Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2305243 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2023, M. D..., représenté par Me Meliodon, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2023 contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de réexaminer sa demande.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, dès lors que le préfet lui a opposé à tort l'absence de visa de long séjour en application des dispositions abrogées de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et alors qu'il remplit toutes les conditions de ce premier article pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'alinéa 2 de cet article, dès lors que le maintien de sa résidence en France, qui s'explique par l'intensité de sa vie privée et familiale en France, lui ouvrait le droit à une carte de résident ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'intensité de sa vie familiale en France ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de ses liens personnels et familiaux en France ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait, dès lors que le préfet présente de manière erronée la consistance de sa vie privée et familiale en France ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, dès lors que ses deux enfants ont besoin de sa présence en France ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait, dès lors que le préfet présente de manière erronée la consistance de sa vie privée et familiale en France ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Tar a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D..., ressortissant marocain né le 16 juillet 1994, est entré en France le 10 août 2016 et a été muni d'un titre de séjour valable jusqu'au 31 août 2019. Le 7 juillet 2022, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 14 mars 2023, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office. M. D... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. M. D... soutient que la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée. Toutefois, l'arrêté litigieux vise l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et énonce que M. D... ne justifie pas de la production du visa long séjour mentionné à l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-1 du code du travail. Cet arrêté précise également que M. D... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'y a pas lieu de lui faire application du pouvoir général de régularisation du préfet. Cet arrêté cite enfin l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les circonstances relevées de sa vie privée et familiale. Aussi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des principes de droit et des circonstances de fait qui fondent la décision contestée. Cette décision est suffisamment motivée.
3. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / (...) ".
4. M. D... soutient que la décision portant refus de séjour aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D... n'a pas présenté de contrat de travail visé par les autorités compétentes au sens des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Dans ces conditions, le préfet pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer le titre de séjour prévu par ces stipulations. Le moyen doit être écarté.
5. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) ". Il résulte des stipulations précitées qu'elles ne s'appliquent qu'aux ressortissants marocains qui se sont vus délivrés un titre de séjour portant la mention " salarié " pendant une durée de trois ans. Dans ces conditions, M. D..., seulement muni d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ", ne peut utilement se prévaloir de sa présence sur le territoire français depuis l'année 2016, pour demander l'application des stipulations de l'alinéa 2 de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain, cité au point 3, prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-marocain ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne peut, s'agissant de l'admission au séjour en tant que salarié, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté comme inopérant.
9. Par ailleurs, s'agissant de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", compte tenu de la durée de son séjour en France, M. D... ne justifie pas de motifs exceptionnels ou que son séjour en France répondrait à des considérations humanitaires. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit également être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". D'autre part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté des ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
11. En l'espèce, M. D..., entré en France sept ans avant l'intervention de l'arrêté lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. a initié une relation avec Mme E... B..., titulaire d'un titre de séjour valable du 23 mai 2018 au 22 mai 2028. Une enfant, A... D..., est née de leur union, le 16 juin 2020. Toutefois, aux termes de la déclaration faite par M. D... et Mme B..., ce n'est qu'à compter du mois de janvier 2023, soit moins de trois mois avant l'intervention de l'arrêté litigieux, que les intéressés ont partagé une vie commune au même domicile. Dans ces conditions, la décision refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le fait que M. D... vivait en concubinage avec Mme B... depuis le mois de janvier 2023. Le moyen tiré de l'erreur de fait résultant de l'absence de prise en compte de ces circonstances doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que celles citées au point 11 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
15. M. D... soutient que la décision contestée méconnaîtrait ces stipulations, dans la mesure où les deux enfants nés de son union avec Mme B... n'ont pas vocation à quitter le territoire français et ont besoin de sa présence en France. Toutefois, à la date de la décision contestée, il n'est attesté par Mme B... que la seule contribution à l'entretien de leur premier enfant par M. D..., consistant en un versement de 150 euros par mois, tandis qu'à cette même date, la durée de vie commune avec Mme B... n'était que de trois mois. Dans ces conditions, le préfet pouvait, sans méconnaître les stipulations précitées, faire obligation de quitter le territoire français à M. D....
16. Pour les mêmes motifs que celles citées au point 12 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de fait, faute de prendre en compte la consistance de la vie privée et familiale de M. D... en France, doit être écarté.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 15 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions doivent par suite être rejetées, y compris celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
G. TARLa présidente,
F. VERSOL
La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23VE02501