Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la vallée de l'Aubette (Sieva), la commune de Sagy, le département du Val-d'Oise et le syndicat intercommunal d'assainissement rationnel de la vallée de l'Aubette (Siarva) à leur verser la somme de 23 441,44 euros en réparation de leurs préjudices matériels et la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice moral, résultant des désordres apparus sur leur maison d'habitation, de mettre à la charge de ces derniers les dépens d'un montant global de 18 575,52 euros et d'enjoindre aux parties défenderesses de prendre toute mesure utile permettant de mettre un terme à ces désordres, dans un délai de quatre mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1902141 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le département du Val-d'Oise à verser à M. et Mme B... la somme de 16 720,72 euros et a condamné le Siarva à leur verser également la somme de 16 720,72 euros en réparation de leurs préjudices, a mis les frais d'expertise pour moitié à la charge du département du Val-d'Oise et pour moitié à la charge du Siarva, a enjoint au Siarva et au département du Val-d'Oise de réaliser respectivement les travaux de restauration de l'étanchéité des canalisations d'eaux usées situées au niveau de leur habitation et des travaux de réfection de la chaussée sur une longueur d'environ 150 mètres dans un délai de neuf mois, et mis à la charge du département et du Siarva le versement de la somme de 1 000 euros chacun à M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et trois mémoires, enregistrés respectivement le 2 septembre 2022, 2 octobre 2023 et 20 novembre 2024, sous le n° 22VE02172, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Phelip, avocat, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif ou, subsidiairement, de ramener le préjudice à de plus justes proportions ;
3°) de condamner solidairement le Siarp, venant aux droits du Siarva, et la commune de Sagy à le garantir de toute condamnation ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme B... ou de tout succombant le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la cause première des désordres provient de l'instabilité des sols résultant d'une multiplication des fuites sur les réseaux humides et de diverses circulations naturelles ; cette cause est extérieure au département exposant ; l'inadaptation de la chaussée n'est pas démontrée ; la mise en œuvre de la causalité adéquate doit conduire à écarter sa responsabilité ; il n'y a pas de lien de causalité entre l'ouvrage public départemental et le sinistre ;
- subsidiairement, sa responsabilité est très inférieure à 50 % ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne justifient qu'une indemnité symbolique ;
- la cause déterminante du sinistre réside dans les venues d'eau en provenance des réseaux d'assainissement d'eaux usées et d'eaux pluviales relevant du Siarp et de la commune, qui doivent le garantir ;
- il ne peut intervenir sur la chaussée, les travaux de remplacement du collecteur n'ayant pas été réalisés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 18 juillet 2023 et 28 novembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Laplante, avocat, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du département du Val-d'Oise ;
2°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a limité les indemnités allouées et de porter ces indemnités à la somme de 28 000 euros pour les préjudices matériels et à la somme de 20 000 euros pour les préjudices moraux ;
3°) de mettre à la charge des intimés le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité du département du Val-d'Oise doit être retenue, l'expertise ayant révélé que la chaussée était inadaptée par rapport à l'évolution du trafic ;
- le département ne justifie pas que sa responsabilité devrait être inférieure à 50 % ;
- ils n'ont pas à démontrer l'existence d'un préjudice grave et spécial ; les désordres durent depuis plus de 10 ans et s'aggravent en l'absence de mesures prises par les intimés pour y remédier ;
- le jugement n'a pas été pleinement exécuté par le Siarp et le département.
Un mémoire, enregistré le 23 octobre 2024, a été présenté par le syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Véxin (Siarp).
Le Siarp fait valoir qu'il a réalisé les travaux demandés et indemnisé les époux B....
II. Par une lettre, enregistrée le 18 juillet 2023 sous le n° 23VE02123, M. et Mme B..., représentés par Me Laplante, avocat, ont demandé à la cour de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1902141 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juillet 2022.
Ils soutiennent que l'injonction n'a pas été exécutée.
Par une ordonnance du 11 septembre 2023, le président de la cour a procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du jugement n° 1902141 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juillet 2022.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 19 janvier 2024 et le 20 novembre 2024, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Phelip, avocat, précise qu'il a procédé au règlement de la somme de 27 008,48 euros en exécution du jugement et qu'il incombe en premier lieu au Siarp d'effectuer les travaux de restauration de l'étanchéité de la canalisation d'eaux usées avant de refaire la chaussée.
