Vu la procédure suivante :
Par une requête, des pièces et des mémoires, le dernier étant récapitulatif, enregistrés les 26 décembre 2022, 23 juin 2023, 12 juillet 2023, 8 février 2024, 29 avril 2024, 16 mai 2024 et 21 juin 2024, l'association Lury sans Eoliennes, M. C... J..., M. et Mme G..., Mme E..., M. et Mme I..., M. F..., M. D..., et la société civile immobilière (SCI) Pery - Tremblay, représentés par Me Francis Monamy, demandent à la Cour :
1°) dans l'hypothèse où la transmission du " mémoire de constitution en défense " de la société Lury Energie aux autres parties aurait fait courir le délai de cristallisation, d'ordonner la décristallisation des moyens et de déclarer recevables les nouveaux moyens articulés dans leur mémoire complémentaire et en réplique enregistré le 23 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Cher du 24 août 2022 accordant à la société Lury Energie, filiale de la société JP énergie environnement, une autorisation pour la construction d'un parc éolien composé de trois machines, d'une hauteur de 180 mètres, et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lury-sur-Arnon ;
3°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation partielle de l'arrêté préfectoral attaqué et/ou de sursis- à-statuer, de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'arrêté attaqué ;
4°) et de mettre à la charge de l'État et de la société Lury Energie la somme de 3 000 euros, au bénéfice des exposants, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- la requête est recevable, la capacité et l'intérêt pour agir des différents requérants étant justifiés ;
- l'autorisation contestée méconnait la convention d'Aarhus, notamment son article 6, faute de concertation préalable avec la population avant l'enquête publique ;
- la maîtrise foncière du site d'implantation du projet n'est pas justifiée conformément à l'article R.181-13, 3° du code de l'environnement ;
- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances au niveau de l'expertise acoustique et de l'expertise naturaliste ;
- l'autorisation contestée méconnait l'article 6 de la convention d'Aarhus faute de concertation préalable avec la population avant l'enquête publique ;
- l'ensemble des conseils municipaux des communes et des conseils communautaires de leurs groupements intéressés n'ont pas tous été consultés, de manière régulière ;
- l'absence de dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats d'avifaune et de chiroptères constitue une irrégularité ;
- il existe plusieurs atteintes aux intérêts listés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
- il est porté atteinte au paysage concerné eu-égard à ses caractéristiques générales ;
- il est porté atteinte au patrimoine protégé, qui concerne notamment le vieux village de Lury-sur-Arnon et ses monuments et le château de Chevilly à Méreau ;
- ce projet induit une saturation visuelle et un effet d'encerclement des lieux de vie ;
- il existe une atteinte aux espèces protégées de l'avifaune et des chiroptères.
Par des mémoires, le dernier étant récapitulatif, enregistrés les 7 avril 2023, 17 novembre 2023, 10 avril 2024, 15 mai 2024, 30 mai 2024 et 14 juin 2024, la société Lury Energie, représentée par Me Gossement, avocat, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des éventuels vices entachant cette autorisation environnementale ;
3°) et de mettre à la charge des requérants une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'association Lury sans Eoliennes et les autres requérants n'ont pas intérêt pour agir ;
- cette association ne dispose pas de la capacité pour agir ;
- les nouveaux moyens soulevés dans le mémoire en réplique des requérants du 23 juin 2023 sont irrecevables dès lors qu'ils ont été soulevés après le délai de cristallisation des moyens prévu à l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, le dernier étant récapitulatif, enregistrés les 19 février 2024, 30 avril 2024, et 12 juin 2024, le préfet du Cher conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est tardive et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La Cour a, par une ordonnance du 31 mai 2024, sollicité la production d'un mémoire récapitulatif par l'ensemble des parties à l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Monamy pour l'association Lury sans Eoliennes et de Me Vagne pour la société Lury Energie.
