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17/12/2024 | FRANCE | N°24VE00408

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 17 décembre 2024, 24VE00408


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 1 212 656,12 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal.



Par un jugement n° 1608383 du 12 février 2020, le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à verser à M. B... une somme de 404 830,04 euros majorée des intérêts à compter du 3 mai 2016.



Par un arrêt n° 20VE02074 du 8 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a porté la somme que l'AP...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 1 212 656,12 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1608383 du 12 février 2020, le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à verser à M. B... une somme de 404 830,04 euros majorée des intérêts à compter du 3 mai 2016.

Par un arrêt n° 20VE02074 du 8 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a porté la somme que l'AP-HP a été condamnée à verser à M. B... à 425 830, 04 euros, majorée des intérêts à compter du 3 mai 2016.

Par une décision n° 463770 du 13 février 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. B... a annulé cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des frais d'appareillages futurs et des frais de santé futurs ainsi que sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par des mémoires, enregistrés les 26 avril et 18 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Laceuk, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 12 février 2020 en tant qu'il écarte ses demandes d'indemnisation des frais d'appareillages futurs, des frais de santé futurs ainsi que des pertes de gains professionnels futurs et en tant qu'il se prononce sur sa demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle et de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 848 781,94 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016, en réparation de ces préjudices ;

2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- il n'a perçu aucune indemnisation au titre de l'accident de circulation à l'origine de sa prise en charge hospitalière, dès lors qu'il en a été considéré intégralement responsable ;

- son handicap nécessite l'acquisition puis le renouvellement d'une prothèse de bain, d'une prothèse sportive, d'un revêtement tibial " système pileux " ainsi que de manchons en gel silicone, dont le coût total n'est pas pris en charge par la sécurité sociale, et qui s'élève à la somme annuelle de 7 446,39 euros ; il sollicite donc une indemnité en réparation des frais correspondant à la période débutant avec la consolidation de son état de santé, le 1er septembre 2004, soit un montant total, en incluant l'indemnité due pour l'avenir sous forme de capital, de 309 964,91 euros après application du coefficient de perte de chance ; dans l'hypothèse où seule la période postérieure à sa demande préalable serait indemnisée, il sollicite une indemnité de 247 415,23 euros ;

- son état de santé le contraint également à engager d'importantes dépenses pharmaceutiques, qui ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale, pour un montant annuel total de 3 177,36 euros ; il sollicite donc une indemnité en réparation des dépenses engagées à ce titre à compter de sa demande préalable, soit un montant total, en incluant l'indemnité due pour l'avenir sous forme de capital, de 105 571,59 euros après application du coefficient de perte de chance ; dans l'hypothèse où seule la période postérieure au jugement attaqué serait indemnisée, il sollicite une indemnité de 96 674,98 euros ;

- son handicap l'a empêché de poursuivre une scolarité normale et d'entamer des études supérieures, d'une part, et le met dans l'impossibilité d'occuper de nombreux emplois, d'autre part ; ce handicap est donc à l'origine d'une perte de revenus professionnels futurs, qu'il y a lieu d'indemniser pour la période débutant en 2020 par référence au salaire médian, en lui allouant une indemnité incluant un capital pour l'avenir, à hauteur de la somme totale de 377 245,44 euros après application du coefficient de perte de chance ;

- son état de santé est à l'origine d'une incidence professionnelle et d'un préjudice scolaire, qui doivent être évalués à la somme totale de 80 000 euros avant application du coefficient de perte de chance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2024, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, avocat, doit être regardée comme concluant au rejet de la demande de réformation du jugement formée par M. B... concernant l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle et à ce que la réparation des préjudices futurs soit assurée sous forme de rente.

Elle fait valoir que :

- M. B... ne justifie pas l'absence d'indemnisation au titre de l'accident de circulation à l'origine de sa prise en charge hospitalière ;

- il y a lieu d'indemniser les frais futurs d'appareillage sous forme de rente, compte tenu de la possibilité que ce type de dépense soit pris en compte par la sécurité sociale à l'avenir, ou de l'éventualité que le besoin de la victime évolue dans le temps ;

- il y a également lieu d'indemniser les frais médicaux futurs sous forme de rente ;

- M. B... n'étant pas dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle susceptible de lui procurer un revenu supérieur au salaire médian, les premiers juges ont à juste titre écarté la demande d'indemnisation des pertes de revenus professionnels futurs pour défaut de caractère certain ;

- les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle en l'évaluant à 50 000 euros avant application du coefficient de perte de chance ; il n'y a donc pas lieu de réformer le jugement sur ce point.

Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2024.

Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2024, non communiqué, la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne conclut au maintien du jugement attaqué pour ce qui la concerne et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été victime, le 1er février 2000, à l'âge de seize ans, d'un grave accident de la circulation. Après plusieurs interventions chirurgicales, il a été pris en charge à l'hôpital Antoine Béclère, relevant de l'AP-HP, où il a subi diverses interventions de réfection de ses pansements et, du fait de la progression d'une nécrose, une amputation du tiers inférieur de sa jambe droite le 21 février 2000. À la suite d'une infection polymicrobienne, il a été transféré à l'hôpital Avicenne, relevant de l'AP-HP, où il a subi treize interventions chirurgicales. Par un jugement du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que l'AP-HP avait commis une faute lors de la prise en charge de M. B... à l'hôpital Avicenne, en tardant à identifier l'infection dont il souffrait, et ordonné une expertise complémentaire portant sur les délais et conditions de prise en charge de la revascularisation et l'évaluation des préjudices. Par un jugement du 12 février 2020, ce même tribunal administratif a jugé que le retard mis par le service des urgences de l'hôpital Antoine Béclère dans le diagnostic et la prise en charge de l'ischémie sévère du membre inférieur droit a fait perdre à M. B... 70% de chance d'éviter l'amputation de sa jambe et a en conséquence condamné l'AP-HP à verser à M. B... une somme de 404 830,04 euros. Par un arrêt du 8 mars 2022 la cour administrative d'appel de Versailles a porté cette indemnité à la somme de 425 830,04 euros et rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 13 février 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des frais d'appareillages futurs et des frais de santé futurs ainsi que sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour.

Sur l'étendue du litige :

2. Eu égard au caractère partiel de la cassation prononcée par le Conseil d'État, il appartient à la cour de ne se prononcer de nouveau sur le litige que dans les limites résultant de la décision du 13 février 2024. Par suite, les conclusions présentées par M. B... tendant à la réparation des dépenses pharmaceutiques et des frais d'appareillage correspondant à la période antérieure à sa requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 17 août 2020, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'appareillage futurs et les dépenses pharmaceutiques futures :

3. Afin de respecter l'ensemble des exigences résultant de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au juge pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent. A ce titre, l'ensemble des dépenses directement liées à l'atteinte corporelle résultant de l'accident doivent être comptabilisées, qu'elles aient été prises en charge par un organisme de sécurité sociale ou soient demeurées à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice. Il convient alors de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.

4. Il résulte de l'instruction que pour pouvoir pratiquer une activité sportive de loisirs ou se baigner, M. B..., âgé de quarante-et-un ans, doit s'équiper de prothèses spécifiques, dont le coût n'est pas pris en charge par la sécurité sociale. M. B... produit également des certificats médicaux faisant état du bénéfice psychologique qu'il pourrait retirer de l'équipement d'un revêtement pileux sur sa prothèse de marche, lequel diminuerait la visibilité de celle-ci et permettrait ainsi une meilleure acceptation de son handicap. Dans ces conditions, M. B... est fondé à demander l'indemnisation des coûts d'acquisition de ces éléments d'appareillage ainsi que de leur renouvellement ultérieur.

5. Ainsi, eu égard au coût unitaire d'une prothèse sportive, qui peut être estimé à 7 783,97 euros au vu du devis produit, à celui d'une prothèse de bain, qui peut être estimé à 11 031,97 euros, au coût d'un revêtement pileux, estimé à 545 euros, à installer sur deux prothèses, et au coût unitaire d'un manchon en gel silicone, estimé à 1 101,61 euros, qui doit être renouvelé tous les six mois au-delà de la première année d'utilisation, et à la circonstance que les prothèses doivent être renouvelées tous les quatre ans, les frais liés à l'ensemble de ces équipements peuvent être évalués à la somme annuelle de 7 446,40 euros, avant application du coefficient de perte de chance, soit, pour la période comprise entre le 17 août 2020 et la date du présent arrêt, à la somme de 33 508,80 euros.

6. Il résulte de l'instruction que l'état de santé M. B... nécessite la prise de médicaments antalgiques et de différents dispositifs médicaux pour les soins de son moignon, dont le coût n'est pas pris en charge par la sécurité sociale, pour un montant total annuel non contesté par l'AP-HP estimé à la somme de 3 177,36 euros avant application du coefficient de perte de chance, soit, pour la période comprise entre le 17 août 2020 et la date du présent arrêt, à la somme de 14 298,12 euros.

7. Les premiers juges ont évalué le montant annuel des dépenses de santé et d'appareillage que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aurait à engager pour le compte de M. B... à compter de l'année 2020 à la somme non contestée de 10 749,94 euros. Par suite, le montant total des dépenses de santé correspondant à la période comprise entre le 17 août 2020 et la date du présent arrêt s'élève à la somme de 96 181,65 euros, et celui de l'indemnité susceptible d'être mise à la charge l'AP-HP s'élève, compte tenu du coefficient de perte de chance de 70%, à la somme de 67 327,16 euros. Il y a lieu d'accorder la somme de 47 806,92 euros à M. B... et le solde à la CPAM du Val de Marne, soit la somme de 19 520,24 euros.

