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12/12/2024 | FRANCE | N°23VE01305

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 12 décembre 2024, 23VE01305


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Ariane a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a procédé à la liquidation partielle de l'astreinte prononcée à son encontre par l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement

n° 2101180 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Ariane a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a procédé à la liquidation partielle de l'astreinte prononcée à son encontre par l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101180 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 juin 2023 et le 17 octobre 2024, la SASU Ariane, représentée par Me Poissonnier, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 décembre 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, de diminuer le montant de l'astreinte à 5 000 euros ;

4°) d'ordonner au préfet des Yvelines de lui reverser les sommes de 5 000 euros et de 15 000 euros qui avaient été consignées ;

5°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de l'arrêté en litige est insuffisante et incohérente ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de forme, faute de comporter les nom et prénom de son signataire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché d'un vice de procédure, en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors qu'il ne vise pas et ne prend pas en compte les observations complémentaires adressées au préfet par courriel du 23 novembre 2020 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ; les exigences de l'administration, qui se limitaient à la transmission par l'exploitant d'un plan d'action de mise en conformité de ses réseaux en matière de collecte des eaux, ont été respectées ; la liquidation de l'astreinte administrative ne pouvait dès lors être prononcée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur dans la qualification juridique des faits, et d'une erreur d'appréciation ;

- l'absence de mise en conformité de l'installation ne saurait lui être reprochée mais résulte d'obstacles indépendants de sa volonté, tenant aux délais d'instruction du permis de construire qu'elle a déposé, et au caractère argileux du sous-sol ; en outre aucun texte n'impose l'asservissement des vannes d'isolement à l'alarme incendie, qui n'était d'ailleurs pas prévu, alors que la mise en place d'obturateurs guillotine installés sur les réseaux avait été implicitement validée par la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) ; il n'est résulté aucune pollution du non-respect des exigences de la fiche n°2 ; le contexte sanitaire, marqué durant l'année 2020 par la pandémie du Covid-19 et des mesures de confinement qui ont été décidées à cette occasion doit être pris en compte ; les travaux sollicités par la fiche n°2 du rapport de la DRIEE ont été réalisés ; sa situation est très difficile sur le plan financier, du fait de l'importante baisse de son activité en 2019 et 2020 ;

- en liquidant l'astreinte à 55 332 euros, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, un tel montant étant excessif au regard du comportement de bonne foi de la société Ariane, et des difficultés, juridiques, techniques et financières, qu'elle a rencontrées ;

- le montant de l'astreinte doit être ramené à 5 000 euros, dès lors notamment qu'à la date du rapport d'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) du 6 avril 2023, il a été constaté que les mesures de mise en conformité ont été réalisées ;

- les sommes de 15 000 et 3 000 euros, consignées par la blanchisserie maritime, dont la SASU Ariane a acheté le fonds de commerce, au profit de la DRIEE, en conséquence des arrêtés de consignation du 28 janvier 2010 et du 22 novembre 2010, doivent lui être reversées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 octobre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 13 novembre 2024, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la diminution à 5 000 euros du montant de l'astreinte liquidée, dès lors que ces conclusions sont nouvelles en cause d'appel, ainsi que le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce que soit ordonné à l'Etat le reversement des sommes de 5000 et 15 000 euros qui ont été consignées dans le cadre de la procédure, dès lors que ces conclusions sont nouvelles en appel, et que, en outre, elles ont été présentées au-delà de l'expiration du délai de recours contentieux, sans être accessoires des demandes principales, soulevant ainsi un litige distinct.