Une note en délibéré présentée par la société Lury Energie a été enregistrée le 2 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Cher a, par un arrêté du 24 août 2022, délivré à la société Lury Energie une autorisation en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc éolien, composé de trois aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lury-sur-Arnon. L'association Lury sans Eoliennes et autres demandent à la cour par une requête collective d'annuler cet arrêté.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
En ce qui concerne le respect du délai de recours contentieux :
2. Aux termes de l'article R 181-50 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2° ". Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application de l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du préfet du Cher du 24 août 2022 délivrant à la société Lury Energie l'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-12 du code de l'environnement a été publié sur le site internet de la préfecture le même jour, puis affiché à la mairie de Lury-sur-Arnon le lendemain 25 août. Le délai de quatre mois qui était imparti pour introduire le recours s'est trouvé prorogé au lundi 26 décembre 2022. La présente requête, qui n'a pas été précédée d'un recours administratif, ayant été enregistrée ce jour-là par le greffe de la Cour n'est donc pas tardive. Par suite la fin de non - recevoir y afférente opposée par le préfet du Cher n'est peut qu'être écartée.
En ce qui concerne la capacité et l'intérêt pour agir de l'association Lury sans Eoliennes :
4. D'une part, lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Il ressort du dernier alinéa de l'article 13 des statuts de l'association Lury sans Eoliennes que : " le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile. Il est habilité à ester en justice devant toutes les juridictions ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".
6. Il résulte des statuts de l'association Lury sans Eoliennes, que celle-ci a pour objet " sur le territoire de la commune de Lury-sur-Arnon, ainsi que sur le territoire des communes limitrophes de cette commune, la protection de l'environnement, notamment de la flore, de la faune, des paysages et du patrimoine culturel, contre toutes les atteintes qui pourraient lui être portées, notamment par l'implantation d'éoliennes et des équipements qui leurs sont liés ". Au regard de son objet social et de l'étendue géographique de son action, qui sont très précis, l'association Lury sans Eoliennes justifie d'un intérêt pour agir contre l'autorisation d'implantation d'éoliennes contestée.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir des personnes physiques et de la SCI Pery- Tremblay :
7. En application des dispositions des articles R. 181-50, L.211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
8. Il résulte de l'instruction que Mme A... E..., M. H... F..., et M. et Mme B... G... résident sur le territoire de la commune de Lury-sur-Arnon, à respectivement 770 mètres, 889 mètres, et 1 320 mètres de l'éolienne la plus proche, avec des effets de co-visibilité évidents sur le projet d'éoliennes litigieux. Ils justifient ainsi d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige.
9. En revanche, M. J..., M. et Mme I..., et M. D... habitant à Brinay au sein de la propriété de la Société civile immobilière (SCI) Pery-Tremblay, qui résident respectivement à 972 mètres, 1 320 mètres et 2 272 mètres de l'éolienne contestée la plus proche, n'établissent pas qu'une ou plusieurs des éoliennes contestées seraient visibles depuis leur propriété, ou qu'ils subiraient des nuisances sonores du fait de leur mise en fonctionnement, ce qui est contesté en défense. Ils ne justifient donc pas d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le projet d'éoliennes contesté serait de nature à affecter les conditions d'exploitation de cette SCI. Elle n'est donc pas recevable à contester devant la cour l'autorisation environnementale en litige.
10. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées, hormis celles concernant M. J..., M. et Mme I..., M. D... et la SCI Pery-Tremblay, qui ne justifient pas d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir. Toutefois, dès lors que l'un au moins des signataires de la présente requête collective est recevable à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté, elle est recevable dans son ensemble. La seule conséquence du défaut de qualité pour agir d'un signataire porte sur le sort des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la recevabilité des nouveaux moyens soulevés par les requérants dans leur mémoire en réplique du 23 juin 2023 :
11. Aux termes de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie. ".
12. Il résulte de l'instruction que la SELARL Gossement Avocats a, par son " Mémoire de constitution en défense " enregistré le 14 février 2023, qui a été communiqué au conseil des requérants le lendemain via l'application Télérecours, lequel en a pris connaissance le 16 février 2023, informé la Cour " de ce qu'elle entend se constituer pour la défense des intérêts de la société Lury Energie dans le cadre de la présente affaire (...) qu'un mémoire en défense sera déposé (...). Elle demande d'ores et déjà le rejet de la requête, avec toutes conséquences de droit ".
