Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... et M. B... F... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 juin 2018 par laquelle la commission d'appel a refusé le passage en 1ère ES de M. F....
Par un jugement n° 1803227 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 25 juillet 2022, le 1er août 2024 et le 19 novembre 2024, M. F... et Mme D..., représentés par Me Rochefort, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au recteur d'Orléans-Tours de prendre une décision de passage en 1ère S ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'orientation de M. F... dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État et du rectorat d'Orléans-Tours la somme de 2 500 euros à verser à leur avocat, Me Rochefort, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- leur requête n'est pas tardive ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision du chef d'établissement est insuffisamment motivée ;
- la décision de la commission d'appel est insuffisamment motivée ;
- la compétence du signataire de la décision du 19 juin 2018 n'est pas justifiée ; son patronyme n'apparaît pas sur la liste de l'arrêté du 2 mai 2018 ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que le procès-verbal ne donne pas la composition de la commission d'appel, que la composition de cette commission est irrégulière, que les règles de quorum n'ont pas été respectées, qu'il n'est pas possible d'identifier le président de la commission et donc de s'assurer que la présidence a été assurée par un chef d'établissement dont l'établissement n'est pas situé dans le ressort de la sous-commission ;
- les deux patronymes mentionnés sur le procès-verbal du 19 juin 2018 ne font pas partie de la liste officielle de l'arrêté du 2 mai 2018 et aucun document réglementaire ne vient officialiser la désignation de " membres exceptionnels " ;
- les listes d'émargement produites par le rectorat ne suffisent pas à prouver la régularité de la composition de la sous-commission qui a traité le dossier de l'appelant, faute de signature des procès-verbaux et de la décision elle-même ;
- la décision de la commission d'appel est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'état de santé de M. F... n'a pas été pris en compte, qu'il ressort de ses bulletins trimestriels qu'il a les compétences pour passer en 1ère ES, que l'établissement n'a mis en œuvre aucun outil de suivi et de formation scolaire à distance et n'a pas révisé au cours de l'année 2018 le projet d'accueil individualisé dont M. F... est bénéficiaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre et le 26 novembre 2024, le recteur de l'académie d'Orléans-Tours conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par M. F... et Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 14 juin 1990 relatif à la commission d'appel ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F... était scolarisé au cours de l'année scolaire 2017/2018 en classe de seconde générale et technologique au lycée Fulbert de Chartres. A la fin de l'année scolaire, sa mère, Mme C... D..., a demandé son orientation en 1ère générale économique et sociale (ES), littéraire (L) ou scientifique (S). Le conseil de classe a toutefois émis un avis défavorable à chacune de ces orientations et le chef de l'établissement, par une décision du 8 juin 2018, a décidé le redoublement de l'élève. Saisie par Mme D..., la deuxième sous-commission d'appel a confirmé la décision de redoublement dans sa séance du 19 juin 2018. Mme D... et M. F..., qui est devenu majeur au cours de la première instance, relèvent appel du jugement n° 1803227 du 17 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le jugement attaqué, qui a indiqué que la commission d'appel a suffisamment motivé sa décision en fait, a répondu de manière proportionnée au moyen tiré de l'insuffisance de motivation, lequel a été présenté sans développement particulier par les requérants en première instance.
3. En second lieu, si les requérants soutiennent que les premiers juges ont commis une erreur de droit ainsi que des erreurs manifestes d'appréciation, de telles circonstances, qui sont seulement susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
4. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... et Mme D... devant elle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. Aux termes de l'article L. 331-8 du code de l'éducation : " La décision d'orientation est préparée par une observation continue de l'élève. / Le choix de l'orientation est de la responsabilité de la famille ou de l'élève quand celui-ci est majeur. Tout désaccord avec la proposition du conseil de classe fait l'objet d'un entretien préalable à la décision du chef d'établissement. Si cette dernière n'est pas conforme à la demande de l'élève ou de sa famille, elle est motivée. / La décision d'orientation peut faire l'objet d'une procédure d'appel ". Aux termes de l'article D. 331-35 de ce même code : " En cas d'appel, le chef d'établissement transmet à la commission d'appel les décisions motivées ainsi que tous éléments susceptibles d'éclairer cette instance. / (...) / Les décisions prises par la commission d'appel valent décisions d'orientation ou de redoublement définitives. (...) ". Aux termes de l'article D. 331-35 de ce même code : " (...) La commission d'appel est présidée par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie ou son représentant. Elle comprend des chefs d'établissement, des enseignants, des parents d'élèves, des personnels d'éducation et d'orientation nommés par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie. / La composition et le fonctionnement de la commission d'appel sont précisés par arrêté du ministre chargé de l'éducation. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 juin 1990 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relatif à la commission d'appel : " La composition de la commission d'appel (...) est fixée comme suit : / - le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, ou son représentant choisi parmi ceux de ses collaborateurs appartenant aux corps d'inspection ou de direction, président ; / - deux chefs d'établissement du type d'établissement scolaire concerné ; / - trois professeurs exerçant au niveau scolaire concerné ; / - un conseiller principal d'éducation ou un conseiller d'éducation ; / - un directeur de centre d'information et d'orientation ; / - trois représentants des parents d'élèves (...) ". L'article 2 de ce même arrêté dispose : " Le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie peut mettre en place des sous-commissions d'appel dont la composition est identique à celle de la commission d'appel, à l'exception de la présidence qui est assurée par un chef d'établissement dont l'établissement n'est pas situé dans le ressort de la sous-commission. (...) ".