Un mémoire enregistré le 19 novembre 2024 a été produit par la SASU Ariane.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Ariane a repris le 15 janvier 2014 le fonds de commerce de la société à responsabilité limité (SARL) blanchisserie maritime, qui exploitait à Orgerus (78910) une blanchisserie depuis 2007, initialement exploitée par la société Boréal blanchisserie depuis 1989, relevant de la rubrique 2340-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Plusieurs arrêtés de mise en demeure ont été successivement adressés à la société Boréal, puis à la SARL Blanchisserie maritime, relatifs à divers manquements à la réglementation des installations classées, dont relève l'établissement en cause. En particulier, par un arrêté du 21 avril 2008, le préfet des Yvelines a mis en demeure la société blanchisserie maritime de respecter, notamment, les prescriptions définies par l'arrêté préfectoral d'autorisation n°04-249/DUEL du 16 décembre 2004 concernant le fonctionnement de cette blanchisserie, à savoir les articles 3.2, 3.12, 3.15, 3.18, 3.20, 3.23, 4.3, 4.5, 8.2, 8.9, 8.12, 8.14 et 11.6. A la suite de la reprise d'activité de la blanchisserie par la SASU Ariane, cette dernière a fait l'objet de plusieurs visites d'inspection par les services de la préfecture, le 1er août 2014, le 30 janvier 2015, le 10 novembre 2015, le 29 juin 2016, au cours desquelles des constats en manquements ont été réalisés. La préfecture des Yvelines a adressé à la SASU Ariane, le 9 septembre 2016, un compte-rendu de contrôle et a donné à la société un délai de trois mois pour lui remettre une étude et un plan d'action sur la mise en conformité de ses réseaux, tout en soulignant que ce délai de mise en conformité ne saurait excéder 12 mois. Ce courrier étant resté sans réponse, un arrêté d'astreinte, daté du 10 mai 2017 a été pris à l'encontre de la SASU Ariane, fixant une astreinte de 2 euros par jour de retard jusqu'au 1er octobre 2017, et de 50 euros par jour de retard au-delà de cette date, jusqu'à la pleine satisfaction des prescriptions de la mise en demeure du 21 avril 2008, concernant les manquements relatifs aux articles 3.12 concernant les exigences de conception des réseaux de collecte et de la station de pré-traitement des effluents liquides, 3.5 concernant les exutoires et milieux de réception, et 8.9 concernant le dispositif de détection incendie. A l'issue de plusieurs visites d'inspection, effectuées le 22 mars 2019 et le 8 octobre 2020, les services de la préfecture ont constaté que les travaux nécessaires à la mainlevée de la mise en demeure du 21 avril 2008 n'avaient pas été réalisés. Un arrêté de liquidation partielle d'astreinte a alors été pris le 9 décembre 2020, fixant à 55 332 euros le montant de l'astreinte partielle due par la société Ariane, à raison des non-conformités constatées entre le 12 mai 2017 et le 7 octobre 2020. La SASU Ariane fait appel du jugement n° 2101180 du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de liquidation d'astreinte du 9 décembre 2020.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit " ordonné " à l'Etat de reverser à la SASU Ariane les sommes de 5 000 euros et de 15 000 euros qui avaient été consignées :

2. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'arrêté de mise en demeure du 21 avril 2008, le préfet des Yvelines a pris deux arrêtés datés du 28 janvier 2010 et du 22 novembre 2010, portant consignation des sommes de 5 000 euros, pour la conception et la collecte des eaux de ruissellement et installation d'un séparateur d'hydrocarbures, et de 15 000 euros pour la conception et la réalisation de la collecte des eaux de ruissellement, la collecte des eaux d'incendie et l'isolement du site dans un réseau séparatif.

3. Les conclusions tendant à la restitution de ces sommes soulèvent un litige distinct de celles tendant à l'annulation de l'arrêté de liquidation d'astreinte du 9 décembre 2020 dont elles ne constituent pas des conclusions accessoires. En outre, ces conclusions sont nouvelles en appel, dès lors qu'elles n'ont pas été présentées en première instance avant la clôture de l'instruction fixée par le tribunal. Ces conclusions sont par suite irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 décembre 2020 :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".

5. Il résulte de l'instruction que, si l'arrêté en litige comporte la signature de son auteur, cette signature est illisible et ne mentionne ni le nom, ni le prénom du signataire. Toutefois, le courrier accompagnant la notification à la société de cet arrêté, versé à la cour par la société requérante elle-même, comporte une signature identique à celle de l'arrêté attaqué, ainsi que les prénom, nom et qualité du signataire, à savoir Etienne Desplanque, secrétaire général de la préfecture des Yvelines, ne laissant ainsi aucun doute sur l'identité et la qualité du signataire de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur applicable au présent litige : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte. / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. / L'amende ne peut être prononcée au-delà d'un délai de trois ans à compter de la constatation des manquements. / Les mesures mentionnées aux 1° à 4° du présent II sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Enfin, l'article L.211-5 du même code prévoit que " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

7. Les dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement qualifient expressément de sanction l'astreinte infligée à l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement qui n'a pas déféré à la mise en demeure adressée en cas d'inobservation des prescriptions s'imposant à lui. Par suite, la décision procédant à la liquidation de cette astreinte doit, eu égard à son objet et à son effet, être regardée comme étant elle-même constitutive d'une sanction. Elle doit en conséquence être motivée en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En l'espèce, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 9 décembre 2020 serait entaché d'un défaut de motivation doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement.

