Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement n°2007179 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2023 et 5 novembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Adda, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 et de prononcer la décharge des impositions contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le droit de reprise de l'administration fiscale était atteint par la prescription pour l'année 2013, en l'absence de justification de la notification régulière de la proposition de rectification correspondante ;
- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère occulte des distributions ; en effet, s'agissant des sommes distribuées par la société MHT, l'administration ne démontre pas, en se bornant à indiquer qu'elle n'a pu accéder à la comptabilité de cette société, qu'elle n'aurait pas inscrit ces distributions dans sa comptabilité ou que leur inscription ne permettrait pas d'identifier l'opération et son bénéficiaire avec une précision suffisante ; elle ne démontre pas non plus que ces distributions auraient un caractère occulte en se fondant sur l'absence de déclaration des rémunérations versées conformément aux dispositions de l'article 87 du code général des impôts, laquelle n'est au demeurant pas établie ; s'agissant des sommes versées par la société IGO, l'administration, faute de produire la comptabilité de cette société, ne démontre pas qu'elle n'aurait pas inscrit ces distributions dans sa comptabilité ou que leur inscription ne permettrait pas d'identifier l'opération et son bénéficiaire avec une précision suffisante ;
- l'administration ne démontre pas que l'omission de déclaration aurait un caractère délibéré, de nature à justifier la pénalité de 40% prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête de M. et Mme B... et fait valoir que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen,
- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale a notamment estimé qu'ils avaient perçu de la part des sociétés MHT et IGO des distributions occultes. Ils relèvent appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription du droit de reprise :
2. Aux termes l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Toutefois, l'article L. 189 du même livre dispose que : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
3. En cas de contestation sur le caractère régulier de la notification d'une proposition de rectification, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
4. Il résulte de l'instruction que le pli recommandé contenant la proposition de rectification, expédié à l'adresse exacte de M. et Mme B..., a été retourné le 30 décembre 2016 à l'administration, accompagné d'un avis de réception comportant la mention : " présenté / avisé le : 14/12 ". En outre, l'enveloppe du pli recommandé était revêtue d'une étiquette sur laquelle la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée. Compte tenu de ces mentions précises, claires et concordantes, la proposition de rectification doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. et Mme B... et comme ayant ainsi interrompu le délai de prescription du droit de reprise de l'administration pour l'année 2013. Par suite, le moyen tiré de la prescription du droit de reprise manque en fait.
En ce qui concerne les distributions occultes :
S'agissant des sommes versées par la société MHT en 2013 et 2014 :
5. D'une part, aux termes de l'article 87 du code général des impôts : " Toute personne physique ou morale versant des traitements, émoluments, salaires ou rétributions imposables est tenue de remettre dans le courant du mois de janvier de chaque année, sauf application de l'article 87 A, à l'autorité compétente de l'Etat du lieu de son domicile ou du siège de l'établissement ou du bureau qui en a effectué le paiement, une déclaration dont le contenu est fixé par décret. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
7. La vérification de la comptabilité de la société MHT, dont M. B... était salarié du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2014, ainsi que l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B..., au cours duquel le service a pu consulter les relevés des comptes bancaires des intéressés, ont mis en évidence que cette société avait versé tant à M. B... qu'à Mme B..., par chèques, les sommes respectives de 67 032,14 euros et 6 441 euros au cours de l'année 2013 ainsi que les sommes de 10 752 euros et de 3 159 euros au cours de l'année 2014. Les propositions de rectification du 8 décembre 2016 et du 19 mai 2017 indiquent que ces sommes excèdent respectivement de 49 134 euros et de 5 576 euros les montants des salaires dus à M. B... par cette société au regard des montants figurant sur les bulletins de salaires émis pour les années 2013 et 2014 et que l'intéressé a précisé, sans en justifier, que cette différence correspondait à des remboursements de frais divers. Le service en a déduit que les sommes de 49 134 euros et 5 576 euros correspondaient à des rémunérations occultes constitutives de revenus distribués en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
