La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2025 | FRANCE | N°23VE01252

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 28 janvier 2025, 23VE01252


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Guetilejuker 5 a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le " certificat " du 22 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Corbeil-Essonnes a attesté que sa déclaration préalable tendant à la modification de l'aspect extérieur d'une construction existante, située 56 avenue Carnot à Corbeil-Essonnes, avait fait l'objet d'une décision de non-opposition tacite le 18 septembre 2020, en tant qu'il comporte un paragrap

he relatif à la surface de la construction existante destinée à l'habitation, ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Guetilejuker 5 a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le " certificat " du 22 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Corbeil-Essonnes a attesté que sa déclaration préalable tendant à la modification de l'aspect extérieur d'une construction existante, située 56 avenue Carnot à Corbeil-Essonnes, avait fait l'objet d'une décision de non-opposition tacite le 18 septembre 2020, en tant qu'il comporte un paragraphe relatif à la surface de la construction existante destinée à l'habitation, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et de mettre à la charge de cette commune la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101436 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 juin et 15 juin 2023, la SCI Guetilejuker 5, représentée par Me Simon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions attaquées en leurs dispositions qui lui font grief ;

3°) et de mettre à la charge de la commune de Corbeil-Essonnes une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors que la société n'avait pas présenté de conclusions en ce sens, les premiers juges ont requalifié le certificat du 22 octobre 2020 de décision de retrait de la décision tacite de non-opposition du 18 septembre 2020 ; ils ont ainsi statué ultra petita et outrepassé leur office ; la motivation du jugement est en conséquence entachée d'irrégularité ;

- la mention figurant au sein du certificat du 22 octobre 2020 indiquant que la parcelle en cause ne comporte aujourd'hui aucune surface de plancher affectée à l'habitation et qu'aucun logement ne pourra être créé sans une autorisation d'urbanisme, est entachée d'une erreur de fait et de droit ;

- son titre de propriété indique expressément que l'immeuble en cause est à usage d'habitation, cette destination se déduisant également des caractéristiques propres du bâtiment, indépendamment de toute mention portée sur un document d'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2024, la commune de Corbeil-Essonnes, représentée par Me Ghaye, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Guetilejuker 5 une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la société appelante ne développe aucune argumentation nouvelle ni ne critique véritablement le raisonnement des premiers juges ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance du 18 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 novembre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 31 décembre 2024, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la SCI Guetilejuker 5, tendant à l'annulation du certificat du 22 octobre 2020, en tant qu'il comporte une mention relative à l'absence de surface de plancher affectée à l'habitation et à la nécessité d'une autorisation d'urbanisme pour la création d'un logement, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, dès lors que celles-ci ne font pas grief à la SCI Guetilejuker 5.

Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2024, la SCI Guetilejuker 5 a présenté des observations en réponse au courrier de la cour du 31 décembre 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillou pour la commune de Corbeil-Essonnes.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Guetilejuker 5, qui est propriétaire d'un immeuble situé sur une parcelle cadastrée section AM numéro 210, d'une contenance de 667 m², 56, avenue Carnot sur le territoire de la commune de Corbeil-Essonnes, a entendu réaliser divers travaux portant modification de la couverture existante, réfection de la façade de jardin, ravalement de la façade sur rue et sur cour, et modification des menuiseries existantes et des volets. Elle a déposé à cette fin en mairie de Corbeil-Essonnes, le 18 août 2020, une déclaration préalable de travaux. A l'expiration du délai d'un mois, une décision tacite de non-opposition a été acquise, le 18 septembre 2020. Un certificat de non-opposition à déclaration préalable a été établi par le maire de la commune à la demande de la SCI Guetilejuker 5 le 22 octobre 2020. Par un courrier reçu en mairie de Corbeil-Essonnes le 4 novembre 2020, la société a formé un recours gracieux contre ce certificat, qui a été implicitement rejeté le 4 janvier 2021. La SCI Guetilejuker 5 demande à la cour d'annuler le jugement n° 2101436 du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat du 22 octobre 2020 en tant qu'il comporte un paragraphe relatif à l'absence, dans l'immeuble en cause, de surfaces de plancher affectées à l'habitation et à l'impossibilité d'y créer le moindre logement sans l'obtention préalable d'une autorisation d'urbanisme, et tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête en appel par la commune de Corbeille-Essonnes :

2. La SCI Guetilejuker 5 a adressé à la cour une requête en appel qui ne se borne pas à reproduire littéralement le contenu de son mémoire de première instance. La société requérante a notamment invoqué un moyen relatif à la régularité du jugement du tribunal administratif de Versailles et a énoncé à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant l'annulation de l'acte attaqué. Une telle motivation répond ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable aux requêtes en appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code. La fin de non-recevoir susvisée doit par suite être écartée.