9. En troisième lieu, si les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ne prévoient pas expressément de procédure particulière, préalable à la liquidation de l'astreinte prononcée sur le fondement de ce même texte, une telle décision individuelle devant être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, est par suite soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable, en application des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration.

10. En l'espèce, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 9 décembre 2020 serait entaché d'un vice de procédure en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 de leur jugement.

11. En quatrième lieu, la société requérante invoque pour la première fois en appel le moyen tiré de l'existence d'une erreur de fait. Elle soutient de manière confuse que les exigences de l'administration, qui se seraient limitées à la transmission par l'exploitant d'un plan d'action de mise en conformité de ses réseaux en matière de collecte des eaux, auraient été respectées, et qu'en conséquence, la liquidation de l'astreinte administrative ordonnée le 10 mai 2017 ne pouvait pas être prononcée.

12. Il résulte certes de l'instruction que certaines prescriptions ont été énoncées par l'administration dans un rapport de visite d'inspection du 6 avril 2016, antérieure à l'arrêté prononçant une astreinte à l'encontre de la SASU Ariane, aux termes desquelles était demandé que soit " transmis un plan d'action de mise en conformité de ses réseaux et/ou demander une modification des conditions d'exploitation ", et qu'une partie des conclusions du rapport d'inspection du 8 octobre 2020, postérieur à l'arrêté d'astreinte mais antérieur à l'arrêté de liquidation, fait état de ce que la SASU Ariane a déclaré avoir transmis un dossier de demande de permis de construire intégrant la mise en conformité des réseaux de collecte des eaux du site.

13. Néanmoins, le rapport de visite d'inspection du 6 avril 2016 ne mentionne nullement que les obligations des articles 3.12, 3.15 et 8.9 de l'arrêté du préfet des Yvelines n°04-249/DUEL du 16 décembre 2004, que la SASU Ariane avait été mise en demeure de respecter par l'arrêté du 21 avril 2008, étaient à cette date respectées. A ce titre, la demande de communication par la société " d'un plan de mise en conformité de ses réseaux " avait manifestement pour objet de permettre à la société de montrer les efforts qu'elle fournissait pour tendre à la mise en conformité de ses installations. Toutefois, la communication d'un tel plan ne saurait être assimilée à la mise en conformité effective des réseaux de collecte des effluents et des eaux d'incendie de l'établissement exploité par la SASU Ariane, seule à même de justifier la mainlevée de la mise en demeure du 21 avril 2008 et de mettre un terme à l'astreinte prononcée le 10 mai 2017. Ainsi, le moyen invoqué par la société requérante, tiré de l'existence d'une erreur de fait sur ce point, doit être écarté.

14. En cinquième lieu, même si la SASU Ariane invoque indifféremment dans ses écritures présentées en appel une " erreur de droit ", une " erreur de qualification juridique des faits ", une " erreur d'appréciation " et une " erreur manifeste d'appréciation ", ces énonciations doivent être regardées comme relevant du seul et unique moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation qui entacherait l'arrêté de liquidation d'astreinte en litige.

15. La SASU Ariane ne conteste pas la légalité de l'arrêté du 10 mai 2017, en particulier la proportionnalité des montants de l'astreinte journalière prononcée par le préfet, fixés à 2 euros jusqu'au 1er octobre 2017, puis à 50 euros par jour, " jusqu'à la satisfaction du respect des dispositions de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 avril 2008 concernant la mise en conformité des réseaux de collecte des effluents et des eaux d'extinction incendie ". Si la SASU Ariane fait mention de tout un ensemble de circonstances, survenues entre 2017 et 2020, qui l'auraient freinée ou ralentie dans ses efforts de mise en conformité de son établissement avec les obligations définies par l'arrêté d'autorisation du 16 décembre 2004, il résulte de l'instruction que les manquements, constatés par l'arrêté de mise en demeure du 21 avril 2008 et l'arrêté du 10 mai 2017 prononçant une astreinte, persistaient à la date de l'arrêté du 9 décembre 2020 en litige prononçant la liquidation de l'astreinte. Au demeurant, à supposer même que ces manquements auraient été totalement corrigés avant l'édiction dudit arrêté, cette circonstance n'aurait pas empêché le préfet de liquider l'astreinte prononcée le 10 mai 2017, mais aurait seulement conduit celui-ci à diminuer le nombre de jours pris en compte pour calculer le montant de l'astreinte liquidée, jusqu'à la date du constat de la mise en conformité des installations de la société.

