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17/12/2024 | FRANCE | N°23VE00276

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 17 décembre 2024, 23VE00276


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 571 492 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite B.



Par un jugement n°1806538 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a, avant de statue

r sur l'évaluation des préjudices de M. D..., ordonné une expertise médicale.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 571 492 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite B.

Par un jugement n°1806538 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a, avant de statuer sur l'évaluation des préjudices de M. D..., ordonné une expertise médicale.

Par un jugement n°1806538 du 12 décembre 2022, le tribunal a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 174 204,82 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 février 2023, 23 mars 2023 et 30 octobre 2024, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler les jugements attaqués des 5 octobre 2021 et 12 décembre 2022 et de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. D... devant le tribunal ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. D... devant le tribunal, une expertise médicale en vue de déterminer l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite B et d'évaluer les préjudices en lien avec cette contamination ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité qu'il a été condamné à verser à M. D....

L'ONIAM soutient que :

- à titre principal, c'est à tort que le tribunal a estimé que le lien entre les transfusions sanguines dont a été l'objet M. D... en 1984 et sa contamination par le virus de l'hépatite B était établi, la charge de la preuve reposant en la matière sur l'intéressé, les dispositions de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 n'étant pas applicables pour une contamination par le virus de l'hépatite B, et ce dernier ne fournissant aucun élément de nature à établir ce lien ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de procéder à une expertise pour déterminer l'origine de la contamination de M. D... par le virus de l'hépatite B, aucun expert ne s'étant prononcé à ce jour sur cette question ;

- à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu de déduire du montant de l'indemnité allouée à M. D... celui des prestations servies par les tiers payeurs ayant le même objet, en particulier la prestation de compensation du handicap et de borner la période prise en compte pour le calcul des indemnités couvrant les préjudices futurs à la date du décès de la victime ;

- il y a également lieu de limiter à la somme de 393,52 euros le montant de l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle, à la somme globale de 23 000 euros le montant de l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire, à la somme de 14 000 euros le montant de l'indemnité due au titre des souffrances endurées et du préjudice d'agrément, et à la somme de 2 227,31 euros l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- il y a lieu de limiter à la somme de 18 478,02 euros le montant de l'indemnité due au titre du besoin d'assistance par une tierce personne, eu égard au taux horaire de 13 euros ;

- il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il met à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février, 4 avril et 17 avril 2023, M. D..., représenté par Me Maillet, avocate, conclut au rejet de la requête de l'ONIAM et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :

1°) de porter à la somme totale de 571 492 euros le montant de l'indemnité allouée par le tribunal ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appel de l'ONIAM, en ce qu'il critique le lien de causalité entre les transfusions sanguines et la contamination par le virus de l'hépatite B, est irrecevable, ce lien ayant été admis par le jugement avant dire droit du tribunal du 5 octobre 2021, lequel n'a pas fait l'objet d'un appel dans le délai de recours ;

- bien que les dispositions de l'article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 ne soient pas applicables en l'espèce, les éléments au dossier attestent du lien de l'origine transfusionnelle de la contamination ;

- il n'y a pas lieu de procéder à une expertise ; une telle mesure n'aurait aucune utilité ;

- il n'y a pas lieu de déduire de quelconques prestations de l'indemnité allouée par le tribunal, dès lors qu'il ne perçoit pas la prestation de compensation du handicap ;

- il y a lieu d'évaluer le montant des pertes de revenus professionnels liées à la contamination au virus de l'hépatite B à la somme de 318 000 euros et le montant de l'incidence professionnelle à la somme de 100 000 euros ;

- le montant de ses souffrances doit être évalué à hauteur de 30 000 euros ;

- il y a lieu d'indemniser le déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 29 500 euros et le montant du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 32 000 euros ;

- le montant de l'indemnité correspondant au besoin d'assistance par une tierce personne doit être évalué à la somme de 47 310 euros.

Par des observations, enregistrées le 11 avril 2023, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau agissant pour le compte de la CPAM de Périgueux a déclaré ne pas s'opposer à la réalisation d'une expertise médicale.

Par un mémoire, enregistré le 26 décembre 2023, Mme A... B... veuve D... déclare reprendre l'instance engagée par son époux décédé le 27 octobre 2023.

Par une ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 novembre 2024.

