Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le directeur du département " Transports scolaires adaptés " du Syndicat des transports d'Île-de-France a rejeté sa demande de révision du montant du remboursement des frais qu'elle a engagés, au titre de l'année scolaire 2019-2020, pour le transport de sa fille handicapée entre son domicile et l'établissement dans lequel elle est scolarisée et, d'autre part, d'enjoindre au Syndicat des transports d'Île-de-France, devenu l'établissement public Île-de-France Mobilités, de lui rembourser ses frais de transport sur la base d'un trajet de 178,8 km par jour.
Par un jugement n° 2005589 du 17 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Mme A... a saisi le Conseil d'Etat d'une requête tendant à l'annulation de ce jugement.
Par une décision n° 473744 du 29 décembre 2023, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Versailles.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 et 3 mai et le 28 juillet 2023, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A..., représentée par la SCP Zribi et Texier, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 novembre 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur du département " Transports scolaires adaptés " du Syndicat des transports d'Île-de-France ;
3°) de mettre à la charge d'Île-de-France Mobilités la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le mémoire en défense produit le 28 octobre 2022 par Ile-de-France Mobilités ne lui a pas été communiqué ;
- il est également irrégulier, faute d'analyser le mémoire qu'elle a produit le 9 novembre 2022 ;
- ce jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, le trajet le plus direct, au sens de l'article 4.1.2 du règlement régional relatif au transport scolaire des élèves et étudiants handicapés franciliens, devant être établi non seulement en fonction de la distance parcourue, mais également en considération du temps de trajet.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre 2023 et 5 mars 2024, l'établissement public Ile-de-France Mobilités, représenté par la SCP Piwnica et Molinié, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête de Mme A....
Ile-de-France Mobilités fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... sont infondés.
Les parties ont été informées, le 10 décembre 2024, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Croizier, représentant Île-de-France Mobilités.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a demandé au Syndicat des transports d'Île-de-France le remboursement des frais qu'elle a engagés en utilisant son véhicule personnel pour les déplacements de sa fille handicapée durant l'année scolaire 2019-2020, entre son domicile, situé à Fosses, et l'établissement dans lequel celle-ci est scolarisée, situé à Argenteuil. Cette demande a été acceptée sur la base de 125,44 kilomètres quotidiens. Par courrier du 9 septembre 2019, Mme A... a demandé au Syndicat des transports d'Île-de-France de réviser le kilométrage retenu. Par un courrier non daté, le directeur du département " Transports scolaires adaptés " du Syndicat des transports d'Île-de-France a rejeté cette demande. Mme A... demande l'annulation du jugement du 17 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale (...) ".
3. En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 3111-14 du code des transports, le Syndicat des transports d'Île-de-France, devenu Île-de-France Mobilités, " est responsable de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires " et l'article L. 3111-16 de ce code prévoit qu'il supporte les frais de transport individuel des élèves handicapés vers les établissements scolaires rendus nécessaires du fait de leur handicap. L'article D. 3111-33 du même code précise que : " Dans la région Ile-de-France, les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés ayant leur domicile dans la région et fréquentant un des établissements d'enseignement général, agricole ou professionnel, publics et privés sous contrat conclu en application des articles L. 442-5 et L. 442-12 du code de l'éducation, ou reconnus selon les dispositions des articles R. 813-1 à R. 813-35 du code rural et de la pêche maritime et qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun compte tenu de la gravité de leur handicap, médicalement établie, pour se rendre audit établissement et en revenir, sont remboursés " par le même syndicat et, désormais, établissement.
4. Les litiges relatifs au remboursement, par le Syndicat des transports d'Île-de-France et, désormais, Île-de-France Mobilités, des frais de déplacement exposés par les élèves handicapés ayant leur domicile dans la région Île-de-France ne relèvent pas des litiges relatifs " aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale ", au sens de l'article R. 222-13 du code de justice administrative. Par suite, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'était pas compétente pour statuer sur la demande de Mme A.... Il en résulte que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de régularité du jugement invoqués dans la requête.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de la décision contestée :
6. Aux termes de l'article L. 3111-16 du code des transports : " Les frais de transport individuel des élèves handicapés vers les établissements scolaires et des étudiants handicapés vers les établissements universitaires rendus nécessaires du fait de leur handicap sont supportés par Ile-de-France Mobilités ". Aux termes de l'article D. 3111-35 du même code : " Pour les déplacements assurés dans des véhicules appartenant aux élèves ou à leur famille, le remboursement des frais de transfert s'opère sur la base d'un tarif fixé par le conseil Syndicat des transports d'Île-de-France. / Pour les déplacements assurés à bord des véhicules exploités par des tiers, rémunérés à ce titre, le remboursement des frais s'opère sur la base des dépenses réelles dûment justifiées ".
7. Le règlement régional relatif au transport scolaire des élèves et étudiants handicapés franciliens, adopté par le conseil d'administration du Syndicat des transports d'Île-de-France le 17 avril 2019, prévoit, à son article 4.1.2 relatif aux modalités financières de prise en charge, que " le nombre de kilomètres pris en compte correspond au trajet le plus direct entre le domicile et l'établissement./ Il est vérifié par sondage par le service transports scolaires par le logiciel du transport scolaire ou, le cas échéant, à l'aide de sites internet de calcul d'itinéraires routiers. ".
8. En l'absence de définition, par le règlement régional, de la notion de trajet le plus direct, il y a lieu, eu égard aux dispositions légales et réglementaires du code des transports qui visent à assurer la gratuité du transport scolaire des élèves handicapés et qui prévoient que le remboursement doit couvrir les frais réellement exposés, d'estimer qu'elle correspond à l'itinéraire normalement attendu, dans les conditions habituelles de circulation, sans détour, entre le domicile et le lieu de scolarisation.
9. Dès lors, en fixant le nombre de kilomètres pris en compte à partir du trajet entre le domicile de Mme A... et l'établissement scolaire de sa fille présentant la distance la plus courte, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ce trajet ne correspond pas au trajet normal qui est effectué sans détour et dans les conditions habituelles de circulation routière par Mme A..., lequel emprunte des voies rapides permettant de limiter le temps de trajet, le Syndicat des transports d'Île-de-France a entaché la décision contestée d'une erreur de droit. Par suite, il y a lieu d'annuler cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à son encontre.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'Ile-de-France Mobilités la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par Mme A... pour la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2005589 du 17 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La décision par laquelle le Syndicat des transports d'Île-de-France a rejeté la demande de révision du montant du remboursement des frais engagés par Mme A..., au titre de l'année scolaire 2019-2020, pour le transport de sa fille handicapée est annulée.
Article 3 : Ile-de-France Mobilités versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à Ile-de-France Mobilités.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
E. TroalenLa présidente,
F. VersolLa greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23VE02882