16. La première circonstance invoquée par la SASU Ariane, ayant fait selon elle obstacle à la mise en conformité de ses installations, relève de difficultés juridiques et techniques qui l'auraient empêchée de déposer et d'obtenir un permis de construire en vue de réaliser un dispositif de séparation des eaux pluviales et des eaux usées, l'installation d'un séparateur à hydrocarbure et un dispositif de rétention des eaux d'incendie. Toutefois, la société Ariane ne verse pas au dossier le dossier de demande de permis de construire dont elle fait état et n'établit pas en quoi le dépôt dudit permis de construire se serait avéré juridiquement nécessaire pour permettre la mise en conformité de ses installations. La société requérante ne justifie pas davantage d'échanges sur ce projet avec son bailleur, entre 2017 et 2020, et du refus que ce dernier aurait pu opposer au dépôt d'un permis de construire et à l'engagement de travaux. Il résulte en outre de l'instruction qu'à l'issue de l'inspection du 10 novembre 2015, la société Ariane n'a nullement fait état de la nécessité de réaliser des travaux de destruction et de reconstruction, mais a seulement indiqué que les coûts des travaux nécessaires à la mise en conformité étaient excessifs et qu'elle souhaitait faire réaliser une partie des ceux-ci, à savoir la pose et le raccordement d'un séparateur d'hydrocarbures, par la mairie d'Orgerus. Il résulte également de l'instruction que, postérieurement à l'inspection du 29 juin 2016, des travaux de réfection de la chaufferie de l'établissement ont été réalisés, de même que la construction d'un nouveau bâtiment pour le stockage du linge sale, sans qu'il soit alors fait état de la moindre difficulté pour obtenir une autorisation d'urbanisme. En outre, alors que, dans un courrier du 5 avril 2019, la SASU Ariane s'engageait auprès de l'administration à installer dans ses bâtiments des fermetures guillotines pour le confinement des eaux d'incendie avant le 30 juin 2019, à raccorder son réseau d'eaux pluviales au réseau public situé côté route et à raccorder les eaux de ruissellement à un séparateur hydrocarbure au plus tard avant le 31 mars 2020, elle ne faisait alors nullement mention de la nécessité d'obtenir préalablement un permis de construire. Enfin, il résulte des écritures mêmes de la SASU Ariane en appel que, postérieurement à l'arrêté en litige, elle aurait " découvert ", informée par la mairie, que le collecteur d'eaux pluviales de son installation se rejetait lui-même dans le fossé situé juste à côté du bâtiment et qu'il a alors suffi d'une simple autorisation de la mairie le 3 mars 2021 pour creuser dans la voirie et effectuer le raccordement des eaux pluviales de la toiture au réseau d'eaux pluviales situé dans le domaine public. La société Ariane fait également état des difficultés techniques qu'elle a rencontrées, liées à des phénomènes de fortes pluies et de sécheresse, qui auraient fortement affecté la qualité du sol argileux sur lequel est édifié le bâtiment exploité par la société et qui en auraient fragilisé la structure, compliquant la réalisation de travaux. Toutefois, il est constant que ces difficultés ne sont apparues qu'en 2018, que la société Ariane a déclaré ces désordres auprès de son assureur à titre de catastrophe naturelle le 22 juillet 2019 et que la société a délibérément attendu d'obtenir l'accord de son assureur, le 5 novembre 2020, pour le paiement d'une indemnité avant d'engager des travaux, dont le coût n'est pourtant évalué, dans un devis du 3 août 2018, qu'à hauteur de 25 230 euros, et à hauteur de 21 025 euros dans un devis du 10 septembre 2019. Les circonstances juridiques et techniques ainsi alléguées n'apparaissent pas comme un obstacle ayant pu justifier que les travaux nécessaires à la mise en conformité de l'établissement exploité par la SASU Ariane n'aient pas été réalisés.

