euros au titre d'une perte de salaire à actualiser à la date du jugement, d'enjoindre à la commune de Clamart de verser à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) les cotisations patronales dues au titre de la période 2000-2019 dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de la commune de Clamart le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1914390 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 26 août 2022 et 22 septembre 2023, Mme B... représentée par Me Athon-Perez, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 13 septembre 2019 par laquelle le maire de Clamart a refusé de verser ses cotisations de retraite complémentaire pour la période 2000-2019 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Clamart de verser à l'Ircantec la part employeur correspondant à la tranche B des cotisations de retraite complémentaire pour la période allant de 2000 à 2019 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de ses frais exposés en première instance et la somme 3 500 euros au titre de ses frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- dans le cas d'un agent à temps non complet, conformément aux dispositions de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale, le plafond de sécurité sociale doit être proratisé au regard du nombre d'heures de travail effectué par l'agent ; le refus de la commune du 13 septembre 2019 de verser à l'Ircantec la tranche B des cotisations de retraite complémentaire de 2000 à 2019 est entaché d'erreur de droit ;

- sa rémunération était illégale à compter du 1er janvier 2008 ; s'agissant d'un emploi permanent, elle ne pouvait être rémunérée par le biais de vacations et percevoir une indemnité au titre des congés payés non pris ; elle aurait dû bénéficier du supplément familial de traitement ;

- son préjudice moral doit être réparé par le versement d'une indemnité de 10 000 euros ;

- sa demande au titre de l'illégalité de sa rémunération ne repose pas sur une cause juridique nouvelle ;

- elle a interrompu la prescription par ses courriers des 19 mai 2013, 28 décembre 2016 et 28 septembre 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2023, la commune de Clamart, représentée par Me Magnaval, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme B... ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre liminaire, la demande fondée sur l'illégalité du contrat est nouvelle en appel ;

- les dispositions de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables à Mme B... ;

- l'exposante n'a commis aucune erreur dans le calcul de l'indemnité de congés payés ;

- à titre subsidiaire, les créances antérieures au 1er janvier 2015 sont prescrites ;

- dès lors que Mme B... a perçu une indemnité annuelle de congés payés de 10 %, elle n'est pas fondée à demander une indemnisation supplémentaire ;

- l'existence d'un préjudice moral n'est pas établie.

Par un courrier du 13 novembre 2024, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de rejeter :

- comme irrecevables car nouvelles en appel les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Clamart du 13 septembre 2019,

- les conclusions relatives au montant des cotisations versées à l'Ircantec comme relevant de la juridiction judiciaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Achard, pour Mme B... et celles de Me Safatian, pour la commune de Clamart.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., qui a été recrutée en juin 2000 par la commune de Clamart en qualité de médecin contractuel pour assurer une consultation de dermatologie dans un centre de santé municipal, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 942,13 euros au titre de rémunérations qu'elle estimait lui être dues, d'enjoindre à la commune de Clamart de verser à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) les cotisations patronales dues au titre de la période 2000-2019 et de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. Elle relève appel du jugement du 23 juin 2022 en tant que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de la commune de Clamart à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et ses conclusions aux fins d'injonction. Elle demande, en outre, à la cour d'annuler la décision du 13 septembre 2019 par laquelle le maire de Clamart a rejeté sa demande tendant au versement des cotisations de retraite complémentaire pour la période 2000-2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2019 :

2. Ces conclusions sont nouvelles en appel. Par suite, elles doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Clamart :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... a demandé au tribunal administratif de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 942,13 euros en réparation de son préjudice résultant de la signature d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008 qui a entraîné, selon elle, une baisse significative de sa rémunération, celle-ci n'étant plus calculée sur 52 semaines mais sur 46. Ainsi, Mme B... a invoqué devant le tribunal administratif l'illégalité de sa rémunération résultant de l'application de son contrat de travail. Le moyen qu'elle invoque en appel tiré de l'illégalité de sa rémunération en ce qu'elle est fixée sur la base d'un taux horaire appliqué au nombre d'heures effectué et excluant le versement de tout complément, ne relève pas d'une cause juridique distincte de celle qui a été invoquée en première instance. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Clamart doit être écartée.

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ".

6. En premier lieu, en ce qui concerne la créance de rémunération dont se prévalait Mme B..., le fait générateur se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressée. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle l'agent aurait dû être rémunéré. Ainsi, Mme B... ayant notamment sollicité la régularisation de sa perte de rémunération dans ses courriers du 27 mai 2013, 23 décembre 2016, 28 septembre 2017 et 10 juillet 2019 qui ont interrompu la prescription, la commune de Clamart est seulement fondée à soutenir que cette créance est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2009.

