Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté de communes du Val-de-Sully à lui verser, après liquidation de sa créance, une somme égale à la différence entre la rémunération légale et la rémunération qu'il a effectivement perçue entre 2005 et le 31 août 2019 ou, à défaut, une somme au moins égale à 25 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du calcul de sa rémunération.
Par un jugement n° 2000769 du 5 avril 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2022, M. A..., représenté par Me Lavisse, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle la présidente de la communauté de communes du Val-de-Sully a refusé de régulariser sa situation et de lui verser les arriérés salariaux demandés ;
3°) de condamner la communauté de communes du Val-de-Sully à lui verser, après liquidation de sa créance, une somme égale à la différence entre, d'une part, la rémunération à laquelle il pouvait légalement prétendre entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2019 et, d'autre part, celle qu'il a effectivement perçue ou, à défaut, la somme de 30 000 euros, le tout étant assorti des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'annualisation de son temps de travail ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Val-de-Sully la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 3 750 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que le statut particulier du cadre d'emploi des assistants territoriaux d'enseignement artistique aurait dû lui être appliqué d'office ; en tout état de cause, l'intention de la communauté de communes de l'y soumettre est établie ; il en résulte que son temps de travail ne pouvait être annualisé ;
- la décision portant rejet de sa demande préalable est entachée d'une erreur de droit ;
- les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 font obstacle à ce que la prescription quadriennale lui soit opposée dès lors qu'il ignorait l'existence de sa créance jusqu'à l'annonce en comité technique de sa régularisation ;
- la communauté de communes du Val de Sully a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en procédant à l'annualisation de son temps de travail entre 2005 et 2019 ;
- le préjudice moral et financier qu'il subit correspond à la différence entre la rémunération à laquelle il pouvait légalement prétendre et celle qu'il a effectivement perçue entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2019 ; n'étant pas en mesure d'évaluer lui-même son préjudice, il devra être enjoint à la communauté de communes d'y procéder sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
- il a droit aux intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019, date de sa demande préalable.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2022, la communauté de communes du Val-de-Sully, représentée par Me Rainaud, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen, soulevé à l'encontre de la décision du 20 décembre 2019, tiré de ce qu'en vertu de l'article 2 du décret du 29 mars 2012 il ne pouvait être procédé à l'annualisation du temps de travail de l'appelant, est inopérant, dès lors que ce dernier, qui a été recruté en tant qu'agent non titulaire, n'a donc pas la qualité de fonctionnaire ;
- à titre principal, elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, dès lors qu'il pouvait être régulièrement procédé à l'annualisation du temps de travail de M. A... ; à titre subsidiaire, la créance dont se prévaut l'appelant au titre des années 2005 à 2014 était prescrite à la date de sa demande préalable, le 17 décembre 2019, en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Picard, pour la communauté de communes du Val-de-Sully.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par la communauté de communes " Val-d'Or-et-Forêt " à compter du 1er septembre 2005, en qualité d'agent contractuel à temps non complet, afin d'enseigner le violon et la formation musicale au sein des écoles de musique de l'établissement de coopération intercommunale. Son contrat a été renouvelé à six reprises avant d'être transformé, à la date du 13 mars 2012, en contrat à durée indéterminée. Le contrat à durée indéterminée de l'intéressé a fait l'objet de plusieurs avenants ayant pour objet la modification de son temps de travail. A la suite de l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2019, de l'avenant n° 11 à son contrat de travail, M. A... a constaté une augmentation de sa rémunération. Il a alors sollicité de son employeur, devenu la communauté de communes du Val-de-Sully, par un courrier du 17 décembre 2019, le règlement des arriérés de rémunération auxquels il estimait pouvoir prétendre en application du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet de la présidente de l'établissement public le 20 décembre suivant. M. A... fait appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté de communes du Val-de-Sully soit condamnée à lui verser les rémunérations impayées qu'il estime lui être dues au titre des années 2005 à 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit et d'appréciation commises, selon lui, par les juges de première instance.
Au fond :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par la communauté de communes :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) //// Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...) ", et selon l'article 3 suivant : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...), ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ". Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 cité ci-dessus, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés.
4. M. A..., qui se borne à se prévaloir de l'ignorance juridique dans laquelle il se trouvait jusqu'à la réunion du comité technique du 14 octobre 2019, ne saurait être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968. Par suite, le délai de prescription ayant commencé à courir en l'espèce le 1er janvier 2006, la créance détenue par l'intéressé était prescrite pour les services accomplis entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2014, à la date à laquelle il en a demandé le paiement à son administration.
