Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 avril 2023 et 23 mai 2024, la société Éole Beaune-la-Rolande, représentée par Me Gelas, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui accorder une autorisation environnementale pour la création d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, composée de cinq aérogénérateurs, sur le territoire de la commune de Beaune-la-Rolande ;
2°) à titre principal, de lui accorder cette autorisation, en l'assortissant, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Loiret de fixer, s'il y a lieu, ces prescriptions techniques, dans le délai de quatre mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet du Loiret de prendre une décision sur sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Beaune-la-Rolande ne justifie d'aucun intérêt à intervenir ;
- son maire ne démontre pas être habilité à agir en justice ;
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet du Loiret a commis une erreur de droit en ne procédant pas à la qualification préalable du paysage environnant ;
- le terrain d'implantation du projet ne présente aucun intérêt paysager ou patrimonial particulier ;
- le projet ne portera pas atteinte à l'église Saint-Martin de Beaune-la-Rolande, ni au cadre de vie de ses habitants ;
- les effets cumulés engendrés par le projet ne porteront pas atteinte au paysage et au cadre de vie des habitants de Beaune-la-Rolande, du hameau d'Orme, du bourg de Saint-Michel, du hameau d'Arconville, et des communes de Montbarrois et de Nancray-sur-Rimarde.
Par un mémoire enregistré le 27 juin 2023, la commune de Beaune-la-Rolande, représentée par Me Monamy, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir et s'associe aux moyens et conclusions présentés par l'État.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2024, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2024.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de l'environnement,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société Éole Beaune-la-Rolande.
Une note en délibéré présentée pour la société Éole Beaune-la-Rolande a été enregistrée le 3 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Éole Beaune-la-Rolande a déposé, le 2 décembre 2020, une demande d'autorisation environnementale, complétée le 7 juin 2021, en vue de l'implantation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Beaune-la-Rolande. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet du Loiret a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. La société Éole Beaune-la-Rolande a formé un recours gracieux le 7 février 2023, reçu le 10 février 2023. Une décision implicite de rejet est née le 10 avril 2023 du silence gardé par l'administration sur ce recours. La société Éole Beaune-la-Rolande demande à la cour d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 7 décembre 2022.
Sur l'intervention de la commune de Beaune-la-Rolande :
2. Si la commune de Beaune-la-Rolande, sur le territoire de laquelle est située la zone d'implantation envisagée par la société requérante, dispose de ce fait d'un intérêt au maintien de l'arrêté attaqué, elle n'a pas produit la délibération habilitant son maire à la représenter dans la présente instance, en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Son intervention en défense n'est donc pas recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du préfet du Loiret mentionne les textes de droit dont il fait application, et les considérations de faits sur lesquelles il est fondé. Par suite, il est suffisamment motivé, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le préfet fonde en partie sa décision sur les effets induits par l'existence, à proximité, d'un autre projet d'implantation d'éoliennes, qui a été ultérieurement annulé par la cour administrative d'appel de Nantes.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement :
" I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Et aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages avoisinants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Il appartient au juge administratif d'apprécier le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires.
5. Pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la société Éole Beaune-la-Rolande, le préfet du Loiret s'est fondé, d'une part, sur l'atteinte portée par le projet aux perspectives visuelles sur l'église Saint-Martin de Beaune-la-Rolande, monument historique classé, que les mesures d'évitement, de réduction et d'accompagnement proposées par le pétitionnaire n'étaient pas de nature à réduire suffisamment, et, d'autre part, sur l'atteinte au paysage et au cadre de vie des habitants de Beaune-la-Rolande et de ses hameaux d'Orme et de La Pierre Percée, du hameau d'Arconville à Bâtilly-en-Gâtinais, de Saint-Michel, de Montbarrois et de Nancray-sur-Rimarde, du fait des effets cumulés du projet au regard du contexte éolien local.
6. D'une part, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des termes de l'arrêté du 7 décembre 2022 que le préfet du Loiret a, dans un premier temps, relevé l'intérêt patrimonial du site d'implantation projeté, s'étendant sur trois cent soixante hectares, sur le territoire des communes de Beaune-la-Rolande, Batilly-en-Gâtinais, Barville-en-Gâtinais et Montbarrois, et qui est notamment caractérisé par la présence de l'église de Beaune-la-Rolande, constituant un repère remarquable dans un paysage agricole ponctué de bosquets. Le préfet a ensuite évalué, dans un second temps, l'impact des installations envisagées, lié en particulier à leur covisibilité avec la flèche de l'église de Beaune-la-Rolande. Le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit sur ce point doit donc être écarté.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'aire d'implantation des éoliennes dont la construction est projetée se situe au sein de l'unité paysagère des Gâtines de l'ouest, caractérisée par de grandes cultures séparées par des bosquets et des prairies. Comme le mentionne le volet paysager de l'étude d'impact du projet, produit à l'appui de la demande d'autorisation environnementale, quatre-vingt-trois monuments historiques sont recensés à l'intérieur de l'aire d'étude, ainsi que deux sites naturels classés, un site inscrit et six sites patrimoniaux remarquables. L'élément patrimonial le plus proche de l'aire d'implantation envisagé est l'église de Beaune-la-Rolande, monument historique classé depuis le 15 avril 1911, qui se situe à 1,1 kilomètre du projet. Ainsi, comme l'ont également relevé le commissaire-enquêteur, qui a noté que le projet s'inscrivait " dans un contexte local sensible sur le plan patrimonial ", et l'architecte des Bâtiments de France, qui a émis un avis défavorable le 24 novembre 2021 en raison de l'enjeu lié à l'église de Beaune-la-Rolande, dont le clocher, d'une hauteur de trente-quatre mètres, ajouté au dix-neuvième siècle par Viollet-le-Duc, " constitue un marqueur et un repère historique ", le site d'implantation présente un intérêt patrimonial certain. Or, il résulte de l'instruction que les éoliennes envisagées par la société Éole Beaune-la-Rolande, d'une hauteur en bout de pale de cent cinquante mètres, présenteront une covisibilité avec la flèche de l'église précitée, certes modérée depuis le monument lui-même, mais significative depuis plusieurs territoires avoisinants, notamment le hameau du Bois de la Leu, l'éolienne E2 pouvant même se confondre avec ladite flèche. Le préfet du Loiret pouvait par suite, pour ce seul motif tiré de la concurrence visuelle avec un élément patrimonial par ailleurs cité dans le schéma régional éolien comme présentant un enjeu vis-à-vis de l'éolien, refuser de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée par la société Éole Beaune-la-Rolande.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Éole Beaune-la-Rolande n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui accorder une autorisation environnementale pour la création d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Beaune-la-Rolande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la commune de Beaune-la-Rolande n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la société Éole Beaune-la-Rolande est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Éole Beaune-la-Rolande, à la commune de Beaune-la-Rolande et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00723