Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2302479 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Fournier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il maintient ses écritures de première instance.
Un mémoire présenté pour Mme A... a été enregistré le 18 novembre 2024 et n'a pas été communiqué.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bahaj a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante géorgienne née le 21 juin 1999, relève appel du jugement du 16 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 1er décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les textes applicables à la situation de Mme A... et précise les raisons pour lesquelles l'intéressée ne peut bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour, tant sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que sur celui de l'article L. 435-1 de ce code, et est obligée de quitter le territoire français. Ainsi, après avoir indiqué les informations relatives à l'identité de la requérante, sa date alléguée d'entrée en France ainsi que la date et le fondement de sa demande de titre de séjour, l'arrêté litigieux énonce que Mme A... est célibataire, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'elle ne fait valoir aucune circonstance particulière l'empêchant d'y emmener ses enfants avec elle. Il précise encore que le fait d'être parent d'enfants nés en France n'ouvre aucun droit particulier au séjour, que l'intéressée ne justifie d'aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire de nature à permettre sa régularisation, qu'elle a déjà fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français confirmée par le tribunal administratif et qu'elle a troublé, par deux fois, l'ordre public, étant connue du fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires et ayant été condamnée par le tribunal correctionnel de Beauvais à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour vol en réunion. Une telle motivation atteste de la prise en compte, par le préfet, de la naissance et de la présence en France des enfants de Mme A.... A cet égard, la seule circonstance qu'il ne soit pas fait état de la scolarisation de ces derniers, n'est pas de nature à établir le caractère insuffisant de la motivation de l'arrêté contesté, lequel satisfait aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, dès lors que la motivation d'une décision administrative est une exigence purement formelle, Mme A... ne saurait, sous ce moyen, critiquer le bien-fondé des motifs retenus par le préfet du Val-d'Oise.
3. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des termes de l'arrêté attaqué tels qu'ils ont été restitués au point 2, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-d'Oise se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la demande de Mme A....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ", et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France au plus tard le 4 juin 2015, accompagnée de sa mère et de ses deux frères et que son père les a ultérieurement rejoints. La famille a d'abord été prise en charge au titre du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile puis, les demandes déposées par ses deux parents ayant été définitivement rejetées, au titre de l'hébergement d'urgence. Si Mme A... a donné naissance à trois enfants sur le territoire français, les 10 mars 2017, 7 mai 2019 et 11 janvier 2021, elle les élève cependant seule et est célibataire. Si elle avait entamé, en 2018, une scolarité au sein d'un lycée professionnel, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ce cursus aurait abouti à l'obtention d'un diplôme, l'état de grossesse de l'intéressée s'étant par ailleurs avéré " peu compatible avec une activité scolaire quotidienne ". Si Mme A... verse au dossier un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de serveuse, celui-ci n'a toutefois débuté que le 15 mars 2024, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige. Si la requérante soutient que l'intégralité de sa famille réside désormais en France, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que son frère aîné, qui était âgé de vingt-trois ans à la date de la décision attaquée, aurait obtenu ni même demandé un titre de séjour, alors que son père a par ailleurs fait l'objet, le 2 mai 2019, d'une obligation de quitter le territoire français. De plus, si la requérante se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France, seul l'aîné était scolarisé à la date de l'arrêté contesté et il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il existerait des obstacles à ce que sa vie familiale se poursuive en Géorgie et à ce que ses enfants, encore en bas âge, y soient scolarisés. Enfin, il est parfaitement établi, contrairement à ce que soutient l'intéressée, que cette dernière a été condamnée le 12 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Beauvais à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de vol en réunion commis le 19 janvier 2019 et qu'elle a ainsi, comme l'a justement considéré le préfet du Val-d'Oise, troublé l'ordre public. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles le préfet du Val-d'Oise a examiné d'office la demande de titre de séjour de Mme A... : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de procéder, sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, à la régularisation de la situation de Mme A....
8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
9. Si Mme A... soutient que ses enfants n'ont jamais vécu en Géorgie et qu'ils possèdent l'intégralité de leurs repères en France, l'arrêté attaqué n'a toutefois ni pour objet, ni pour effet, de séparer la requérante de ses trois enfants. Il n'est, par ailleurs, pas établi, compte tenu de leur jeune âge et du caractère récent de la scolarité de l'aîné, inscrit en moyenne section à la date de la décision contestée, que les enfants de l'intéressée ne pourraient pas être scolarisés en Géorgie. Par suite, les stipulations citées au point 8 n'ont pas été méconnues.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val d'Oise.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président-assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE01768