En ce qui concerne le principe de la créance :
5. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 11 du décret du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée hebdomadaire de service des agents territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet est fixée par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement sur la base de la durée afférente à un emploi à temps complet résultant des dispositions de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, auquel il est ainsi renvoyé : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) ".
6. D'autre part, selon l'article 7 du décret précité du 12 juillet 2001 : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emplois. ". L'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique, reprenant les dispositions de l'ancien article 2 du décret du 2 septembre 1991 ayant le même objet, place ces personnels sous un régime d'obligations de service, en fixant à 20 heures par semaine leur durée de travail lorsqu'ils sont employés à temps plein.
7. Les dispositions citées au point 6, qui prévoient que les assistants territoriaux d'enseignement artistique sont soumis à un régime d'obligations de service, font obstacle à ce que la collectivité territoriale qui les emploie leur applique les textes pris pour la mise en œuvre, dans la fonction publique territoriale, de la réduction de la durée du travail et de l'annualisation du temps de travail.
8. En premier lieu, si M. A... ne relevait pas de plein droit, en tant qu'agent contractuel, du statut particulier issu du décret du 29 mars 2012, aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait toutefois obstacle à ce que la communauté de communes du Val-de-Sully décide de l'y soumettre. A cet égard, alors que l'ensemble des arrêtés portant recrutement de l'agent depuis le 1er septembre 2005, son contrat à durée indéterminée signé le 7 mai 2012 et tous les avenants versés au dossier jusqu'à l'avenant n° 11, expriment la durée de travail hebdomadaire de l'intéressé en 20èmes, les avenants précités visent également explicitement le décret du 29 mars 2012. Il en résulte que la communauté de communes a entendu, et ce dès son recrutement, soumettre M. A... aux dispositions du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique.
9. En second lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le nombre d'heures annuelles effectuées par l'intéressé ainsi que, par suite, sa quotité de travail et sa rémunération, la communauté de communes a multiplié le nombre d'heures hebdomadaires résultant de son contrat de travail par 35 semaines seulement, au lieu de les multiplier par 52 semaines, en application du régime d'obligations de service résultant du décret du 29 mars 2012 fixant à 1040 heures le temps plein annuel des assistants territoriaux d'enseignement artistique. M. A... est, par suite, fondé à soutenir qu'en refusant de lui reverser, pour les services non prescrits accomplis entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2019, les rémunérations impayées auxquelles il avait droit en application du régime d'obligations de service de 20 heures, la présidente de la communauté de communes a entaché sa décision d'une erreur de droit.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur les services accomplis entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2019.
En ce qui concerne le quantum de la créance :
11. L'état de l'instruction ne permet pas à la cour de déterminer le montant exact des rémunérations que M. A... aurait dû percevoir entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2019. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour le calcul des rémunérations qui lui sont dues au titre de cette période. Il appartiendra à la communauté de communes du Val-de-Sully de procéder à la liquidation de ces sommes selon les modalités précisées au point 9 avant de les reverser à M. A....
Sur les intérêts :
12. Les sommes auxquelles M. A... peut prétendre en application de ce qui a été dit au point 9 porteront, ainsi qu'il le demande, intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019, date à laquelle sa demande préalable a été reçue, au plus tard, par l'administration.
Sur les frais liés à la première instance et à l'instance d'appel :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante en appel, une somme quelconque au titre des frais exposés par la communauté de communes du Val-de-Sully et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Val-de-Sully une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par ce dernier en première instance et en appel.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000769 du 5 avril 2022 du tribunal administratif d'Orléans et la décision du 20 décembre 2019 de la présidente de la communauté de communes du Val-de-Sully sont annulés.
Article 2 : La communauté de communes du Val-de-Sully est condamnée à verser à M. A... les rémunérations impayées auxquelles il avait droit en application du régime d'obligations de service de 20 heures pour les services accomplis entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2019.
Article 3 : M. A... est renvoyé devant l'administration pour le calcul du rappel de rémunérations auquel il peut prétendre au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2019.
Article 4 : La somme indiquée à l'article 3 portera intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019.
Article 5 : La communauté de communes du Val-de-Sully versera à M. A... la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la communauté de communes du Val-de-Sully.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
- M. Camenen, président assesseur,
- Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22VE01370