6. En premier lieu, M. F... soutient que la décision du 19 juin 2018 est entachée d'incompétence dès lors que son signataire ne figure pas sur la liste de l'arrêté du 2 mai 2018. Toutefois, le courrier en date du 19 juin 2018, qu'a reçu M. F... et dont il conteste la compétence de son signataire, constitue, non pas la décision de la commission d'appel qui a été prise le même jour, mais la notification de cette décision. Par suite, la compétence de l'auteur de cette notification n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision elle-même.
7. En deuxième lieu, la décision de la commission d'appel du 19 juin 2018, qui énonce que M. F... n'a pas les compétences pour passer en 1ère ES, mentionne les considérations de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors aux exigences de motivation, sans qu'il eut été besoin de motiver spécialement l'intérêt pour l'intéressé d'un redoublement, ou de préciser ses problèmes de santé. En outre, les requérants ne sauraient invoquer utilement l'insuffisance de motivation qui entacherait, selon eux, la décision du 8 juin 2018, à laquelle la décision de la commission d'appel, rendue à la suite d'un recours administratif obligatoire, s'est substituée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de ces deux décisions doit en conséquence être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des listes d'émargement versées aux débats que la commission d'appel comprenait notamment un conseiller principal d'éducation, une assistante sociale scolaire, et un directeur d'information et d'orientation. L'absence de médecin scolaire n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la composition de cette commission, dès lors qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 14 juin 1990, sa présence n'est pas obligatoire. Par ailleurs, la liste d'émargement de la séance du 19 juin 2018 produite par le recteur est signée par M. E..., proviseur du lycée Emile Zola de Châteaudun, qui a été désigné, aux termes de l'arrêté du 2 mai 2018 du recteur de l'académie Orléans-Tours, président de la deuxième sous-commission d'appel de fin de seconde générale et technologique. Le recteur soutient, sans être contesté sur ce point, que le lycée Emile Zola de Châteaudun n'est pas situé dans le ressort de cette sous-commission. Enfin, les conditions de quorum, lequel devait être égal à la moitié des membres de la commission en l'absence de toute disposition fixant expressément celui-ci, ont été respectées. Les moyens tirés de l'absence de quorum et de l'irrégularité de la composition de la commission doivent donc être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 14 juin 1990 visé ci-dessus : " Le dossier de l'élève est présenté à la commission d'appel par un professeur de la classe à laquelle appartient l'élève et par le conseiller d'orientation intervenant dans l'établissement scolaire fréquenté par l'élève. / Les rapporteurs n'ont pas voix délibérative. ". La liste d'émargement des membres exceptionnels comprend les noms des rapporteurs des dossiers des élèves, dont il n'est pas établi qu'ils auraient participé aux délibérés de la commission. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la présence de membres exceptionnels serait irrégulière.
10. En cinquième lieu, les requérants font valoir que le procès-verbal du 19 juin 2018 ne précise pas la composition de la commission d'appel, est signé par une personne qui n'est pas identifiée, mentionne deux personnes qui ne font pas partie de la liste officielle de l'arrêté du 2 mai 2018. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que ce courrier mentionne le nom des membres de la commission d'appel, dont l'identité était attestée par des listes d'émargement. Si ce procès-verbal mentionne les noms de Mme G... et de M. A..., c'est en raison du fait qu'ils ont été chargés de présenter le dossier de M. F..., et non en tant que membres de la commission d'appel. En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que la commission n'était pas irrégulièrement composée. Par suite, la circonstance que le procès-verbal de la séance du 19 juin 2018 ne comporte pas le nom des membres de la commission d'appel, dont celui de son signataire, n'a privé les requérants d'aucune garantie.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a un problème grave de rachis à l'origine d'une scoliose, de douleurs dorsales chroniques, d'une asymétrie des membres inférieurs et qu'il est également atteint d'une phobie scolaire. Il a été absent 224 demi-journées au cours de l'année scolaire 2017-2018, dont seulement trois absences non justifiées. Les bulletins trimestriels versés aux débats montrent qu'il n'a pu être évalué en raison de ses trop nombreuses absences et qu'il n'a pas acquis les compétences et connaissances nécessaires à un passage en 1ère ES. La simple circonstance que son état de santé n'ait pas été mentionné dans la décision attaquée n'est pas de nature à révéler une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le redoublement a été décidé au regard de ses compétences et non de ses nombreuses absences.
12. L'argument tiré de l'absence de mise en place d'un outil de suivi et de formation scolaire à distance est inopérant à l'encontre de la décision attaquée, qui ne constitue pas une sanction mais est fondée sur l'appréciation des compétences de M. F.... Par ailleurs, le choix d'une formation scolaire à distance relevait de l'initiative des requérants. De même, l'absence de révision au cours de l'année 2018 du projet d'accueil individualisé ne révèle aucun manquement de l'établissement scolaire, en l'absence de demande en ce sens des requérants, qui n'indiquent pas, par ailleurs, dans leurs écritures, en quel sens ce projet aurait dû être révisé. Eu égard à ces éléments, la commission d'appel n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant le passage de M. F... en 1ère ES.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... et de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme C... D... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie sera transmise pour information au recteur de l'académie Orléans-Tours.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Pham
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE01917