Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ou la somme de 1 000 euros à son bénéfice en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2307725 du 20 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 20 mai 2023 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat, sous réserve de l'admission définitive de M. A... à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros à verser à Me Chabane sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. La magistrate désignée a également décidé que, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros serait versée à M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2023, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement contesté ;
2°) et de rejeter la demande de M. A....
Le préfet de police soutient que :
- le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée n'est pas fondé, dès lors qu'il est justifié de la notification à M. A... de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 septembre 2022 , le 16 septembre 2022, et de l'ordonnance du président de la Cour nationale du droit d'asile du 1er décembre 2022, le 19 décembre 2022, antérieurement à l'arrêté querellé ; M. A... ne bénéficiait donc plus du droit au séjour le 20 mai 2023, date de l'arrêté attaqué ;
- il maintient le bénéfice de l'ensemble de ses écritures présentées en première instance.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police a, par un arrêté en date du 20 mai 2023, obligé M. A..., ressortissant turc, né le 3 juin 2001, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A.... Le préfet de police demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 542-1 du même code, dans sa version en vigueur applicable au litige : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. " Enfin, aux termes de l'article R. 532-57 du même code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire.
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait du fichier Télemofpra, que le préfet de police produit pour la première fois en appel, que M. A... a présenté une première demande d'asile, qui a fait l'objet d'une procédure accélérée, au terme de laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision de rejet le 15 septembre 2022, notifiée le 16 septembre 2022. Le recours formé par M. A... contre cette décision a été rejeté pour irrecevabilité par une ordonnance du président de la Cour nationale du droit d'asile du 1er décembre 2022, notifiée le 19 décembre 2022. L'intéressé ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause le caractère probant de ces mentions, figurant dans l'extrait du fichier Télemofpra, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi que le mentionnent expressément les dispositions précitées de l'article R. 532-57 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, ainsi que le soutient le préfet de police dans sa requête, M. A... ne bénéficiait plus, à la date de l'arrêté attaqué du 20 mai 2023, du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté au motif que M. A... bénéficiait encore, à cette date, du droit de se maintenir sur le territoire français.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la demande de communication du dossier de M. A... :
6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L.614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". Le préfet de police a communiqué en première instance et en appel les pièces utiles du dossier en sa possession, lesquelles ont été communiquées à M. A.... Dans ces circonstances, il n'y pas lieu de donner suite à la demande de ce dernier tendant à la communication de son entier dossier.
Sur les conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2023-056, le préfet de police a donné délégation à M. C... B..., adjoint au chef de la division des examens administratifs et des divisions, au sein du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit qui constituent le fondement de chacune des décisions en cause. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, il est suffisamment motivé.
9. En troisième lieu, il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué, notamment des mentions de fait précises y figurant, que le préfet de police a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait du requérant.
10. En quatrième lieu, si M. A... soutient qu'en ne communiquant aucune pièce relative à la procédure d'examen de sa demande d'asile, le préfet de police aurait méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense, cette circonstance est sans effet sur la légalité de l'arrêté attaqué.
11. En cinquième lieu, le préfet n'est pas tenu de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation de la situation d'un étranger en situation irrégulière, qui ne constitue pas un droit pour ce dernier. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en ne mettant pas en œuvre ce pouvoir, ou même en n'examinant pas la possibilité de le mettre en œuvre, ce qui ne lui était pas demandé, le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur de droit.
12. En sixième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne verse au dossier aucun élément relatif à sa situation personnelle et familiale au soutien de ces moyens qu'il invoque. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de son audition par un agent de police judiciaire le 20 mai 2023, qu'il a déclaré être célibataire, sans enfant, et n'être entré en France qu'en août 2021. Il ne se prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale ni d'aucune forme d'intégration à la société française. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. D'une part, le moyen, invoqué par M. A..., tiré des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, est inopérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
15. D'autre part, à l'appui de ce même moyen, également invoqué contre la décision fixant le pays de renvoi, M. A... se borne à soutenir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il risque d'être emprisonné en raison de ses idées politiques et que les membres de sa famille " très investie dans la cause kurde ", subissent des " pressions, persécutions et autres menaces de la part des autorités ". Alors que la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 septembre 2022 confirmée par un jugement de la Cour nationale du droit d'asile du 1er décembre 2022, le requérant n'apporte à l'appui de ses allégations, peu précises, aucun élément permettant de les tenir pour établies. Ainsi, M. A... n'établit pas le caractère actuel et personnel des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 20 mai 2023, lui a enjoint de délivrer de réexaminer la situation de M. A..., et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2307725 du 20 juillet 2023 et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2307725 du 20 juillet 2023 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me Chabane et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01967