Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AB Consultant a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 14 février 2020 par laquelle le 2ème adjoint au maire de la commune de Vernouillet a rejeté sa réclamation préalable du 27 mai 2019 et, d'autre part, de condamner la commune de Vernouillet à lui verser une indemnité de 52 500 euros hors taxes (HT) correspondant au manque à gagner résultant de son éviction irrégulière du marché relatif à une mission partielle de maîtrise d'œuvre du projet de construction d'une école de musique, de danse et des arts, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 2003127 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 26 juillet 2022 et 24 septembre 2024, la société AB Consultant, représentée par Me Gallo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 14 février 2020 ;
3°) de condamner la commune de Vernouillet à lui verser une indemnité de 52 500 euros HT correspondant au manque à gagner résultant de son éviction irrégulière du marché relatif à une mission partielle de maîtrise d'œuvre du projet de construction d'une école de musique, de danse et des arts, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Vernouillet la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les faits en considérant que le groupement attributaire disposait de l'ensemble des compétences exigées par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;
- le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu par le pouvoir adjudicateur, dès lors que sa demande de précisions adressée de manière identique aux trois candidats le 13 mai 2015 n'avait d'autre but que de favoriser le groupement attributaire en l'incitant à modifier substantiellement son offre afin de la rendre appropriée s'agissant des compétences requises par l'article 1.5 du CCTP ; en tout état de cause, une demande de précisions ne saurait permettre à un candidat de modifier son offre après qu'elle ait été remise ; à l'inverse, le pouvoir adjudicateur n'a pas demandé à la société AB Consultant de compléter son offre concernant les délais ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune de Vernouillet pouvait s'abstenir d'adresser une telle demande à la société AB Consultant ;
- l'offre du groupement attributaire était anormalement basse, comme l'ont d'ailleurs démontré par la suite les nombreux retards et difficultés d'exploitation, et c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les offres plus élevées des deux autres candidats résultaient de leur caractère inadapté aux besoins de la commune ;
- s'agissant du critère relatif aux délais de livraison et d'exécution, pour lequel elle a obtenu une note nulle, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les candidats disposaient de l'ensemble des informations appropriées leur permettant de remplir intégralement le tableau fourni, que la méthode de notation n'était pas irrégulière et que l'offre de la société AB Consultant n'a pas été dénaturée ; à cet égard, ne souhaitant pas s'engager sur des délais artificiels, elle a indiqué dans son mémoire technique qu'elle n'entendait les définir que lors de visites qui seraient effectuées au début de l'exécution du marché ; en outre, le groupement attributaire a utilisé un tableau et une unité de temps autres que ceux communiqués par la commune ; n'ayant pas mis ainsi la commune en mesure d'apprécier la pertinence et la cohérence des délais qu'il proposait, le groupement aurait dû obtenir une note nulle ;
- s'agissant du critère de la valeur technique, l'appréciation des offres est entachée d'irrégularités, qui sont l'une des causes de l'éviction de la société AB Consultant ;
- s'agissant de l'offre de la société Leroy, les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que cette offre ayant été classée deuxième, l'irrégularité invoquée par la société AB Consultant, classée troisième, n'a pu être la cause directe de son éviction, et qu'elle est dénuée de lien direct de causalité avec les préjudices dont elle demande réparation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, la commune de Vernouillet, représentée par Me Letellier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société AB Consultant la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gallo, pour la société AB Consultant et celles de Me Boillot, substituant Me Letellier, pour la commune de Vernouillet.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision notifiée le 16 juin 2011, la commune de Vernouillet a confié à un groupement d'entreprises un marché de maîtrise d'œuvre relatif à la construction d'une école de musique, de danse et des arts. Des difficultés d'exécution persistantes ont conduit la commune de Vernouillet à prononcer le 12 mars 2015 la résiliation du marché pour faute aux torts exclusifs du titulaire. En conséquence de cette résiliation, elle a engagé le 2 avril 2015 une procédure adaptée en vue de la passation d'un marché ayant pour objet une " mission partielle de maîtrise d'œuvre ". La société AB Consultant, la société Cabinet Leroy et le groupement conjoint d'entreprises composé des sociétés INGetSER, Acsist et Emodis, cette dernière ayant la qualité de mandataire solidaire du groupement, ont alors remis une offre. Une notification de rejet d'offre, datée du 1er juin 2015, a été adressée à la société AB Consultant, cette notification indiquant, d'une part, que son offre avait été classée en dernière position avec une note globale de 54,67 sur 100 et, d'autre part, que le marché avait été attribué au groupement d'entreprises susmentionné. L'acte d'engagement a été signé le 3 juillet 2015. Par un courrier du 27 mai 2019, la société AB Consultant a demandé au maire de la commune de Vernouillet l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du rejet de son offre. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet le 14 février 2020. La société AB Consultant relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2020 et à la condamnation de la commune de Vernouillet à lui verser une indemnité de 52 500 euros HT correspondant au manque à gagner résultant du rejet de son offre, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2020 :
2. La décision du 14 février 2020 par laquelle le 2ème adjoint au maire de Vernouillet a rejeté la réclamation préalable présentée par la société AB Consultant le 27 mai 2019 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la requérante qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Si la société requérante soutient que les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce, commis des erreurs d'appréciation et une erreur de droit, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, sont sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, ils doivent être écartés.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.
