Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2201258 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Pieranti, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour " travailleur temporaire " dans un délai de deux semaines à compter de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux semaines suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'admission au séjour :
- l'arrêté attaqué est dépourvu de base légale ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision n'est pas motivée ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête en maintenant ses écritures de première instance.
Par lettre du 12 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale dès lors que la décision attaquée a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Des observations pour M. B... en réponse au moyen d'ordre public ont été enregistrées le 15 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre ;
- et les observations de Me Pieranti, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant sénégalais né en juillet 1985 entré en France, selon ses déclarations, en janvier 2010. En 2016, il a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 13 septembre 2017 mention " travailleur temporaire " régulièrement renouvelée jusqu'au 19 novembre 2020. Le 4 décembre 2020, M. B... en a demandé, une nouvelle fois, le renouvellement. Le 12 janvier 2022, le préfet du Val-d'Oise a, par arrêté, rejeté cette demande. Le préfet a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté. Par jugement n° 2201258 du 10 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant signé le 25 février 2008 : " La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. ".
3. En premier lieu, si le préfet s'est à tort fondé sur les seules dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision attaquée trouve cependant son fondement légal dans les stipulations précitées du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 421-3, dès lors qu'elles sont équivalentes au regard des garanties qu'elles prévoient et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes. Il y a donc lieu de procéder à cette substitution de base légale.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention " travailleur temporaire ", M. B... n'a pas produit le contrat de travail visé par l'autorité compétente exigé par les stipulations citées au point 2 et n'a pas davantage produit cette pièce en réponse à la demande des services préfectoraux du 9 février 2021. Par suite, le préfet n'a pas, en rejetant la demande de M. B..., procédé à une inexacte application des stipulations du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié en rejetant la demande de M. B..., la circonstance que M. B... a signé un nouveau contrat de travail le 1er octobre 2021 avec la société PPE et le fait que M. B... travaille depuis de manière ininterrompue avec cette société demeurant sans influence sur la légalité de la décision contestée dès lors que ce contrat puis le suivant conclu le 2 décembre 2021 n'ont pas été visés par l'administration compétente et que ces documents n'ont pas été transmis par M. B... aux services du préfet avant que la décision litigieuse n'intervienne.
5. En troisième et dernier lieu, M. B... était, à la date de l'arrêté attaqué, célibataire et sans enfants. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors même qu'il serait entré en France en janvier 2010 et a séjourné régulièrement sur le territoire national du 13 septembre 2017 au 19 novembre 2020 sous couvert de cartes de séjour temporaire mention " travailleur temporaire ", qu'il parle parfaitement le français et serait pleinement intégré. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
6. L'arrêté attaqué ne comporte pas l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider d'obliger M. B... à quitter, dans le délai de trente jours, le territoire français. Ce moyen, nouveau en appel, mais qui repose sur la même cause juridique que le moyen soulevé en première instance et tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, est de nature à entraîner l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire mention " travailleur temporaire " mais seulement de procéder, dans un délai de deux mois, à un nouvel examen de la situation de M. B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 12 janvier 2022 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder, dans le délai de deux mois, à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation de M. B....
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement n° 2201258 du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet du Val d'Oise et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. Pilven Le président-rapporteur,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02748002