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03/12/2024 | FRANCE | N°22VE02681

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 03 décembre 2024, 22VE02681


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles :



1°) d'annuler la décision du 8 avril 2021 par laquelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines l'a affectée à la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique en qualité de " chargée du traitement des données scientifiques " à compter du 12 avril 2021 ;



2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2021 par laq

uelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines l'a affectée à la direction des bibli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles :

1°) d'annuler la décision du 8 avril 2021 par laquelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines l'a affectée à la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique en qualité de " chargée du traitement des données scientifiques " à compter du 12 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2021 par laquelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines l'a affectée à la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique en qualité de " responsable de l'administration et du pilotage " à compter du 27 septembre 2021 ;

3°) d'imputer au service ses arrêts de travail de l'année 2021 et de régulariser son traitement ;

4°) d'annuler la décision par laquelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

5°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui proposer une affectation sur un poste et des missions correspondant effectivement à son statut d'ingénieur de recherche, au sein de la branche d'activité " gestion et pilotage ", dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) d'enjoindre au président de l'université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de régulariser sa rémunération en lui versant l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) attribuée à tous les ingénieurs de recherche de 2ème classe et diverses indemnités, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

7°) de condamner l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines à lui verser la somme de 75 000 euros en indemnisation des préjudices subis ;

8°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de faire cesser tous les agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

9°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

10°) de mettre à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines une somme de 3 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2104027 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du 8 avril 2021 et du 23 septembre 2021, ainsi que la décision de ne pas verser à Mme C..., à compter du 12 avril 2021, le montant de l'IFSE versé aux ingénieurs de recherche de 2ème classe, soit 528 euros bruts, a enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines d'affecter Mme C... sur un poste dont les missions correspondent effectivement à son grade ainsi que de régulariser le montant de l'IFSE qui lui a été versé à compter du 12 avril 2021, a mis à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

I. Par des mémoires, enregistrés les 28 novembre 2022, 3 août 2023, 29 juillet et 16 novembre 2024 sous le n° 22VE02681, Mme B... C..., représentée par Me Carriere, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) de confirmer ce jugement en ce qu'il a annulé les décisions du 8 avril 2021 et du 23 septembre 2021 et en ce qu'il a enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de la réaffecter sur un poste conforme à son grade et de régulariser le montant de son IFSE ;

2°) d'infirmer ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

3°) de déclarer illégale la décision du 21 juillet 2021 par laquelle le président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladies et d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de prendre cette décision de reconnaissance ;

4°) d'annuler la décision du 17 juin 2022 rejetant sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui en accorder le bénéfice ;

5°) de reconnaître l'existence d'agissement répétés de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines constitutifs de harcèlement moral et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 75 000 euros au titre des préjudices subis ;

6°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de mettre un terme aux agissements constitutifs de harcèlement moral sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard ;

7°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui accorder le bénéfice de l'IFSE à un montant conforme à la décision du conseil d'administration du 24 mai 2022 sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

8°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui transmettre l'arrêté ministériel relatif au régime indemnitaire de l'IFSE en application des délibérations du 24 mai 2022 du conseil d'administration de l'établissement, l'arrêté individuel concernant sa prime IFSE au titre de l'année 2022 ainsi que les éléments permettant la reconstitution de sa carrière ;

9°) de mettre à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 3 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit au versement d'une prime IFSE d'un montant minimal de 680 euros à compter du 1er janvier 2021, en application de la délibération du 24 mai 2022 qui est rétroactive ;

- elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur, qui doit donner lieu à indemnisation et au bénéfice de la protection fonctionnelle ; elle a formé une demande indemnitaire le 4 août 2023 auprès de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ;

- ses arrêts maladies doivent être jugés comme imputables au service, dès lors que l'état dépressif qu'elle connaît est directement causé par sa rétrogradation ;

- elle a fait l'objet d'une sanction pécuniaire irrégulière, dès lors qu'elle n'a touché ni de complément indemnitaire annuel depuis 2017, ni de prime d'intéressement ;

- elle a également fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre du régime indiciaire, puisque son avancement a été empêché ; à ce titre, la cour doit enjoindre à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de fournir les éléments permettant la reconstitution de sa carrière ;

- le préjudice lié à sa rétrogradation professionnelle, son isolement, le mépris dont son administration a fait preuve en ce qui concerne sa situation professionnelle, l'atteinte portée à son évolution professionnelle, ainsi qu'à son état de santé doivent être réparés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet et 17 octobre 2023, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, représentée par Me Jourdan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les affectations du 8 avril et du 23 septembre 2021 correspondent aux qualifications et au grade de Mme C... ;

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à la régularisation de sa prime IFSE dès lors que celle-ci est intervenue lors de la paie de novembre 2022 ;

