Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2303657 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 février 2024, Mme C... épouse E..., représentée par Me Seiller, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte tout en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour attaquée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû lui délivrer un certificat de résidence en qualité de " visiteur " ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il maintient ses écritures de première instance.
Par un courrier du 21 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que Mme C... épouse E... n'ayant soulevé devant le tribunal administratif que des moyens de légalité interne, le moyen relatif à l'absence de motivation de la décision attaquée, qui n'est pas d'ordre public, est fondé sur une cause juridique distincte et constitue une demande nouvelle irrecevable en appel (application de CE, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, n° 9772).
Des observations ont été présentées par Mme C... épouse E... le 25 octobre 2024 en réponse à cette information et ont été communiquées le jour même.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- et les observations de Me Seiller, représentant Mme C... épouse E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse E..., ressortissante algérienne née le 25 septembre 1961 et entrée régulièrement en France le 11 novembre 2020, a sollicité, par une demande dont les services du préfet du Val-d'Oise ont accusé réception le 2 novembre 2021, son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale et en sa qualité d'ascendant de français. Elle fait appel du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme C... épouse E... n'a invoqué devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que des moyens tirés de la légalité interne de la décision contestée. Si elle soutient en appel que cette décision n'est pas motivée, un tel moyen, qui est fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel. Par suite, ce moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " et selon le premier alinéa de l'article R. 432-2 suivant : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. ".
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande de titre de séjour déposée par Mme C... épouse E... en préfecture du Val-d'Oise a été reçue, au plus tard, le 2 novembre 2021. Si le silence gardé par le préfet sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet, au plus tard le 2 mars 2022, il n'est pour autant pas établi que cette autorité se serait abstenue de procéder à l'examen particulier de la situation de la requérante.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord. / a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention "visiteur" (...) ".
6. Si Mme C... épouse E... soutient que le préfet du Val-d'Oise aurait dû lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " visiteur ", il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de sa demande de titre de séjour, qu'elle n'a pas invoqué le bénéfice des stipulations citées au point précédent devant l'autorité administrative. Par suite, et dès lors que le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressée pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement que ceux invoqués dans sa demande, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée régulièrement en France le 11 novembre 2020 pour y rejoindre son mari, qui souffrait alors d'un adénocarcinome de la prostate et était, à ce titre, soigné sur le territoire français. Toutefois, Mme C... épouse E... était présente en France depuis moins de seize mois à la date de la décision attaquée et le certificat de résidence portant la mention " visiteur " octroyé à son mari à compter du 2 juillet 2022, soit postérieurement au refus de séjour contesté, ne lui donne en tout état de cause pas vocation à s'établir durablement sur le territoire. Si l'intéressée se prévaut du caractère indispensable de sa présence aux côtés de son époux, celui-ci ayant par la suite développé une pneumocystose et une neuromyopathie de réanimation, il ressort néanmoins des pièces du dossier, et notamment du livret de famille produit pour la première fois en appel, que ce dernier n'est pas isolé en France ou vivent quatre de leurs cinq enfants. De plus, si Mme C... épouse E... affirme ne plus avoir de famille en Algérie, il est néanmoins établi que son fils D... n'est pas en situation régulière sur le territoire français et que sa fille A... vit quant à elle au Canada. Enfin, si l'intéressée démontre une certaine intégration en France où elle s'occupe régulièrement de ses petits-enfants, effectue du bénévolat et est propriétaire, cette seule circonstance n'est pas, au regard de la durée et des conditions de son séjour telles qu'elles viennent d'être rappelées, de nature à établir une méconnaissance des stipulations citées au point 7.
9. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Ces dispositions, dès lors qu'elles sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme C... épouse E... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet du Val-d'Oise n'a pas, en refusant de procéder à la régularisation de l'intéressée, entaché sa décision de refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que Mme C... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président-assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE00511