Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 2300601 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 décembre 2023, 4 mars 2024 et 8 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Ngamakita, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu par un collège de trois médecins ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle souffre d'une aspergillose pulmonaire chronique nécrosante depuis 2013 et qu'elle n'aura pas d'accès effectif aux soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine ; par ailleurs, elle s'est vu diagnostiquer un cancer de l'utérus lequel a nécessité une intervention chirurgicale le 28 juin 2023 ;
- la décision en litige est entachée d'un second vice de procédure à défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour et dès lors qu'elle démontre remplir les conditions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son état de santé et de son ancienneté sur le territoire français où elle dispose de nombreuses attaches, notamment ses fils ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son état de santé et de son ancienneté sur le territoire français où elle dispose de nombreuses attaches, notamment ses fils ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 3° et 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle réside en France depuis plus de dix ans et compte tenu de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de renvoi vise l'Angola comme pays de retour alors que l'exposante est tchadienne.
La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit d'observations en défense.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur la demande de la cour, a produit l'entier dossier médical de Mme A... le 17 juin 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante tchadienne née le 4 avril 1980 et entrée régulièrement en France le 31 mars 2013, a bénéficié, de juillet 2013 au 5 novembre 2022, d'autorisations provisoires de séjour puis de titres de séjour pour soins. Le 8 septembre 2022, Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans apporter de précisions supplémentaires et pertinentes par rapport à celles qu'elle a déjà fait valoir devant le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, du vice de procédure entachant l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de l'erreur de droit commise par le préfet de l'Essonne en se croyant en situation de compétence liée. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 4 à 8 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
4. Lorsqu'il statue sur une demande de titre de séjour, le préfet prend en considération la situation de droit et de fait qui lui est soumise. Lorsque le demandeur produit des pièces ayant trait à différents éléments de cette situation, de nature à établir que l'une des conditions légalement exigées pour obtenir le titre de séjour en cause était remplie à la date de cette décision, alors même que ces pièces ont été établies postérieurement à celle-ci et que l'administration n'en a pas disposé à la date à laquelle elle l'a prise, ces éléments peuvent être pris en compte pour l'appréciation de la légalité de cette décision. Il en va toutefois autrement lorsque les faits invoqués postérieurement à la décision attaquée sont distincts de ceux qui justifiaient la demande, et que la décision ne peut intervenir qu'à la suite d'un avis. Tel est le cas lorsqu'un étranger sollicite un titre de séjour en raison de son état de santé et invoque, pour la première fois devant le juge, une pathologie différente de celle qui justifiait sa demande et qui seule a été examinée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. En l'espèce, pour refuser le renouvellement du titre de séjour pour soins de Mme A..., le préfet d'Indre-et-Loire a estimé, au vu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 décembre 2022, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'état de santé de la requérante peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'aspergillose pulmonaire chronique dont souffre Mme A... à la suite d'une tuberculose contractée au Tchad, sur laquelle s'est prononcée le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, est désormais stabilisée à la suite de la lobectomie dont elle a fait l'objet en septembre 2021 et ne nécessite plus de traitement particulier mais une simple surveillance. Par suite, c'est par une exacte appréciation que le préfet d'Indre-et-Loire a refusé le renouvellement du titre de séjour de Mme A... pour le traitement de cette pathologie.
7. D'autre part, s'il ressort des documents produits par l'intéressée que Mme A... s'est vu diagnostiquer un cancer du col de l'utérus en décembre 2022 ayant nécessité des interventions chirurgicales en mai et juin 2023, il est constant que cette pathologie, encore inconnue à la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, n'a pas été portée à la connaissance du préfet et du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant l'adoption de l'arrêté attaqué du 6 février 2023. Mme A... ne peut dès lors utilement se prévaloir de l'existence de cette pathologie à l'appui de sa contestation de la décision de refus de titre en litige mais peut seulement, si elle s'y croit fondée, saisir l'administration d'une nouvelle demande de titre de séjour.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du même code à défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour, doivent être écartés, Mme A... ne justifiant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, remplir à la date de la décision attaquée, les conditions relatives à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour pour soins au regard de la pathologie déclarée à l'administration.
9. Enfin, si Mme A... présente une ancienneté de séjour proche de dix années en situation régulière sur le territoire français, ce séjour était justifié uniquement par la continuité des soins qui lui étaient alors nécessaires pour le traitement des séquelles de la tuberculose qu'elle avait contractée et il n'est pas contesté qu'à l'exception de l'un de ses enfants, résidant à Marseille, l'ensemble de la famille nucléaire de la requérante, à savoir son époux et cinq de ses enfants, dont deux mineurs, résident toujours au Tchad où la requérante a elle-même vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le diagnostic récent du cancer de Mme A... ne saurait utilement être invoqué à l'encontre de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à défaut d'avoir été porté à la connaissance de l'administration en vue d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet d'Indre-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Si, ainsi qu'il a été dit précédemment, le cancer de l'utérus diagnostiqué en décembre 2022 n'a pas été porté à la connaissance de l'administration avant que celle-ci n'adopte l'arrêté attaqué, cette pathologie était de nature à entraîner pour la requérante des conséquences d'une exceptionnelle gravité en l'absence de prise en charge. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme A... avait commencé son suivi à la date de l'arrêté attaqué et que des interventions chirurgicales nécessaires à son état de santé étaient programmées à brèves échéances. Dans ces circonstances, la requérante est fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2023 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique uniquement d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de la requérante dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, en saisissant le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis si l'état de santé de la requérante nécessite toujours des soins, et de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de la présente instance :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme A... sollicite au bénéfice de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 6 février 2023 du préfet d'Indre-et-Loire est annulé en tant qu'il fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de Mme A..., en saisissant le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis si l'état de santé de la requérante nécessite toujours des soins, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Article 3 : Le jugement n° 2300601 du 23 novembre 2023 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02848 2