Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2204612 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023, M. A..., représenté par Me Bordessoule de Bellefeuille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à l'argument selon lequel la poursuite de la vie familiale sans dispersion de ses membres serait impossible hors de France ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'incompétence ; elle est insuffisamment motivée en fait ; elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; elle est insuffisamment motivée ; elle est fondée sur la décision de refus de titre de séjour, elle-même illégale ; elle méconnaît les articles L. 423-1, L. 423-5 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pham a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né en 1982, est entré en France le 10 octobre 2014. Il a sollicité, le 12 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 novembre 2021, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève régulièrement appel du jugement n° 2204612 du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont répondu, aux points 6 et 7 du jugement attaqué, aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en analysant la situation familiale du requérant. Ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par le requérant, notamment celui tiré de l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France, alors qu'au demeurant il a été relevé, au point 15 du jugement attaqué, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans l'un ou l'autre pays des deux parents. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en conséquence être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence et celui tiré de l'insuffisance de motivation :
3. En premier lieu, le moyen tiré du vice d'incompétence, déjà soulevé en première instance et à l'appui duquel M. A... ne présente en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement litigieux.
4. En second lieu, l'arrêté attaqué vise les textes applicables et indique que M. A... n'apporte pas la preuve d'une ancienneté de présence significative sur le territoire français au motif que les documents produits sont insuffisants en nombre, en diversité et en force probante pour établir le caractère stable et ancien de sa résidence alléguée d'octobre 2014 à décembre 2017. Cet arrêté détaille également les éléments de la vie professionnelle et familiale de l'intéressé. Un tel arrêté est suffisamment motivé.
En ce qui concerne les autres moyens :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Si M. A... soutient résider en France depuis 2014, il ne justifie de sa présence continue qu'à compter de l'année 2016. Il vit avec sa compagne, de nationalité malienne, également en situation irrégulière, et ses deux enfants, nés en 2020 et 2022, dans un hébergement du SAMU social. Il n'est pas établi que, du seul fait de leur différence de nationalité, M. A... et sa compagne ne pourraient pas poursuivre leur vie familiale dans le pays d'origine de l'un d'entre eux. Le requérant a occupé un emploi d'agent de propreté à temps complet au sein de la société SNP Services de janvier 2018 à décembre 2019. Il se prévaut d'une demande d'autorisation de travail établie le 1er février 2021 par la société Clean Net Services pour un emploi d'agent de services en contrat à durée indéterminée à temps complet et d'une promesse d'embauche de cette même société. De tels éléments ne constituent cependant pas des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, M. A... ne justifie ni d'une ancienneté significative dans l'exercice d'une activité professionnelle en France, ni d'une qualification particulière lui permettant de se voir délivrer une carte de séjour " salarié ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions dès lors qu'il n'a pas sollicité un titre de séjour sur leur fondement.
8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ainsi qu'il a été démontré au point 6, rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de M. A... avec son épouse et leurs enfants se poursuive hors de France. Si le requérant se prévaut de la présence en France de son frère, de nationalité française, et d'un cousin, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de 32 ans et où résident sa mère ainsi que d'autres membres de sa fratrie. Il n'établit pas, ainsi qu'il le soutient, qu'il ne pourrait disposer d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ou dans celui de sa compagne, alors par ailleurs qu'il n'a déposé aucune demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dans ces conditions, malgré l'intégration professionnelle de M. A..., le préfet des Yvelines n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". M. A... déclare être entré en France en 2014, soit depuis moins de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 8 ci-dessus que M. A... ne remplit pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission prévue à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit donc être écarté.
S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
11. En deuxième lieu, si M. A... invoque la méconnaissance des articles L. 423-1, L. 423-5 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son état de santé, il n'établit pas, ainsi qu'il le soutient, qu'il ne pourrait avoir un accès effectif à un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine et n'a jamais présenté de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le moyen doit en conséquence être écarté.
12. En troisième et dernier lieu, le motif tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Pham
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE00589