Par trois mémoires et une pièce, enregistrés respectivement les 7, 8 et 13 février 2024 et 27 novembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Laplante, avocat, demandent à la cour :
1°) d'enjoindre aux intimés d'exécuter ce jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge des intimés le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le Siarva n'a pas exécuté l'injonction et que le département n'y est pas étranger.
Par une pièce et deux mémoires, enregistrés respectivement le 11 juillet 2024, 23 octobre 2024 et 18 novembre 2024, le Siarp indique avoir indemnisé les époux B..., avoir remplacé la canalisation de leur branchement, la canalisation du collecteur publique devant être changée au premier trimestre 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me El Badrawi, pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le département du Val-d'Oise et le syndicat intercommunal d'assainissement rationnel de la vallée de l'Aubette (Siarva), aux droits duquel vient le syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Véxin (Siarp), à verser, chacun, à M. et Mme B... la somme de 16 720,72 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant leur maison d'habitation, a mis les frais d'expertise pour moitié à la charge du département et pour moitié à la charge du Siarva, a enjoint au Siarva et au département du Val-d'Oise de réaliser, respectivement, des travaux de restauration de l'étanchéité des canalisations d'eaux usées situées au niveau de l'habitation de M. et Mme B... et des travaux de réfection de la chaussée sur une longueur d'environ 150 mètres dans un délai de neuf mois, et a mis à la charge du département et du Siarva le versement de la somme de 1 000 euros chacun à M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le département du Val-d'Oise relève appel, sous le n° 22VE02172, de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. et Mme B... et lui a enjoint de procéder à la réfection de la chaussée de la route départementale. M. et Mme B... demandent à la cour, sous le n° 23VE02123, de prendre les mesures propres à assurer l'entière exécution de ce jugement. Ces appels et cette demande d'exécution concernent ce même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la responsabilité du département du Val-d'Oise :
2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du 10 juillet 2015, que M. et Mme B... sont propriétaires, depuis 1995, d'une maison située 20, rue de la vallée à Sagy (Val-d'Oise) construite vers 1870-1880. En 2011-2012, ils ont constaté un affaissement du trottoir bordant leur habitation faisant apparaître l'émergence d'un " patin béton " ainsi que l'apparition de fissures sur le mur de façade de leur propriété du côté rue et sur le carrelage des pièces situées en arrière de ce mur. Ils ont également fait état de nuisances sonores lors du passage de véhicules lourds. Ces désordres sont intervenus à la suite d'une succession d'incidents survenus depuis 2001 à proximité de la maison de M. et Mme B..., en particulier un affaissement de la chaussée lié à des arrivées d'eau dans le réseau d'assainissement en mai 2010 lequel a entraîné un effondrement du sous-sol de 2 mètres sur une emprise de 100 m² ainsi qu'une modification de la structure du sous-sol environnant. En 2013 et 2014, la persistance de traces d'infiltrations dans le réseau d'assainissement, dues notamment à un déboitement des canalisations, a été confirmée, ce réseau n'étant pas étanche.
4. Il résulte également des constatations de l'expert que si la chaussée de la route départementale située à proximité immédiate de la maison de M. et Mme B... a fait l'objet de travaux de réparation à la suite des désordres survenus en 2010, l'effondrement alors constaté a entraîné une modification de l'état du sous-sol ainsi que des tassements différentiels, les remblais demeurant des points sensibles aux affaissements. Ce même rapport précise que " la structure de la chaussée n'est plus adaptée au trafic " et que " ses caractéristiques sont insuffisantes et sa capacité portante (...) faible ".
5. Dans ces conditions, les dommages subis par M. et Mme B... dans leur maison d'habitation sont en lien direct non seulement avec la déstructuration et les mouvements du sous-sol provenant de l'arrivée d'eau dans le réseau d'assainissement, mais aussi avec l'état de la chaussée au niveau de l'effondrement survenu en 2010. Ainsi, le département du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que les désordres subis par M. et Mme B... ont pour seule cause déterminante la multiplication des fuites sur les réseaux humides et que la chaussée de la route départementale au droit de leur maison d'habitation y serait étrangère.
