Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à M. et Mme A... la somme totale de 123 068,16 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité du licenciement de Mme A... et des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis.
Par un jugement n°1905134 du 20 octobre 2022, le tribunal a condamné l'AP-HP à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que celle de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2022 et 7 juin 2024, Mme et M. A..., représentés par Me Lerat, avocate, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 20 octobre 2022, en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires, et de porter à la somme de 131 860,36 euros le montant de l'indemnité totale ;
2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme A... n'avait pas été victime d'agissements de harcèlement moral ;
- en tout état de cause, les conditions de travail anormales dans lesquelles elle a exercé sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ;
- le refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté sa demande d'indemnisation de son préjudice financier malgré l'illégalité interne dont est entachée la décision de licenciement dont elle a fait l'objet, dès lors qu'elle bénéficie, du fait de cette éviction irrégulière du service, d'un droit à la réparation intégrale du préjudice subi du fait de cette mesure ; le montant de la perte de revenus subie de ce fait s'élève à la somme de 40 794,66 euros ;
- elle demande en outre réparation du préjudice financier subi avant son licenciement, dès lors qu'elle a subi du fait des conditions de travail anormales et des agissements de harcèlement moral une baisse de rémunération, évaluée à la somme de 7 941,85 euros ;
- elle a également subi du fait des fautes de l'AP-HP des frais de déménagement, pour un montant de 7 000 euros, des frais de déplacements, pour un montant de 19 500 euros, ainsi que des frais d'avocat, pour un montant de 12 623,85 euros ;
- les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, lesquels doivent être évalués à la somme de 15 000 euros chacun ; il y a en outre lieu d'indemniser l'atteinte à la réputation subie par Mme A... à hauteur de la somme de 8 000 euros ;
- les fautes commises par l'AP-HP ont également été à l'origine d'un préjudice moral pour M. A..., qu'il convient d'indemniser à hauteur de 6 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril 2023 et 8 octobre 2024, le directeur général de l'AP-HP, représenté par Me Lacroix, avocate, conclut au rejet de la requête de Mme et M. A... et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué et de rejeter l'intégralité des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- c'est à bon droit que le tribunal a écarté l'allégation relative aux agissements de harcèlement moral ; Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi des conditions de travail anormales ;
- c'est à tort que le tribunal a accordé une indemnité à Mme A... en réparation de son préjudice moral, dès lors que l'illégalité externe dont est entachée la décision de licenciement n'est pas de nature à lui ouvrir droit à réparation, en l'absence de possibilité effective de reclassement ; en tout état de cause, la réalité du préjudice moral n'est pas établie ;
- en l'absence de possibilité effective de reclassement, il n'existe pas de lien de causalité entre l'illégalité du licenciement et les autres préjudices allégués ;
- les frais d'avocats engagés dans le cadre du présent litige ont uniquement vocation à être pris en charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- M. A... n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'il invoque.
Par ordonnance du 10 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Sanchez, représentant Mme et M. A..., et de Me Neven, représentant l'AP-HP.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A... a été enregistrée le 6 décembre 2024.
Une note en délibéré présentée pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a été enregistrée le 9 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., recrutée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), par contrat à durée indéterminée, pour exercer les fonctions de directrice de la communication du groupe hospitalier à compter du 22 avril 2013, a été licenciée par une décision du 17 septembre 2014, annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 13 juillet 2017. Par un courrier du 18 décembre 2018, elle a demandé à l'AP-HP de l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité de ce licenciement, des conditions anormales de travail dans lesquelles elle avait exercé ses fonctions, des agissements de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis et de l'illégalité du refus opposé à sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle. Ce courrier contenait également une demande d'indemnisation du préjudice moral subi par son époux à raison des mêmes faits. Par un jugement du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'AP-HP à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du caractère fautif de son licenciement et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que celle de son époux. Mme et M. A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leurs demandes. L'AP-HP, par la voie de l'appel incident, demande son annulation en tant qu'il accorde une somme de 2 000 euros à Mme A....
