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16/01/2025 | FRANCE | N°22VE01981

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 16 janvier 2025, 22VE01981


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS La Promenade du Château a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'annulation de la décision du 17 juillet 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Cher a pris position, après délibération du collège territorial de second examen, sur sa demande de rescrit tendant à savoir si la cession par leurs propriétaires des biens détenus au sein de la résidence " La Promenade du Château " serait soumise au régime des plus-values

des particuliers prévu par les articles 150 U à 150 VH du code général des impôts.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS La Promenade du Château a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'annulation de la décision du 17 juillet 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Cher a pris position, après délibération du collège territorial de second examen, sur sa demande de rescrit tendant à savoir si la cession par leurs propriétaires des biens détenus au sein de la résidence " La Promenade du Château " serait soumise au régime des plus-values des particuliers prévu par les articles 150 U à 150 VH du code général des impôts.

Par un jugement n° 2003245 du 17 juin 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 août et 13 décembre 2022, la SAS La Promenade du Château, représenté par Me Flin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2022 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis du 17 juillet 2020 du directeur départemental des finances publiques du Cher ;

Il soutient que :

- la location meublée conclue par les propriétaires de logements dans la résidence La Promenade du Château est un louage de chose dissociable des services optionnels, dès lors que ces services sont totalement facultatifs et font l'objet de facturations séparées du loyer mensuel, tandis que la pérennité de l'occupation du logement caractérise un louage de chose ;

- l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée d'une location assortie d'une offre de prestations de services n'exclut pas par principe le régime des locations meublées au regard de l'impôt sur le revenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2023.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la SAS La Promenade du Château n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la prise de position formelle contestée, faute de faire état d'effets notables, autres que fiscaux, sur sa situation, au sens de la décision du Conseil d'Etat n° 387613 et suivants, du 2 décembre 2016, Ministre des finances et des comptes publics c/ société Export Press.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2024, la SAS La Promenade du Château, représentée par Me Flin, avocat, soutient que la requête est recevable. Elle fait valoir que la décision contestée produit sur sa situation des effets notables autres que fiscaux, qui tiennent à la possibilité de voir sa responsabilité engagée, à un préjudice réputationnel pour sa société mère et au ralentissement de la commercialisation des lots de la résidence " La Promenade du Château ".

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut à l'irrecevabilité de la requête. Il fait valoir que la décision attaquée n'a pas d'effet notable, autre que fiscal, sur la situation de la SAS La Promenade du Château.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tar,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Flin, pour la SAS La Promenade du Château.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La Promenade du Château a pour objet la réalisation d'un village résidentiel pour séniors dans la commune de Trouy (Cher), comprenant cinquante-deux maisons proposées à la vente. Chaque investisseur propriétaire conclut au profit de l'occupant, personne physique, un contrat de location de logement meublé à usage de résidence principale pour une durée d'un an renouvelable tacitement. Ce contrat de location prévoit notamment la possibilité pour le locataire de bénéficier, moyennant une rémunération spécifique, de prestations de services tels que petit déjeuner, ménage à domicile ainsi que fourniture et nettoyage du linge de maison. Par un courrier du 12 décembre 2019, la SAS La Promenade du Château a saisi la direction départementale des finances publiques du Cher d'une demande de rescrit, en application des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, afin de savoir si les investisseurs, propriétaires d'un bien au sein de la résidence, pourraient bénéficier, lors de la cession de leur bien, du régime des plus-values des particuliers prévu au I de l'article 150 U du code général des impôts rendu applicable par les dispositions du VI de l'article 151 septies du même code aux cessions de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l'objet d'une location directe ou indirecte lorsque cette activité n'est pas exercée à titre professionnel. La direction départementale des finances publiques du Cher a émis un avis défavorable le 9 mars 2020. La SAS La Promenade du Château a alors sollicité un second examen de sa demande, en application des dispositions de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales. Conformément à la délibération du collège territorial de second examen de l'Ouest, le directeur départemental des finances publiques du Cher a répondu négativement à la demande présentée par la société le 17 juillet 2020. La SAS La Promenade du Château relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...)". L'article L. 80 CB du même livre a institué une procédure spéciale de recours administratif en faveur des contribuables insatisfaits du sens de la réponse de l'administration. Il dispose : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. / (...) Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. / A sa demande, le contribuable ou son représentant est entendu par le collège. (...) ".

3. Une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable dans les conditions prévues par les dispositions précitées a, eu égard aux effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d'une décision.

4. En principe, une telle décision ne peut, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, pas être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet.

5. En l'espèce, la SAS La promenade du Château soutient que le fait de se conformer à la prise de position de l'administration fiscale entraîne un risque de mise en jeu de sa responsabilité contractuelle vis-à vis des investisseurs propriétaires qui ont acquis des lots alors qu'elle communiquait sur le principe d'une réponse favorable de l'administration fiscale à sa demande de rescrit, un risque réputationnel pour sa société mère, qui poursuit d'autres projets similaires, et a donné lieu à un ralentissement de la commercialisation des lots. Toutefois, à supposer établie l'existence de ces risques et de ce ralentissement, la société requérante n'apporte aucune précision chiffrée concernant le montant des charges financières qui résulteraient du ralentissement allégué. Elle reconnaît que la mise en œuvre de sa responsabilité contractuelle n'interviendrait que dans une vingtaine d'années et ne précise pas l'incidence du risque réputationnel. Dans ces conditions, la SAS La Promenade du Château, qui n'a pas renoncé à son projet et qui a mené à terme sa commercialisation, ne peut être regardée comme ayant subi ou devant subir des effets notables autres que fiscaux si elle venait à se conformer à la prise de position dont il s'agit. Il en résulte que la voie de droit du recours pour excès de pouvoir n'est pas ouverte à la SAS La Promenade du Château pour contester cette prise de position. Sa requête est par suite irrecevable.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS La Promenade du Château n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Orléans, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS La Promenade du Château est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Promenade du Château et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

Le rapporteur,

G. TarLa présidente,

F. Versol

La greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE01981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01981
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-01-02-01 Contributions et taxes. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Questions communes. - Pouvoirs du juge fiscal. - Recours pour excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : FLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;22ve01981 ?
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