13. Cette production n'énonçant aucune circonstance de droit ou de fait, ni aucun moyen de défense, ne constitue pas un mémoire en défense de nature à déclencher le mécanisme de cristallisation des moyens rappelé au point 11. Il n'est d'ailleurs pas présenté comme tel. La circonstance que ce mémoire a été communiqué aux autres parties est sans incidence. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande tendant à ce que le président de la formation de jugement ou la cour ordonne la décristallisation des nouveaux moyens articulés dans leur mémoire complémentaire et en réplique enregistré le 23 juin 2023, en les déclarant recevables, ces nouveaux moyens invoqués par les requérants plus de deux mois après cette communication ne sont pas irrecevables.
Sur l'autorisation contestée, en ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'une saturation visuelle :
14. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".
15. Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages naturels avoisinants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. Un projet peut être refusé s'il est susceptible de générer un phénomène de saturation visuelle à partir d'un seul point d'observation pertinent, y compris si toutes les éoliennes existantes ou autorisées ne pouvaient être perçues à partir de ce point d'observation. Il n'est pas nécessaire de pouvoir appréhender l'encerclement depuis un seul point et de voir l'ensemble des machines en même temps depuis un seul lieu.
16. En premier lieu, le site concerné par le présent litige est pour l'essentiel un plateau regroupant des champs et quelques zones boisées, qui ne présente pas un intérêt particulier au plan environnemental.
17. En second lieu, les requérants affirment, sans être contestés sur ce point par le préfet du Cher et la société Lury Energie, que quatre-vingt-dix éoliennes sont déjà en exploitation dans un rayon de dix à vingt kilomètres autour du village du Lury-sur-Arnon et, surtout, que sans tenir compte du parc éolien litigieux, il convient d'ajouter près de quatre-vingt-dix autres machines existantes ou autorisées dans un rayon de dix kilomètres autour de ce village, surtout au sud et à l'ouest.
18. En troisième lieu, si les analyses réalisées par les requérants à partir de certaines routes sont inopérantes dans la mesure où ces simples lieux de passage ne sont pas des points d'observation pertinents, les lieux de vie qu'ils mentionnent, à savoir les cinq villages de Méreau, Reuilly, Chéry, Lury-sur-Arnon et Massay, plus quelques hameaux dont celui du hameau de " La Zunière " à Lury-sur-Arnon, les maisons situées route du Ferrandeau, et aussi le château de Chevilly situé à Méreau, à propos duquel le préfet ne conteste pas que les éoliennes litigieuses seront visibles depuis le 1er étage, doivent en revanche être prises en compte.
19. En quatrième lieu, la société Lury Energie fait observer qu'à travers le projet litigieux qui n'est composé que de trois éoliennes, destinées à être implantées au nord-est de la commune de Lury-sur-Arnon, dans le prolongement immédiat du parc éolien de Coulanges, lequel regroupe six autres éoliennes déjà implantées, elle se borne à densifier à proximité d'un parc existant pour éviter une dispersion des éoliennes. Cependant, cette description ne permet pas d'en déduire que ce nouveau parc se bornerait à se superposer aux éoliennes existantes, alors qu'il a pour effet de réduire les angles de respiration existants observés à partir de plusieurs lieux pertinents invoqués notamment pour les habitants du village de Chéry situé à l'ouest de Lury-sur-Arnon, ou ceux de Méreau.