17. La deuxième circonstance alléguée par la SASU Ariane concerne l'asservissement des vannes d'isolement des eaux d'accident à l'alarme incendie de l'établissement. La société requérante fait valoir qu'elle a adressé au préfet, en octobre 2020, à la suite d'une nouvelle visite d'inspection, un devis pour l'installation de vannes d'isolement sur toutes les sorties d'évacuation des eaux du site et l'installation de portes guillotines afin de retenir les eaux d'extinction incendie. Alors que le préfet a relevé en première instance que ces seuls équipements n'étaient pas suffisants pour assurer la pleine mise en conformité des installations, faute de communication d'un devis relatif à l'asservissement des vannes d'isolement des eaux d'accident à l'alarme incendie de l'établissement, la SASU Ariane soutient en appel que cette prescription n'est imposée par aucun texte et que la simple mise en place d'obturateurs guillotines avait été implicitement validée par les services d'inspection. Pourtant, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'asservissement du dispositif de rétention des eaux à l'alarme incendie est expressément prévu à l'article 8.9 de l'arrêté d'autorisation du 16 décembre 2004, qui dispose que : " L'enclenchement de l'alarme incendie entraîne automatique (sic) des dispositifs d'obturation des exécutoires visés à l'article 3.15 du présent arrêté dans l'objectif d'assurer la rétention des eaux d'extinction en cas de sinistre incendie ". Faute de justifier de l'installation d'un tel dispositif, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle justifierait de la mise en conformité de ses installations.

18. La SASU Ariane ne saurait sérieusement se prévaloir, à titre de troisième circonstance, de l'absence d'aggravation des atteintes faites à l'environnement résultant du fonctionnement non-conforme de son établissement. D'une part, la persistance du mélange des rejets industriels et des eaux de pluie provenant de la toiture de son établissement constitue en elle-même une atteinte à l'environnement, que ce mélange ait été ou non aggravé. En tout état de cause, l'absence alléguée de toute aggravation, à la supposer même établie, est sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêté de liquidation en litige, qui est fondé sur le constat du non-respect par l'exploitant, entre le 12 mai 2017 et le 7 octobre 2020 des conditions d'exploitation fixées à l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 21 avril 2008, qui renvoient aux termes mêmes de l'article 3.16 de l'arrêté d'autorisation du 16 décembre 2004 selon lequel, " sauf autorisation spécifique, la dilution des effluents est interdite et ne constitue pas un moyen de traitement " des effluents industriels.

19. La société requérante se prévaut d'une quatrième circonstance, liée au contexte sanitaire de l'année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement alors décidées, qui ont fortement affecté son activité. Toutefois, alors qu'une mise en demeure de mise en conformité a été adressée à la société exploitante le 21 avril 2008, que diverses visites d'inspection s'en sont suivies, et qu'un arrêté préfectoral a prononcé une astreinte le 10 mai 2017, suivi de nouvelles visites d'inspection, la société ne saurait prendre prétexte de la pandémie de Covid-19 survenue en 2020 pour justifier de sa défaillance dans la mise en conformité de ses installations, constatée par l'arrêté de liquidation du 9 décembre 2020.

20. Si la SASU Ariane soutient qu'elle aurait finalement réalisé les travaux nécessaires à la mise en conformité de ses installations, elle se borne toutefois à faire état de réalisations postérieures à l'arrêté de liquidation, qui sont par suite sans incidence sur la légalité de celui-ci.

21. Enfin, la société requérante se prévaut de ses difficultés financières, résultant de l'importante baisse de son activité en 2019 et 2020. Toutefois, au regard de l'ancienneté des décisions de mise en demeure puis d'astreinte dont elle a fait l'objet, bien antérieures à l'apparition des difficultés financières alléguées par la SASU Ariane, des multiples visites d'inspection qui ont précédé l'arrêté en litige, rappelant les manquements constatés, du montant modéré des astreintes journalières de 2 et 50 euros fixées par l'arrêté du 10 mai 2017, bien inférieures au montant maximal de 1500 euros prévu à l'article L. 171-8 du code de l'environnement, cette sixième circonstance n'est pas susceptible d'entacher l'arrêté en litige d'une erreur d'appréciation.

22. Il résulte des motifs relevés aux points 15 à 21 ci-dessus que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de liquidation en litige serait entaché d'une erreur d'appréciation.

23. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux relevés aux points 15 à 21 du présent arrêté, le montant de la liquidation d'astreinte fixé par l'arrêté du 9 décembre 2020 n'est pas entaché de disproportion.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Ariane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant. Il n'implique donc aucune mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction présentées par la SASU Ariane ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à la SASU Ariane. Les conclusions présentées par cette dernière sur ce fondement doivent par suite être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Ariane est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Ariane, au ministre de la transition écologique de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVENLa greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01305
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979 - Décision infligeant une sanction.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SPPS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23ve01305 ?
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