7. En second lieu, la créance résultant d'une insuffisance de versement de cotisations de retraite complémentaire dont se prévaut Mme B... ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressée cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite. Il est constant que Mme B... n'avait pas cessé son activité à la date à laquelle elle a demandé à la commune de Clamart de revoir le calcul de ses cotisations de retraite complémentaire en proratisant le plafond de la sécurité sociale. Ainsi, aucune prescription n'a pu courir à son encontre en ce qui concerne cette créance.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

8. Mme B... soutient que la commune de Clamart a commis deux fautes, d'une part, en fixant sa rémunération en fonction des vacations qu'elle effectue et, d'autre part, en refusant de proratiser le plafond de la sécurité sociale pour le calcul des cotisations patronales versées à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques au titre de la période 2000-2019.

9. En premier lieu, en application des dispositions combinées de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les stipulations du contrat de Mme B... qui fixent sa rémunération sur la base d'un taux horaire appliqué au nombre d'heures de travail effectuées et excluent le versement de tout complément de rémunération, méconnaissent ces dispositions. Ainsi, Mme B... est fondée à soutenir que l'illégalité de la rémunération résultant de son contrat de travail constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Clamart.

10. En second lieu, d'une part, en vertu des dispositions de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 reprises par l'article L. 829-1 du code général de la fonction publique, les agents contractuels bénéficient de règles de protection sociale semblables à celles des fonctionnaires, sauf en ce qui concerne les régimes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse. En vertu de l'article 1er du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime complémentaire de retraite des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, ces agents bénéficient d'un régime complémentaire de retraite par répartition défini par ce décret. En vertu de son article 7, les cotisations sont calculées différemment selon que la rémunération est inférieure ou supérieure au plafond prévu par l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Enfin, aux termes de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues au titre des salariés employés à temps partiel, au sens de l'article L. 3123-1 du code du travail, et qui sont déterminées compte tenu du plafond prévu à l'article L. 241-3, il est opéré un abattement d'assiette (...). ".

11. D'autre part, en vertu de l'article L. 3111-1 du code du travail, les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail relatives à la durée du travail, repos et congés, sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés et sont également applicables aux établissements publics à caractère industriel et commercial. L'article L. 3123-1 de ce code précise, en fonction de la durée de travail, dans quel cas un salarié est regardé comme travaillant à temps partiel.

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les dispositions de l'article L. 3123-1 du code du travail qui définissent les conditions dans lesquelles un salarié est regardé comme travaillant à temps partiel ne sont pas applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale en ce qui concerne la durée du travail, en revanche, pour le calcul des cotisations au régime de retraite complémentaire résultant du décret du 23 décembre 1970 précités, ces agents contractuels peuvent, le cas échéant, être assimilés aux salariés à temps partiel. Ainsi, Mme B... est fondée à soutenir que pour le calcul des cotisations à ce régime complémentaire, il y a lieu d'appliquer l'abattement d'assiette prévu à l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale. En refusant d'appliquer un tel abattement, la commune de Clamart a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne le préjudice moral de Mme B... :

13. Il résulte de l'instruction que Mme B... a contesté en 2013, 2016 et 2017 la légalité de sa rémunération calculée sur 46 semaines et non 52. Aucune réponse n'a été apportée à l'époque à sa demande. Dans sa décision du 13 septembre 2019, le maire de la commune de Clamart a refusé de revoir la rémunération de Mme B..., ses congés payés ainsi que le montant des cotisations versées à l'Ircantec. L'ensemble des démarches effectuées par Mme B... peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme lui ayant causé un préjudice moral en lien direct avec l'illégalité de sa rémunération et des cotisations versées à l'Ircantec dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 3 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2019 implique le rejet des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Clamart de transmettre à l'Ircantec la répartition précise de la rémunération versée à Mme B... depuis l'année 2000 jusqu'en 2019 au regard du plafond de la sécurité sociale et de verser les cotisations correspondantes.

Sur les frais liés à la première instance et à l'instance d'appel :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme B... au titre des frais exposés par la commune de Clamart et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Clamart le versement à Mme B... de la somme de 2 000 euros sur ce fondement au titre des frais exposés en première instance et en appel.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1914390 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 juin 2022 est annulé.

Article 2 : La commune de Clamart est condamnée à verser à Mme B... une indemnité de 3 000 euros.

Article 3 : La commune de Clamart versera la somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Clamart sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Clamart.

Copie en sera adressée à l'Ircantec.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.

Le rapporteur,

G. CAMENEN

La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02131
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;22ve02131 ?
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