Sur la régularité du jugement contesté :

3. Il ressort des points 3 à 5 du jugement contesté que les premiers juges ont requalifié le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué par la SCI Guetilejuker 5 en allégation selon laquelle la décision attaquée, au lieu de constituer un certificat de non-opposition à déclaration préalable, procéderait au retrait de la décision tacite de non-opposition du 18 septembre 2020. Il ressort de ces mêmes points du jugement attaqué qu'après avoir mentionné les principales caractéristiques formelles du certificat de non-opposition à déclaration préalable en litige, les premiers juges ont estimé que " sous couvert du certificat attaqué ", la commune de Corbeil-Essonnes a procédé au retrait de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 18 septembre 2020. En procédant ainsi à la requalification totale de cet acte dont il était seulement demandé l'annulation partielle d'une mention annexe, les premiers juges ont statué ultra petita au-delà des conclusions et moyens qui leur étaient soumis et ont entaché leur jugement d'une irrégularité. Il doit par suite être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI Guetilejuker devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la recevabilité des conclusions présentées devant le tribunal administratif de Versailles :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. ". Le premier alinéa de l'article L. 424-2 du même code prévoit que : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-5 du même code : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ". L'article R. 423-23 du même code prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables (...) ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ". Enfin, l'article R. 424-13 du même code dispose que : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. / Ce certificat mentionne la date d'affichage en mairie ou la date de publication par voie électronique de l'avis de dépôt prévu à l'article R. * 423-6. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, à l'issue du délai d'un mois suivant le dépôt, le 18 août 2020, d'une déclaration préalable de travaux par la SCI Guetilejuker 5, le silence gardé par la commune de Corbeil-Essonnes a fait naître une décision implicite de non-opposition le 18 septembre 2020. En réponse à la demande formulée par la société le 26 septembre 2020, la commune de Corbeil-Essonnes n'a pas contesté l'existence de cette décision mais a au contraire adressé à la société un certificat en date du 22 octobre 2020, indiquant expressément que la déclaration préalable déposée le 18 août 2020 par la SCI Guetilejuker 5 avait " fait l'objet d'une non opposition en date du 18/09/2020 " et que la déclaration avait été affichée le 18 août 2020 et pendant toute la durée de l'instruction.

7. Outre ces indications, correspondant à celles exigées par les dispositions précitées de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, le certificat du 22 octobre 2022 comporte deux autres mentions particulières. L'une de ces mentions indique que le pétitionnaire devra respecter la prescription émise par l'architecte des bâtiments de France le 28 août 2020. La seconde attire l'attention du pétitionnaire " sur le fait que la parcelle ne supporte aujourd'hui aucune surface de plancher affectée à l'habitation et qu'aucun logement ne pourra être créé sans autorisation d'urbanisme ". La SCI Guetilejuker demande l'annulation de ce certificat du 22 octobre 2020, uniquement en tant qu'il comporte cette seconde mention.

8. Il ressort toutefois des termes du certificat du 22 octobre 2020 et du courrier accompagnant sa notification que la commune de Corbeil-Essonnes a expressément reconnu que la SCI Guetilejuker 5 était bénéficiaire d'une décision de non opposition, déjà accordée implicitement le 18 septembre 2020. Si l'acte en litige fait état, dans l'un de ses paragraphes, de l'absence de surface de plancher dans l'immeuble en cause, aujourd'hui affectée à l'habitation, et indique qu'aucun changement de destination dudit immeuble ne pourra intervenir sans la délivrance préalable d'une autorisation d'urbanisme, la commune de Corbeil-Essonnes s'est, ce faisant, bornée à formuler un constat factuel et à en tirer une conséquence pour l'avenir, sans pour autant empêcher la société pétitionnaire de réaliser les travaux que cette dernière avait déclarés, pour lesquels une décision de non-opposition a déjà été accordée, et que la commune n'a pas retirée. La mention litigieuse relative au changement de destination de l'immeuble, soumise à une autorisation préalable d'urbanisme, apparaît ainsi dépourvue de toute portée juridique en l'espèce, dès lors qu'elle ne remet pas en cause l'autorisation accordée à la SCI Guetilejuker 5 de réaliser les travaux que cette dernière a déclarés. Cette mention ne fait donc pas grief à société requérante.

9. En conséquence, les conclusions de la demande de la SCI Guetilejuker 5 présentées devant le tribunal administratif de Versailles, tendant à l'annulation du certificat du 22 octobre 2020, délivré à la demande de la société par la commune de Corbeil-Essonnes, en tant qu'il comporte une mention relative à l'absence de surface de plancher affectée à l'habitation et à la nécessité d'une autorisation d'urbanisme pour la création d'un logement, sont irrecevables et doivent donc être rejetées.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Corbeil-Essonnes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCI Guetilejuker 5 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Guetilejuker 5 une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Corbeil-Essonnes et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2101436 du 11 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Guetilejuker 5 devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : La SCI Guetilejuker 5 versera à la commune de Corbeil-Essonnes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Guetilejuker 5 et à la commune de Corbeil-Essonnes.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseur,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01252
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement - Retenues sur traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23ve01252 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award