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18/12/2024 | FRANCE | N°24VE00229

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 18 décembre 2024, 24VE00229


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office.



Par un jugement n°2307420 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Vers

ailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n°2307420 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, Mme E..., veuve C..., représentée par Me Haik, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'elle ne s'est pas bornée à demander un changement de statut pour obtenir un certificat de résidence en qualité de salariée mais qu'elle a également demandé que le préfet exerce son pouvoir de régularisation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué n'a pas été précédé de l'examen sérieux de sa situation particulière ;

- la décision portant refus de certificat de résidence est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne fait pas état de son insertion professionnelle et de ses attaches familiales en France, notamment avec la famille de son défunt époux ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet lui avait déjà accordé un certificat de résidence après le décès de son mari et ne pouvait refuser de le renouveler tant que sa situation n'avait pas changé ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa vie privée et familiale se situe désormais en France ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;

- c'est à tort que le préfet ne lui a pas accordé une régularisation exceptionnelle au titre de son pouvoir général discrétionnaire de régularisation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- et les observations de Me Baton, substituant Me Haik, pour Mme E... veuve C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E... veuve C..., ressortissante algérienne née le 21 février 1990, s'est mariée le 27 octobre 2019 avec M. B... C..., ressortissant français. Elle est entrée en France, le 10 décembre 2020, munie d'un visa long séjour portant la mention " famille D... ", valable du 15 novembre 2020 au 13 mai 2021. M. C... est décédé le 23 août 2021. Elle a obtenu un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 9 mars 2022 au 8 mars 2023. Le 30 janvier 2023, elle a demandé le renouvellement de son certificat de résidence. Par un arrêté du 3 août 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office. Mme E... veuve C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 décembre 2023 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme E... veuve C... soutient que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation, dès lors, d'une part, qu'il ne tient pas compte de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et, d'autre part, qu'il ne tient pas compte de son insertion professionnelle et de sa vie privée et familiale en France. Toutefois, de tels arguments, qui sont seulement susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement dont le contrôle est effectué par l'effet dévolutif de l'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Mme E... veuve C... soutient que la décision lui refusant le séjour serait insuffisamment motivée. Toutefois, l'arrêté contesté, qui vise les stipulations du 2 de l'article 6 et celles du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, mentionne le pouvoir général d'appréciation du préfet. Cet arrêté énonce également les circonstances de la situation familiale de Mme E... veuve C... et celles de sa situation professionnelle. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des principes de droit et des circonstances de fait qui fondent la décision de refus de séjour contestée. Cette décision est suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté n'aurait pas été précédé de l'examen de la situation particulière de Mme E... veuve C....

4. La requérante soutient que le préfet ne pouvait lui refuser le renouvellement de son certificat de résidence, dès lors qu'il lui avait déjà accordé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 9 mars 2022 au 8 mars 2023 alors qu'elle était déjà veuve et que sa situation n'a pas changé. Toutefois, si le bénéfice de ce précédent certificat de résidence fait obstacle à ce que la demande de renouvellement de Mme E... veuve C... soit traitée comme une première demande de certificat de résidence, aucune disposition d'aucun texte, ni aucun principe de droit, ne fait obstacle à ce que le préfet des Yvelines oppose à la demande de l'intéressée les conditions légales d'obtention du titre dont il s'agit. Le moyen doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme E... veuve C... soutient que la décision de refus de séjour contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la consistance de sa vie privée et familiale serait telle qu'elle ouvrirait droit à un certificat de résidence sur ces fondements. Toutefois, l'intéressée, qui n'est entrée en France qu'au cours de l'année 2020 et qui est sans charge de famille, ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et sa fratrie et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans, alors même qu'elle conserve de très bonnes relations avec la famille de son défunt époux français. De plus, l'activité professionnelle salariée dont elle se prévaut sur le territoire français, exercée depuis le mois de décembre 2021, notamment en missions d'intérim, ne présente pas un caractère de stabilité ou d'ancienneté qui permette de donner à sa vie privée en France une consistance particulière. Dans ces conditions, en lui refusant le séjour en France, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens doivent être écartés.

7. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ne prévoit pas des modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

8. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de séjour contestée, des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant, tandis que pour les mêmes motifs que ceux cités au point 7 ci-dessus, tenant à l'arrivée récente de Mme E... veuve C... en France, aux attaches familiales fortes de l'intéressée en Algérie et à la consistance de son insertion professionnelle en France, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels que le préfet aurait entaché sa décision de refus d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... veuve C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions doivent par suite être rejetées, y compris celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme E... veuve C... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., veuve C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.

Le rapporteur,

G. TarLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

24VE00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00229
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : HAIK

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;24ve00229 ?
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