20. En cinquième lieu, il ressort des pièces versées au dossier par les parties, et notamment des données cartographiques ou cartes de situation, et de l'étude d'encerclement théorique produite par la société Lury Energie elle-même, que eu-égard aux angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents, plusieurs seuils d'alerte théoriques notamment définis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Centre-Val de Loire sont, en tout ou partie, atteints ou même dépassés sans l'implantation du projet contesté de Lury-sur-Arnon dans les cinq villes et villages de Chéry, Lury-sur-Arnon, Massay, Méreau et Reuilly, et que ceci permet d'établir une évidente saturation à Reuilly et Chéry et un risque d'encerclement pour les autres communes, avec toutefois un risque moindre pour Méreau. Le préfet et cette société ne sont pas fondés à relativiser la portée de ce constat en soutenant que les analyses auraient pour seul objet de mesurer l'impact additionnel du parc éolien litigieux par rapport à ceux déjà existants ou autorisés, alors qu'il convient d'appréhender globalement la situation nouvelle résultant de la prise en compte de l'ensemble de ces éoliennes.
21. En sixième lieu, il ressort des photographies et des photomontages versés au dossier par les parties, notamment par les requérants, qui permettent d'appréhender la configuration particulière des lieux en tenant compte des reliefs et des écrans liés à des boisements ou des surfaces bâties de nature à occulter la visibilité des éoliennes, dont la méthodologie et la pertinence ne sont pas sérieusement contestées par les défendeurs, que contrairement à ce qu'affirme la société Lury Energie, sur ce relief plat qui n'est pas véritablement entrecoupé par une végétation dense, des haies bocagères, ou des boisements, ces écrans visuels ne font pas suffisamment barrière, de sorte que le projet contesté ne permet pas de garantir des espaces de respiration réels suffisants pour les habitants résidant au niveau des cinq villages invoqués par les requérants qui constituent des points d'observation pertinents, en particulier pour ceux qui résident à l'ouest et au nord - ouest du village de Lury-sur-Arnon tout particulièrement à Chéry. En outre, si le projet contesté était réalisé, les habitants du hameau de la " La Zunière " à Lury-sur-Arnon seraient confrontés à un important effet de surplomb et d'écrasement par les éoliennes en litige qui sont situées à une distance de l'ordre de 700 mètres.
22. Il résulte de tout ce qui précède que, bien que le projet litigieux ne comporte que trois éoliennes implantées en prolongement d'un autre parc, il aggrave de manière significative l'encerclement des horizons du village de Lury-sur-Arnon existant à l'est, au sud, puis à l'ouest et le phénomène de saturation visuelle observé à partir de plusieurs points d'observation pertinents. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, l'association Lury sans Eoliennes et autres, sont donc fondés à obtenir l'annulation de l'arrêté attaqué du 24 août 2022 par lequel le préfet du Cher a accordé à la société Lury Energie une autorisation pour la construction d'un parc éolien composé de trois machines et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lury-sur-Arnon.
Sur les frais de justice :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Lury Energie demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et de la société Lury Energie le versement de la somme globale de 1 500 euros à verser, chacun, à l'association Lury sans Eoliennes, à Mme A... E..., à M. H... F..., et à M. et Mme B... G... sur le fondement de ces mêmes dispositions. Les conclusions présentées pour M. J..., M. et Mme I..., M. D... et la SCI Pery-Tremblay, qui ne sont pas recevables pour agir, sur ce même fondement, doivent être en revanche rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Cher du 24 août 2022 est annulé.
Article 2 : L'Etat et la société Lury Energie verseront, chacun, une somme globale de 1 500 euros à l'association Lury sans Eoliennes, à Mme A... E..., à M. H... F..., et à M. et Mme B... G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Lury Energie, de M. J..., de M. et Mme I..., de M. D... et de la SCI Pery-Tremblay présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Lury sans Eoliennes, à M. C... J..., à M. et Mme G..., à Mme E..., à M. et Mme I..., à M. F..., à M. D..., à la société civile immobilière (SCI) Pery-Tremblay, au préfet du Cher, à la société Lury Energie et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée à la commune de Lury-sur-Arnon.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, premier vice-président de la cour, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
Le président rapporteur,
B. EVEN
La présidente assesseure,
G. MORNET
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE02902