Sur le harcèlement moral et les autres fautes en lien avec les conditions de travail :
2. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
3. Mme A... soutient qu'à compter d'un entretien d'évaluation s'étant tenu au mois de novembre 2013, son supérieur hiérarchique s'est montré froid avec elle et lui a fait de nombreux reproches injustifiés, notamment devant les membres du comité directeur, puis qu'à l'issue d'un arrêt de travail d'une semaine, elle a été écartée de certaines de ses responsabilités antérieures avant de subir des pressions de son supérieur et du directeur des ressources humaines en vue d'obtenir sa démission. A l'appui de ses allégations, l'intéressée, qui se borne à produire son propre témoignage, celui de son époux et un courrier interne à la cellule CFDT du groupe hospitalier, émis le 5 mai 2014 par des représentants de ce syndicat, ne verse au dossier qu'un nombre très réduit de documents de nature professionnelle susceptibles de corroborer ses allégations, en particulier son éviction alléguée de certaines réunions ou la réduction de ses attributions, et ne fournit aucun témoignage émanant de membres du personnel qui auraient pu constater les agissements décrits. L'ensemble de ces éléments est ainsi insuffisant pour attester de l'existence de telles conditions de travail. S'il ressort d'un certificat médical établi le 9 juillet 2014 par son psychiatre que Mme A... a été placée en arrêt de travail du 5 mai au 8 septembre 2014 en raison d'un syndrome d'épuisement professionnel et si le médecin qui l'a examinée dans le cadre de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la dépression dont elle a souffert à cette période confirme que cette dépression trouve son origine dans une souffrance au travail et indique que la description faite par l'intéressée quant à ses relations avec son supérieur hiérarchique est empreinte de sincérité, ces seuls éléments attestant d'une souffrance réelle au travail ne sauraient suffire à présumer que celle-ci trouve sa source dans les conditions de travail dégradées telles qu'elle les relate. Par suite, les éléments soumis à la cour par Mme A... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence des agissements de harcèlement moral décrits. L'allégation de faute en rapport avec ces agissements et de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP doit donc être écartée. Il en va de même, par voie de conséquence, de l'allégation tenant au caractère illégal du refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle formulée le 4 septembre 2014.
4. Par ailleurs, faute pour Mme A... de justifier de la réalité des conditions de travail dégradées qu'elle invoque, l'allégation relative à des conditions anormales de travail doit également être écartée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les conditions de travail dans lesquelles Mme A... a exercé sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.
5. Par conséquent, la demande d'indemnisation du préjudice financier subi par Mme A... avant son licenciement à raison des fautes invoquées ne peut qu'être rejetée.
Sur le caractère fautif du licenciement :
6. En premier lieu, la décision de licenciement prise à l'encontre de Mme A... le 17 septembre 2014 a été annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement du 13 juillet 2017 devenu définitif, au motif que l'AP-HP n'avait pas respecté l'obligation lui incombant, en vertu d'un principe général du droit, de rechercher à la reclasser à la suite de la suppression de son poste. Contrairement à ce que soutient l'AP-HP, ce motif d'annulation, retenu par le tribunal après avoir précisé que le groupe hospitalier ne démontrait pas qu'aucun autre poste n'était alors disponible, se rattache à la légalité interne de cette décision de licenciement et traduit le fait que l'AP-HP ne pouvait donc légalement décider de licencier Mme A... à cette date dans ces conditions. Cette illégalité est donc de nature à ouvrir à Mme A... la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de son licenciement.
7. Ainsi, eu égard au montant de la rémunération mensuelle nette perçue par Mme A... avant son licenciement en vertu de son contrat, qui s'élevait à la somme de 3 287,87 euros, et aux revenus de remplacement perçus par l'intéressée du mois d'octobre 2014 jusqu'au mois de décembre 2016, dont le montant total s'élève, au vu des avis de paiement émis par l'AP-HP pour la période du mois d'octobre 2014 au mois de décembre 2014 et des avis d'imposition sur les revenus perçus en 2015 et 2016, à la somme de 68 029,36 euros, le préjudice financier en lien avec le licenciement entre le mois d'octobre 2014 et le mois de décembre 2016 doit être évalué à la somme de 20 735 euros.
8. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'installation de Mme A... et de sa famille en Belgique soit liée à la mesure de licenciement dont l'intéressée a fait l'objet. Par suite, la demande d'indemnisation des frais de déménagement et de déplacements correspondants doit être écartée.
9. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le licenciement de Mme A..., motivé par la suppression de son poste, ait porté atteinte à la réputation de celle-ci. Eu égard à l'ancienneté de Mme A... dans son emploi à la date de son licenciement, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de cette décision en les évaluant à la somme globale de 2 000 euros.
10. En dernier lieu, la réalité d'un préjudice moral subi par M. A... n'est pas justifiée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander que le montant total de l'indemnité que le tribunal a condamné l'AP-HP à lui verser soit porté à la somme de 22 735 euros. M. A... n'est en revanche pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A.... Cette somme a vocation à réparer intégralement les frais de justice exposés en conséquence de l'illégalité du licenciement de Mme A.... En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A... la somme que l'AP-HP demande au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à Mme A... est porté à la somme de 22 735 euros.
Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n°1905134 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 20 octobre 2022 est réformé à ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., M. C... A... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
E. TroalenLa présidente,
F. VersolLa greffière,
C. Drouot
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE02820