Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 12 septembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office et, d'autre part, fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2312093 du 18 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 12 septembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et ordonner qu'il soit mis fin à son signalement dans le système d'information Schengen.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, notamment en fait, dès lors que la description de sa situation personnelle est stéréotypée ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il établit avoir demandé au préfet des Hauts-de-Seine son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il justifie de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa vie privée se situe en France ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il justifie de garanties de représentation ;
- cette décision est disproportionnée au vu des circonstances et de ses conséquences sur sa vie privée ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée en fait, dès lors que cette motivation est stéréotypée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que ses liens avec la France sont anciens ;
- cette décision est disproportionnée, faute de poursuites pénales suite au signalement dont il a fait l'objet.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par le requérant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tar,
- et les observations de Me Calvo Pardo, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant chinois né le 9 juillet 1986, est entré en France le 19 octobre 2010. Son dernier titre de séjour est arrivé à expiration le 31 décembre 2017. Le 11 septembre 2023, il a été interpelé par les services de police pour des faits de conduite sans permis et défaut d'assurance automobile. Par deux arrêtés du 12 septembre 2023, le préfet de police lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office et, d'autre part, fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'il conteste serait insuffisamment motivée. Toutefois, l'arrêté du 12 septembre 2023 par lequel le préfet de police a édicté cette décision vise le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce qu'il était titulaire d'un titre de séjour arrivé à expiration le 31 décembre 2017, qu'il n'a pas sollicité son renouvellement dans les délais mentionnés aux articles R. 431-4 et suivants du même code et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre. Cet arrêté comporte donc l'énoncé des principes de droit et des circonstances de fait qui fondent la décision contestée. Cette décision est suffisamment motivée.
3. M. A... se prévaut de la demande d'admission au séjour qu'il établit avoir déposé le 17 août 2022 pour soutenir que le préfet de police ne pouvait lui faire application des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, une demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas le caractère d'une demande de renouvellement du titre de séjour dont celui-ci bénéficiait jusqu'au 31 décembre 2017. Par ailleurs, à supposer que M. A... justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier une admission exceptionnelle au séjour, une telle admission n'a pas le caractère d'une remise d'un titre de séjour de plein droit. Dans ces conditions, la réception de cette demande par le préfet des Hauts-de-Seine ne fait pas obstacle à la décision contestée.
4. M. A... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire français pour soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, si M. A... affirme être entré en France en 2010, il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans au moins et ne démontre pas y être dépourvu d'attaches personnelles, alors que ses parents résident en Chine. Par ailleurs, célibataire et sans charge de famille, il n'a pas déclaré d'activité professionnelle postérieure au mois d'avril 2015. Dans ces conditions, il ne justifie pas d'une vie privée et familiale en France d'une intensité telle que la décision contestée porterait au respect de cette vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen doit être écarté.
5. M. A... soutient que la décision portant refus de délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il justifierait de garanties de représentation. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. A... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour sans en avoir demandé le renouvellement et entre donc dans l'un des cas où, en vertu des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière. A cet effet, la circonstance qu'il justifie de garanties de représentation, si elle fait obstacle à ce que lui soient appliquées les dispositions du 8° de l'article L. 612-3 du même code, est sans effet sur le fondement légal retenu par l'administration fiscale pour justifier la décision contestée. Le moyen doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
8. Il appartenait au préfet de police, qui n'a accordé aucun délai de départ volontaire à M. A..., d'assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont la durée ne pouvait excéder trois ans. Toutefois, compte tenu du fait que M. A... produit des pièces attestant de sa présence en France depuis l'année 2011 et de la circonstance que le préfet de police ne fait état dans son arrêté d'aucune mesure d'éloignement précédente, alors même que M. A... a été interpellé le 11 septembre 2023 pour des faits de conduite sans permis et de défaut d'assurance, celui-ci est fondé à soutenir qu'en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police a entaché cette décision d'une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation administrative de M. A....
11. En revanche, l'annulation de l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. A... implique nécessairement l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 12 septembre 2023 par laquelle le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 2312093 du 18 octobre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme C..., présidente- assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
G. TARLa présidente,
F. VERSOL
La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02470