6. En second lieu, si le département soutient à titre subsidiaire que sa responsabilité dans la survenance des désordres est très inférieure à 50 %, il n'apporte aucune précision et justification sur ce point et il résulte au contraire de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise précité, que les deux causes identifiées par ce rapport peuvent être regardées comme ayant contribué, dans les circonstances de l'espèce, de manière équivalente à la survenance des désordres subis par M. et Mme B....
Sur les préjudices de M. et Mme B... :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les désordres affectant la maison d'habitation de M. et Mme B... nécessitent des travaux de réparation sur la façade côté rue de leur propriété ainsi que dans leurs séjour, salle à manger et entrée qui ont été évalués dans un devis produit en première instance à la somme totale de 23 441,44 euros TTC. Si M. et Mme B... invoquent une aggravation de leurs préjudices, ils n'en justifient pas par le seul écoulement du temps ou la production d'un devis actualisé.
8. En second lieu, compte tenu de leur nature, de leur importance et de l'ancienneté de ces désordres apparus en 2012, le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. et Mme B... en les fixant à la somme de 10 000 euros. Par ailleurs, M. et Mme B... n'établissent pas que ces préjudices se seraient aggravés depuis le jugement attaqué.
9. Il résulte de ce qui précède que le département du Val-d'Oise, par la voie de l'appel principal, et M. et Mme B..., par la voie de l'appel incident, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à la somme de 23 441,44 euros l'indemnité due au titre du préjudice matériel subi par ces derniers et à la somme de 10 000 euros l'indemnité due au titre de leur préjudice moral et de leurs troubles dans les conditions d'existence.
Sur l'appel en garantie du département du Val-d'Oise :
10. Le département du Val-d'Oise demande à être garanti solidairement par le Siarp, en charge du réseau d'assainissement, et par la commune de Sagy, en charge du réseau d'eaux pluviales. Toutefois, d'une part, le département du Val-d'Oise et le Siarp, qui vient aux droits du Siarva, ayant été condamnés chacun pour la part de responsabilité leur incombant, le département n'est pas fondé à demander à être garanti par lui. D'autre part, si le rapport d'expertise a effectivement identifié l'entrée d'eau dans le réseau d'eaux pluviales en 2010, ce réseau n'a lui-même pas été mentionné dans ce rapport comme étant l'une des causes des désordres subis par M. et Mme B.... Dans ces conditions, le département ne saurait être garanti par la commune de Sagy.
11. Il résulte de ce qui précède que le département du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'appel en garantie.
Sur l'exécution du jugement attaqué :
12. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
13. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du jugement attaqué, le département du Val-d'Oise a procédé au règlement des indemnités dues à M. et Mme B.... En outre, le Siarp justifie également avoir versé la même somme à M. et Mme B.... Enfin, il indique, sans être sérieusement contesté, avoir remplacé leur branchement et précise que la canalisation du collecteur public doit être changée avant la fin du premier trimestre 2025. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au Siarp d'achever les travaux entrepris avant le 30 mars 2025 et au département du Val-d'Oise de procéder à la réfection de la chaussée avant le 31 mai 2025, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Sur les frais liés aux instances :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas partie perdante dans les présentes instances. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par M. et Mme B... peuvent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 22VE02172 du département du Val-d'Oise est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... dans l'instance n° 22VE02172 sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint au Siarp d'achever les travaux de restauration des canalisations d'eaux usées à proximité de la maison de M. et Mme B... avant le 30 mars 2025 et au département du Val-d'Oise de procéder à la réfection de la chaussée avant le 31 mai 2025, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Article 4 : Le Siarp et le département du Val-d'Oise communiqueront à la cour copie des pièces justifiant de l'exécution des travaux visés à l'article 3.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... dans l'instance n° 23VE02123 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-d'Oise, à la commune de Sagy, au syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Véxin (Siarp), au syndicat intercommunal d'assainissement rationnel de la vallée de l'Aubette (Siarva), à Mme A... B... et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
G. CAMENEN
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLILa République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nos 22VE02172... 2