8. S'agissant de la période postérieure au présent arrêt, il y a lieu de prévoir le versement d'une rente pour l'indemnisation des dépenses de santé futures. Le montant total des dépenses de santé annuelles en lien avec la faute s'élève à la somme de 21 373,70 euros (7 446,40 + 3 177,36 + 10 749,94). Le montant de l'indemnité annuelle susceptible d'être mise à la charge de l'AP-HP à ce titre s'élève donc, compte tenu du coefficient de perte de chance, à la somme de 14 961,59 euros. Il y a lieu d'accorder à M. B... une rente annuelle d'un montant de 10 623,76 euros et le solde, soit une rente annuelle d'un montant de 4 337,83 euros, à la CPAM du Val de Marne. Le montant de ces deux rentes sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle :

9. En premier lieu, lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de la rente excède le montant du salaire médian. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.

10. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui était âgé de seize ans et scolarisé en classe de seconde générale à la date de l'accident de circulation qu'il a subi, n'a pu reprendre sa scolarité, du fait des longues périodes d'hospitalisation et de soins rendus nécessaires par son état de santé résultant des fautes commises par l'AP-HP, que deux ans plus tard, dans une filière technologique. Il soutient sans être contredit que les complications survenues à la suite de son accident l'ont empêché de poursuivre sa scolarité dans une filière générale et de faire des études supérieures. Il résulte également de l'instruction que les séquelles physiques dont M. B... reste atteint le privent de la possibilité d'accéder à de nombreux emplois, dès lors qu'il ne peut rester en position debout ou assise prolongée, ne peut conduire de manière prolongée, ne peut porter de charges lourdes et qu'il souffre en outre de séquelles psychologiques rendant difficiles son insertion sur le marché du travail. Ainsi, bien que M. B... ne soit pas dans l'incapacité définitive d'exercer toute activité professionnelle, son état de santé résultant de sa prise en charge hospitalière fautive l'a privé de la possibilité d'accéder à une telle activité dans des conditions usuelles et il est donc en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle.

11. Il résulte de l'instruction que le salaire mensuel médian net s'établissait en 2001, année de la majorité de M. B..., au montant de 1 353 euros. Il y a lieu, par suite, de lui allouer au titre de la perte de revenus professionnels, pour la période écoulée depuis le 1er janvier 2020 jusqu'à la date du présent arrêt, 70% de la somme égale à soixante fois ce montant, revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu de renvoyer M. B... devant l'AP-HP pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront les sommes perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés ou, le cas échéant, en rémunération d'une activité professionnelle dans la mesure requise pour éviter que le cumul de ces sommes et de l'indemnité ainsi calculée n'excède le montant total du préjudice.

12. Pour l'avenir, il y a lieu d'allouer à M. B..., en réparation de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, une rente mensuelle, dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2001, actualisé pour l'année 2025 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2001 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés, et auquel sera appliqué le coefficient de perte de chance de 70%. Les sommes perçues par M. B... au titre de l'allocation aux adultes handicapés ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente dans la mesure requise pour éviter que le cumul de ces sommes et de l'indemnité ainsi calculée n'excède le montant total du préjudice.

13. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que les séquelles qu'il conserve n'ont pas pour seule conséquence de majorer la pénibilité des emplois qu'il pourrait occuper, mais l'ont également privé d'une chance de poursuivre des études supérieures, de bénéficier d'une évolution professionnelle et sont à l'origine d'un syndrome du " corps désœuvré ". Toutefois, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de la part personnelle du préjudice d'incidence professionnelle en allouant à ce titre à M. B... une somme de 35 000 euros après application du coefficient de perte de chance, alors qu'ils lui ont par ailleurs accordé de manière définitive une indemnité de 16 000 euros en réparation du préjudice tiré du retard de scolarité.

14. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait perçu d'une compagnie d'assurance une somme réparant déjà les différents préjudices sur lesquels le présent arrêt se prononce.

Sur les intérêts :

15. M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 47 806,92 euros ainsi que sur l'indemnité qui lui est due dans les modalités prévues au point 11, à compter du 3 mai 2016, date de sa demande indemnitaire préalable.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme que la CPAM du Val de Marne demande au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : L'AP-HP est condamnée à verser à M. B... une indemnité de 47 806,92 euros au titre de ses dépenses de santé. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 3 mai 2016.

Article 2 : L'AP-HP est condamnée à verser à M. B... une rente annuelle d'un montant de 10 623,76 euros, qui sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L'AP-HP est condamnée à verser à M. B... l'indemnité et la rente calculées comme indiqué aux points 11 et 12 du présent arrêt en réparation de son préjudice lié à la perte de revenus professionnels et à la perte consécutive de droits à pension.

Article 4 : Le montant de l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne au titre des arrérages échus de la rente annuelle allouée par le jugement attaqué est ramené à la somme de 19 520,24 euros.

Article 5 : Le montant de la rente annuelle que l'AP-HP a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne au titre des dépenses de santé futures est ramené à la somme 4 337,83 euros, qui sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Article 6 Le jugement n° 1608383 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'AP-HP versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la CPAM du Val de Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

E. TroalenLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24VE00408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00408
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel - Perte de revenus - Perte de revenus subie par la victime d'un accident.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : RUEFF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;24ve00408 ?
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