En ce qui concerne la régularité de l'offre du groupement attributaire et le respect du principe d'égalité de traitement des candidats :
5. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " (...) III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. (...) ". Aux termes du 1° du I de l'article 35 de ce code, alors en vigueur : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. (...) ".
6. En premier lieu, la société AB Consultant soutient que le groupement attributaire ne disposait pas de l'ensemble des compétences exigées par l'article 1.5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), aux termes duquel : " L'équipe de maîtrise d'œuvre doit regrouper les compétences suivantes : - Architecte le cas échéant ; - Bureau d'études " fluides " ; - Bureau d'études " structures bois, béton et métal " ; - Bureau d'études " voirie, réseaux divers " ; - Ordonnancement Pilotage Coordination ". Il résulte de l'instruction qu'en réponse à une demande de précisions sur les compétences des candidats adressée le 13 mai 2015 aux intéressés par la commune de Vernouillet, le groupement attributaire a répondu par un courrier détaillé du 28 mai suivant qu'il disposait de toutes les compétences exigées, notamment celles mentionnées à l'article 1.5 précité du CCTP, en précisant les compétences du cabinet INGetSER, bureau d'études techniques généraliste, et en indiquant que " la société d'architecture Emodis, malgré l'existence de BET sur ce chantier, s'est adjointe les compétences d'un BET généraliste avec de fortes compétences en VRD et fluides pour une meilleure et rapide compréhension du projet d'une part et pour régler les problèmes d'eau sur le chantier ". A cet égard, la société requérante, qui se borne à soutenir qu'il est impossible qu'un bureau d'études généraliste dispose à lui seul des compétences requises en matière de " fluides ", de " structures bois, béton et métal ", de " voirie et réseaux divers " et d'" ordonnancement pilotage coordination ", ne produit aucun élément de nature à établir que le groupement attributaire ne disposait pas de toutes les compétences exigées. En outre, la seule circonstance que l'article 1.5 précité du CCTP mentionne un bureau d'études par compétence n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'un seul bureau d'études concentre toutes les compétences énumérées par cet article. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En deuxième lieu, d'une part, la société AB Consultant soutient que le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu par le pouvoir adjudicateur qui aurait favorisé, par sa demande de précisions du 13 mai 2015, la candidature du groupement attributaire. La " demande de précisions ou de compléments sur l'offre " adressée par la commune de Vernouillet aux trois candidats le 13 mai 2015 portait sur les compétences de leurs équipes, ainsi qu'il a été dit, et sur la reprise des études antérieures (techniques, acoustique, paysagère), réalisées par la précédente maîtrise d'œuvre. Il ne résulte ni de cette demande ni de la réponse du groupement attributaire du 28 mai 2015 précisant de manière détaillée les compétences de ses membres que la commune de Vernouillet aurait, par cette démarche, tenté de favoriser ce dernier au détriment des autres candidats en l'incitant à modifier substantiellement son offre afin de la rendre appropriée s'agissant des compétences requises par l'article 1.5 précité du CCTP. S'agissant, par ailleurs, des délais de livraison et d'exécution, il résulte de l'instruction que la société AB Consultant s'est bornée à inscrire la mention " à définir " dans les rubriques " Réalisation des travaux / DET / OPC ", " Réception et levée des réserves " et " Garanties " du " planning prévisionnel de la mission ", sans indiquer de délais comme l'y invitait pourtant le dossier de consultation. En outre, son mémoire technique ne mentionnait pas les délais envisagés. Alors que la société requérante indique dans ses écritures qu'elle s'est volontairement abstenue de s'engager sur ces délais en retenant une approche " objective et réaliste " de la situation, aucune disposition légale ou réglementaire, non plus qu'aucun principe, ne faisait obligation à la commune de Vernouillet d'adresser à la société AB Consultant une demande de précisions ou de compléments sur ce point. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats doit être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 55 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. (...) Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; 3° L'originalité de l'offre ; 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat. (...) ".
9. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.
10. La société AB Consultant soutient que l'offre du groupement attributaire étant anormalement basse, la commune de Vernouillet aurait dû solliciter auprès de lui toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Il résulte de l'instruction que le groupement attributaire a présenté une offre globale d'un montant de 41 320 euros HT, la société AB Consultant une offre globale d'un montant de 79 000 euros HT, classée deuxième sur le critère du prix, et la société Cabinet Leroy une offre globale d'un montant de 109 680 euros HT. A cet égard, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte du courriel que la société requérante a adressé le 18 mai 2015 à la commune de Vernouillet que le montant de son offre, supérieur à celle du groupement attributaire, s'explique par ses difficultés à définir les besoins de la commune et à quantifier les prestations attendues, nécessitant selon elle une " phase préliminaire " d'identification des besoins, à l'issue de laquelle elle " s'attachera les compétences requises nécessaires et suffisantes afin de proposer [sa] meilleure offre de prix ". En outre, il ressort du courrier que la société Cabinet Leroy a adressé à la commune de Vernouillet le 18 mai 2015 que le montant de son offre, très supérieure à celle du groupement attributaire, s'explique par la circonstance qu'elle intègre un diagnostic complet des lots techniques (thermique, acoustique et VRD), sans reprendre les études déjà réalisées par le précédent maître d'œuvre, comme le prévoient pourtant le cahier des clauses administratives particulières et le cahier des clauses techniques particulières remis aux candidats. Par ailleurs, si la société requérante soutient que l'offre retenue n'est pas crédible en raison des coûts inhérents au fonctionnement d'un groupement et de la circonstance que chaque membre doit " prendre sa marge ", elle ne produit aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de cette allégation. Enfin, et contrairement aux affirmations de la requérante, les retards et difficultés d'exécution constatés sur le chantier postérieurement à l'attribution du marché ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir le caractère anormalement bas de l'offre du groupement attributaire. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur que la commune de Vernouillet a considéré que cette offre n'était pas anormalement basse et qu'elle ne justifiait dès lors pas qu'elle sollicite auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les critères relatifs aux délais et à la valeur technique :
11. Aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. ".
12. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.
13. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.
Quant au critère relatif aux délais d'exécution et de livraison :
14. L'article 7.1 du règlement de la consultation, relatif au " jugement des offres ", prévoit que " l'offre économiquement la plus avantageuse sera choisie à l'issue d'un classement, selon les critères suivants pondérés : valeur technique : 45 % ; prix : 40 % ; délai de livraison/exécution : 15 % ". L'article 6 de ce règlement, relatif à la " présentation des candidatures et des offres ", prévoit pour sa part que l'offre du candidat doit comporter " (...) un second sous-dossier comprenant les éléments nécessaires au choix de l'offre, avec : (...) le planning prévisionnel de la mission ", étant précisé qu'un modèle de planning est fourni dans le dossier de consultation.
15. Ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que, s'agissant des délais de livraison et d'exécution, la société AB Consultant s'est bornée à inscrire la mention " à définir " dans les rubriques " réalisation des travaux / DET / OPC ", " réception et levée des réserves " et " garanties " du " planning prévisionnel de la mission ", sans indiquer de délais comme l'y invitait pourtant le dossier de consultation. Par ailleurs, son mémoire technique ne mentionnait aucun délai. La société requérante, qui a obtenu la note de 0 sur 15 sur ce critère, fait valoir qu'elle s'est volontairement abstenue de s'engager sur ces délais en retenant une approche " objective et réaliste " de la situation, estimant qu'elle ne disposait pas, au stade de la présentation des offres, de tous les éléments lui permettant de proposer de tels délais. Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le dossier de consultation en possession des candidats comporte l'ensemble des éléments liés au chantier et nécessaires à l'exécution de la mission de maîtrise d'œuvre partielle, objet du marché. En outre, il résulte des articles 3.8 et 9.1 du règlement de consultation que les candidats étaient tenus d'effectuer une visite des lieux d'exécution du marché le 15 avril 2015 et qu'une demande de renseignements complémentaires administratifs et techniques était en tout état de cause possible jusqu'au 22 avril 2015. Par ailleurs, l'article 1.2 du CCTP expose de manière détaillée l'historique de l'opération et l'état d'avancement des prestations qui avaient été confiées à la précédente maîtrise d'œuvre, en indiquant que " les prestations restant à réaliser ne suivent pas une simple logique arithmétique du solde restant à faire pour atteindre les 100 % sur chacun des postes ", que le précédent maître d'œuvre " n'ayant pas transmis les études d'exécution sur lesquelles il a travaillé avec les entreprises, certains de ces éléments devront être repris en s'appuyant sur les retours que pourront faire les entreprises de leur côté ", et que " la mission EXE de la maîtrise d'œuvre comporte (...) une première phase de recueil documentaire ". De même, les éléments de la mission sont énumérés à l'article 1.8 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et détaillés sur quatre pages aux articles 2 et 3 du CCTP. Enfin, si la société requérante fait valoir que le groupement attributaire aurait dû obtenir une note égale à zéro dès lors qu'il a utilisé un tableau et une unité de temps autres que ceux communiqués par la commune, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir que la commune de Vernouillet n'aurait pas été en mesure, comme le prétend la requérante, d'apprécier la pertinence et la cohérence des délais proposé par le groupement. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les candidats ont été mis à même, lors de la présentation de leur offre, d'évaluer précisément les contraintes et l'étendue des prestations faisant l'objet du marché en cause, et de renseigner les rubriques " Réalisation des travaux / DET / OPC ", " Réception et levée des réserves " et " Garanties " du " planning prévisionnel de la mission ". De la même manière, c'est à bon droit qu'ils ont considéré que la société requérante n'ayant proposé aucun délai, la commune de Vernouillet n'était pas en mesure d'apprécier son offre s'agissant du critère relatif aux délais, la conduisant ainsi à lui attribuer la note de 0 sur 15. Par suite, les moyens tirés de ce que le critère relatif aux délais de livraison et d'exécution n'aurait pas été assorti des informations appropriées et suffisantes, de ce que la méthode de notation de ce critère serait irrégulière et de ce que la commune de Vernouillet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en attribuant à la société requérante la note de 0 sur 15 sur ce critère doivent être écartés.
Quant au critère relatif à la valeur technique :
16. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'analyse des offres, que la société AB Consultant a obtenu la note totale de 54,67 sur 100, tandis que le groupement attributaire a pour sa part obtenu la note totale de 91,17 sur 100, soit un écart de 36,5 points. La requérante a par ailleurs obtenu, après pondération, la note de 33,75 points sur 45 pour le critère de la valeur technique. Comme l'ont relevé les premiers juges, à supposer même que la société requérante ait obtenu la note maximale de 45 points pour le critère de la valeur technique, soit 11,25 points de plus, la note finale qu'elle aurait obtenue serait restée, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus sur la régularité de l'offre du groupement attributaire et le critère relatif aux délais d'exécution et de livraison, inférieure à celle obtenue par le groupement, et par suite insuffisante pour lui attribuer le marché en cause.
17. La société AB Consultant soutient que l'appréciation des offres sur la valeur technique est entachée d'irrégularités qui seraient l'une des causes de son éviction. Toutefois, si elle fait valoir à l'appui de cette allégation, d'une part, que l'offre du groupement attributaire est irrégulière dès lors qu'elle est anormalement basse et qu'il n'a pas renseigné les délais d'exécution et de livraison sur le tableau dédié à cet effet et, d'autre part, que c'est à tort qu'une note nulle a été attribuée à la société AB Consultant sur le critère des délais, ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés ci-dessus.
En ce qui concerne l'offre de la société Cabinet Leroy :
18. Si la société AB Consultant soutient que l'offre de la société Cabinet Leroy, classée en deuxième position, est irrégulière, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. En outre, si elle fait valoir que l'offre du groupement attributaire est irrégulière dès lors qu'elle est anormalement basse, ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés ci-dessus. En tout état de cause, et comme l'a relevé à bon droit le tribunal, l'offre de la société Cabinet Leroy ayant été classée en deuxième position, l'irrégularité invoquée n'a pu être la cause directe de l'éviction de la société requérante, classée troisième. Par suite, le moyen doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société AB Consultant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions indemnitaires.
Sur les dépens :
20. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions de la société AB Consultant tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vernouillet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société AB Consultant demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AB Consultant le versement à la commune de Vernouillet d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société AB Consultant est rejetée.
Article 2 : La société AB Consultant versera la somme de 2 000 euros à la commune de Vernouillet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AB Consultant et à la commune de Vernouillet.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
T. Ablard
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01920