Mme B... a produit un mémoire, enregistré le 15 novembre 2024, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a ordonné une expertise médicale en vue de statuer sur les préjudices de M. D... et du jugement du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à M. D... la somme de 174 204,82 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite B. Par la voie de l'appel incident, M. D... a demandé que le montant de l'indemnité allouée par le tribunal soit porté à la somme totale de 571 492 euros. A la suite du décès de M. D..., le 27 octobre 2023, Mme B... veuve D... a déclaré reprendre l'instance engagée par son époux.

Sur la recevabilité de l'appel formé par l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-6 du même code : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige ".

3. Par un jugement avant dire droit du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles, après avoir estimé que la contamination de M. D... par le virus de l'hépatite B trouvait son origine dans les transfusions sanguines reçues en 1984 et que la réparation des conséquences dommageables de cette contamination incombait à l'ONIAM en vertu des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, a ordonné une expertise médicale en vue d'évaluer les préjudices subis par M. D.... Contrairement à ce que ce dernier soutient, l'ONIAM demeure recevable à contester les conditions d'engagement de sa responsabilité au titre de la solidarité nationale, en critiquant l'existence d'un lien de causalité entre la contamination par le virus de l'hépatite B et les transfusions sanguines, dans le cadre de sa requête dirigée tant contre ce jugement avant dire droit que contre le jugement du 12 décembre 2022, par lequel le tribunal s'est prononcé sur ses conclusions indemnitaires, enregistrée moins de deux mois après la notification de ce jugement.

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

4. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins (...) réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins (...). L'office recherche les circonstances de la contamination. "

5. M. D... a été victime, le 20 janvier 1984, d'un accident de la circulation et a bénéficié, au cours de sa prise en charge médicale au centre hospitalier de Longjumeau puis à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, de plusieurs transfusions sanguines entre le 20 janvier et le 17 février 1984. Une contamination au virus de l'hépatite B a été diagnostiquée en septembre 1991. A la suite de la demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale présentée par M. D..., une enquête transfusionnelle a été réalisée par l'Etablissement français du sang, le 13 octobre 2017, mais les donneurs à l'origine des produits sanguins transfusés n'ont pas pu être identifiés dans ce cadre. La circonstance, invoquée par l'ONIAM, qu'en application d'un arrêté du 29 septembre 1971, les prélèvements de sang devaient faire l'objet à la date des transfusions sanguines reçues par la victime d'un dépistage du virus de l'hépatite B, ne saurait suffire à établir l'innocuité des produits sanguins qui ont été transfusés à M. D..., en l'absence d'élément attestant de la réalisation effective de ce dépistage sur ces produits. Toutefois, aucun document produit par M. D... ne permet de démontrer de manière certaine que le virus qui a été mis en évidence en 1991 aurait été contracté lors des transfusions sanguines réalisées en 1984, soit sept ans auparavant. A cet égard, si, dans différents documents versés par M. D..., des médecins ont indiqué que sa contamination au virus de l'hépatite B avait une origine transfusionnelle, de manière seulement probable pour certains, ces mentions sont portées dans les antécédents du patient et ne constituent pas la conclusion d'une analyse quant à l'origine de la contamination. Elles ne sauraient donc, à elles seules, étayer l'affirmation de l'intéressé. Ainsi, eu égard au délai s'étant écoulé entre les transfusions et la détection du virus, à la diversité des modes de transmission du virus de l'hépatite B, alors que M. D... a notamment fait l'objet d'une intervention chirurgicale d'ablation de la rate en 1980, il ne résulte pas de l'instruction que sa contamination par le virus de l'hépatite B trouve sa cause dans les transfusions sanguines réalisées en 1984.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise médicale portant sur l'origine de la contamination de M. D..., que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par les jugements attaqués, d'une part, a prescrit une expertise médicale portant sur les préjudices de M. D..., laquelle ne présentait ainsi pas de caractère utile, d'autre part, l'a condamné à verser à M. D... la somme de 174 204,82 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite B en application des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il en résulte également que les conclusions présentées par M. D... par la voie de l'appel incident, y compris ses conclusions relatives aux frais d'instance, doivent être rejetées.

7. Enfin, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 5 octobre 2021, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros, à la charge de M. D....

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n°1806538 du 5 octobre 2021 et du 12 décembre 2022 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. D... devant le tribunal sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... veuve D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 5 octobre 2021, liquidés et taxés à hauteur de la somme de 1800 euros, sont mis à la charge définitive de M. D....

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Mme A... B... veuve D....

Copie en sera adressée à la CPAM de Pau.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

E. TroalenLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23VE00276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00276
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : AARPI JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23ve00276 ?
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