Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2312219 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Lerein, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour valant autorisation de travail, en cas d'annulation pour un motif de fond, ou une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, en cas d'annulation pour un motif de forme, le tout dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros hors taxes à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il maintient ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 1er octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- et les observations de Me Lerein, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais né le 25 décembre 1998 et déclarant être entré en France le 31 octobre 2015, a sollicité le 10 janvier 2023 son admission au séjour au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 juillet 2023, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui soutient être entré en France le 31 octobre 2015, a été scolarisé dès l'année 2015-2016 en classe non francophone du lycée Gustave Eiffel à Ermont. Il a ensuite poursuivi ses études pendant deux ans au lycée des métiers de l'écoconstruction de Villiers-le-Bel et a obtenu, en 2018, le certificat d'aptitude professionnelle d'installateur sanitaire. A cet égard, les bulletins semestriels figurant au dossier relèvent non seulement le sérieux, la motivation et l'investissement de l'intéressé mais font également apparaître sa progression dans la maitrise de la langue française. Le requérant justifie par la suite avoir régulièrement travaillé en qualité de ferrailleur à compter du mois de février 2021. En outre, de sa relation avec une ressortissante angolaise titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sont nés, sur le territoire français, trois enfants, les 11 février 2018, 5 juin 2020 et 13 juin 2022. Sa compagne était, de plus, enceinte de jumelles à la date de la décision attaquée, lesquelles sont nées le 2 octobre 2023. Si le requérant s'est déclaré, dans sa demande de titre de séjour, comme étant célibataire, il est constant qu'il n'est ni pacsé, ni marié à la mère de ses enfants, laquelle le décrit par ailleurs comme un père " responsable et toujours présent pour sa famille " en dépit du fait qu'ils ne vivent pas sous le même toit. A cet égard, s'il est effectivement établi que le couple ne vit pas ensemble et ce, depuis la naissance de leur premier enfant, le requérant le justifie par le fait que sa compagne occupe un logement social. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne contribue que ponctuellement à l'entretien de ses enfants, sa contribution régulière voire quotidienne à leur éducation est en revanche établie par les diverses attestations versées au dossier, émanant de la directrice de l'école maternelle de son fils aîné, de la thérapeute familiale et de leur médecin traitant. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Lerein en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2312219 du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 18 juillet 2023 du préfet du Val-d'Oise sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Lerein une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lerein renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Audrey Lerein, au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 24VE01874 2