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07/01/2025 | FRANCE | N°24VE02409

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 07 janvier 2025, 24VE02409


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Alia Bat a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 37 600 euros et la contribution forfaitaire de réacheminement prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit

d'asile pour un montant de 10 620 euros, de prononcer la décharge totale de l'obligation de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alia Bat a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 37 600 euros et la contribution forfaitaire de réacheminement prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 10 620 euros, de prononcer la décharge totale de l'obligation de payer ces sommes et d'annuler les titres de perception émis le 27 septembre 2022 et le 4 octobre 2022 pour le recouvrement de ces sommes.

Par un jugement n° 2215151 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 7 septembre 2022 du directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration, a accordé à la société Alia Bat la décharge de l'obligation de payer les sommes de 37 600 euros et de 10 620 euros et a annulé les titres de perception émis les 27 septembre 2022 et 4 octobre 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2024, l'office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Alia Bat ;

3°) de mettre à la charge de la société Alia Bat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de motivation ;

- la procédure contradictoire n'a pas été méconnue dès lors que la société Alia Bat n'a pas fait valoir d'observations écrites, de sorte qu'elle n'entendait pas demander la communication du procès-verbal d'infraction alors qu'elle avait été invitée à formuler des observations par le courrier du 16 juin 2022 ;

- la décision du 7 septembre 2022 est suffisamment motivée ;

- la matérialité des infractions est établie ;

- il n'appartient pas au juge administratif de statuer sur l'inconstitutionnalité de la loi par rapport à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- les titres de perception ont été pris par des autorités disposant d'une délégation de compétence.

Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2024, la société Alia Bat, représentée par Me Jeddi, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven ;

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les services de police du Val-d'Oise ont procédé le 25 février 2022 à un contrôle au sein de la société Alia Bat à Argenteuil et constaté l'emploi de cinq ressortissants étrangers dépourvus de titre de séjour les autorisant à travailler en France. Au vu du procès-verbal établi lors de cette opération de police, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a avisé la société Alia Bat, par un courrier du 16 juin 2022, qu'indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, il envisageait de la rendre redevable de la contribution spéciale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire de réacheminement prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 7 septembre 2022, l'OFII a mis à la charge de cette société la somme totale de 48 220 euros au titre de ces deux contributions. Deux titres de perception ont été émis le 27 septembre 2022 et le 4 octobre 2022 aux fins de recouvrer ces sommes. L'OFII relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 7 septembre 2022 du directeur général de l'OFII, a accordé à la société Alia Bat la décharge de l'obligation de payer les sommes de 37 600 euros et de 10 620 euros et a annulé les titres de perception émis les 27 septembre 2022 et 4 octobre 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif, en précisant que l'OFII dans son courrier du 16 juin 2022 n'a pas informé la société Alia Bat de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements reprochés, pour annuler la décision contestée ainsi que les titres de perception, a suffisamment motivé son jugement. Par suite le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une irrégularité, pour défaut de motivation, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article. L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler, mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes et les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Enfin, l'article R. 8253-4 de ce code dispose : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. ".

5. Si, ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre, et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII était tenu d'informer la société Alia Bat de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.

6. Le courrier du 16 juin 2022 mentionnait que la société Alia Bat disposait d'un délai de quinze jours à compter de la notification de ce courrier pour présenter ses observations et que ce délai courrait à compter de la réception du procès-verbal d'infraction, dans le cas où elle en aurait demandé la communication. L'OFFI soutient que, par ces mentions, la société Alia Bat était suffisamment informée de la possibilité de demander la communication du procès-verbal d'infraction et qu'en ne faisant valoir aucune observation écrite, elle doit être regardée comme n'ayant pas entendu demander la communication de ce procès-verbal. Toutefois, la mention figurant dans le courrier du 16 juin 2022 n'était pas suffisamment explicite et n'évoquait la communication de ce procès-verbal que de façon incidente, à propos du respect du délai pour faire valoir ses observations. Ainsi, cette mention ne précisait pas clairement que la société Alia Bat pouvait demander la communication de toute pièce, et notamment du procès-verbal d'infraction, au vu duquel les manquements ont été retenus. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure contradictoire aurait été respectée doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 7 septembre 2022, a accordé àla société Alia Bat la décharge de l'obligation de payer les sommes de 37 600 euros et de 10 620 euros et a annulé les titres de perception émis les 27 septembre 2022 et 4 octobre 2022.

Sur les frais d'instance :

8. La société Alia Bat n'étant pas la partie perdante, la demande de l'OFII tendant à mettre une somme à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros à verser à la société Alia Bat sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.

Article 2 : L'OFII versera la somme de 2 000 euros à la société Alia Bat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société Alia Bat.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.

Le rapporteur,

J-E. PilvenLe président,

F. EtienvreLa greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 24VE02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE02409
Date de la décision : 07/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. - Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-07;24ve02409 ?
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