8. L'appréhension des sommes de 49 134 et 5 576 euros est établie par l'inscription des différentes remises de chèques émanant de la société MHT sur les relevés des différents comptes bancaires des contribuables. En outre, l'administration indique qu'elle n'a pas pu consulter la comptabilité de la société MHT, celle-ci s'étant opposée au contrôle fiscal, et que cette société n'a pas non plus déclaré l'intégralité des rémunérations versées à M. B... en dépit des prescriptions de l'article 87 du code général des impôts. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, compte tenu du motif, non contesté, ayant conduit à l'impossibilité pour le service de consulter la comptabilité de cette entreprise, il y a lieu d'estimer que les sommes versées à M. B... en sus de son salaire et les sommes versées à son épouse, qui ne justifie d'aucun lien avec la société, n'ont pas été inscrites dans la comptabilité de cette société. Les contribuables ne fournissent aucun élément de nature à contredire l'allégation du service selon laquelle ces sommes n'auraient pas fait l'objet de la déclaration prévue par l'article 87 du code général des impôts. Par suite, le service est fondé à estimer que ces sommes qui n'ont pas été inscrites en comptabilité ni déclarées à l'administration fiscale doivent être regardées comme des rémunérations occultes constitutives de revenus distribuées, au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
S'agissant des sommes versées par la société IGO en 2014 et 2015 :
9. L'analyse des relevés de comptes bancaires de M. et Mme B..., effectué dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle, a également mis en évidence l'appréhension de sommes, pour un montant de 23 150 euros en 2014 et de 16 057 euros en 2015, provenant de la société IGO. Si M. B... est associé de cette société, avec son frère qui en est le gérant, aucune justification n'a été avancée pour la perception de ces sommes.
10. L'administration fait valoir que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société IGO, aucune comptabilité n'a été présentée pour l'année 2014, et que les éléments produits pour l'année 2015, du fait de leur caractère délibérément confus, ne permettent pas d'identifier les sommes versées à M. et Mme B.... Ces derniers, qui ne contestent pas l'absence de comptabilité pour l'année 2014, font grief à l'administration de ne pas justifier que la comptabilité de l'année 2015, non produite, ne faisait pas apparaître les versements à leur profit, de façon individualisée.
11. Toutefois, lorsqu'une société se dessaisit d'une somme au profit d'un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que cette opération ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. L'intention libérale est présumée en présence de liens familiaux.
12. En l'espèce, l'administration, qui a interrogé sans succès les contribuables sur le motif de versement de ces sommes, qui n'apparaissaient pas dans la comptabilité de l'entreprise, établit que cette opération ne comportait aucune contrepartie pour la société. De plus, compte tenu des liens familiaux entre M. B..., et l'autre associé de la société IGO, qui est son frère, l'intention libérale de ces versements doit en l'espèce être regardée comme établie, à défaut d'éléments apportés par les requérants sur ce point. Dans ces conditions, l'administration est fondée à regarder les libéralités litigieuses comme des distributions occultes au profit de M. et Mme B....
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. Pour assortir les rectifications de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur l'importance de l'écart entre les sommes déclarées, à titre de salaires, et les sommes effectivement réintégrées dans le revenu imposable de M. et Mme B... dans les catégories des traitements et salaires, revenus distribués et revenus d'origine indéterminée, sur le caractère répété des omissions, réitérées sur trois années et sur la circonstance que les contribuables utilisaient dix-sept comptes bancaires pour percevoir les revenus en litige et ne pouvaient ainsi ignorer le caractère imposable des sommes perçues et leur montant. L'administration doit ainsi être regardée comme établissant l'intention délibérée des contribuables de minorer leur impôt. Par suite, la majoration de 40% des impositions est justifiée.
15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
E. TroalenLa présidente,
F. VersolLa greffière,
C. Drouot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23VE00311