- les conclusions de Mme C... tendant à la revalorisation de sa prime IFSE sont irrecevables car nouvelles ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par courrier du 13 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de rejeter d'office comme nouvelles en appel les conclusions de Mme C... tendant au versement du complément indemnitaire annuel ainsi que ses conclusions indemnitaires relatives aux frais de justice induits par les contentieux l'ayant opposé à l'université, à l'absence d'avancement en qualité d'IGR de première classe, à l'absence de publication de certains postes auxquels elle aurait pu postuler et à son affectation dans des postes ne correspondant pas à son grade.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 novembre 2022 et le 17 octobre 2023, sous le n° 22VE02682, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, représentée par Me Jourdan, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 6 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 2021 sont irrecevables car tardives ;

- en tout état de cause, la décision du 23 septembre 2021 est régulière, dès lors que le poste auquel est affecté Mme C... correspond à son grade d'ingénieur de recherche ;

- le montant de l'IFSE attribué à Mme C... s'explique par son changement d'activité et le fait qu'elle n'a participé à aucun projet pour l'université.

Par des mémoires, enregistrés les 3 août 2023, 29 juillet et 16 novembre 2024, Mme C..., représentée par Me Carriere, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de ses arrêts maladies ;

3°) d'annuler la décision du 17 juin 2022 rejetant sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui en accorder le bénéfice ;

4°) de reconnaître l'existence d'agissements répétés de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines constitutifs de harcèlement moral et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 75 000 euros au titre des préjudices subis ;

5°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de mettre un terme aux agissements de harcèlement moral ;

6°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui accorder le bénéfice de l'IFSE à un montant conforme à la décision du conseil d'administration du 24 mai 2022 ;

7°) d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui transmettre l'arrêté ministériel relatif au régime indemnitaire de l'IFSE pris en application des délibérations du 24 mai 2022, l'arrêté individuel du conseil d'administration de l'établissement concernant sa prime IFSE au titre de l'année 2022 ainsi que les éléments permettant la reconstitution de sa carrière ;

8°) de mettre à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne le versement de l'IFSE, le moyen tiré du non-lieu à statuer est infondé, dans la mesure où le montant de son IFSE n'est pas le même que celui versé aux ingénieurs de recherche de deuxième classe ;

- les moyens soulevés par l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ne sont pas fondés ; elle a formé une demande indemnitaire le 4 août 2023 auprès de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ;

- elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur, qui doit donner lieu à indemnisation et au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- ses arrêts maladies doivent être jugés comme imputables au service, dès lors que l'état dépressif qu'elle connaît est directement causé par sa rétrogradation ;

- elle a fait l'objet d'une sanction pécuniaire irrégulière dès lors qu'elle n'a pas touché de complément indemnitaire annuel depuis 2017, ni de prime d'intéressement ;

- elle a également fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre du régime indiciaire, puisque son avancement a été empêché ; à ce titre, la cour doit enjoindre à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de fournir les éléments permettant la reconstitution de sa carrière ;

- le préjudice lié à sa rétrogradation professionnelle, son isolement, le mépris dont son administration a fait preuve en ce qui concerne sa situation professionnelle, l'atteinte portée à son évolution professionnelle, ainsi qu'à son état de santé doivent être réparés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2104039 du 3 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrêté du 24 mars 2017 pris pour l'application à certains corps d'ingénieurs de recherche des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations Me Jourdan pour l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... a été recrutée en 2008 par l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. A partir du mois de mai 2017, elle a été affectée dans cette université en qualité de chargée de mission auprès du directeur général des services. En décembre 2018, elle est devenue ingénieure de recherche après sa réussite au concours externe. Par décision du 8 avril 2021, elle a été affectée en qualité de chargée de traitement des données scientifiques à la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique à compter du 12 avril 2021. Sur recours de Mme C..., et par ordonnance n° 2104039 du 3 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu l'exécution de cette décision au motif que le poste auquel était affectée Mme C... ne correspondait pas à son statut et à ses compétences et a enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de procéder à la réaffectation, à titre provisoire, de Mme C... sur un emploi conforme à son statut et à son grade. En exécution de cette injonction, ce président a, par une décision du 23 septembre 2021, affecté Mme C... sur un poste de " responsable de l'administration et du pilotage " au sein de la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique. Mme C... a formé un recours devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation des décisions du 8 avril 2021 et du 23 septembre 2021, à ce que ses congés maladie de l'année 2021 soient déclarés imputables au service, à l'annulation du refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle est victime, à ce qu'il soit enjoint à l'université de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines de l'affecter sur un poste correspondant à son grade, de régulariser le montant de sa prime IFSE et de faire cesser tous les agissements de harcèlement moral à son encontre. Par un jugement n° 2104027 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du 8 avril 2021 et du 23 septembre 2021, ainsi que la décision de ne pas verser à Mme C..., à compter du 12 avril 2021, le montant de l'IFSE versé aux ingénieurs de recherche de deuxième classe, a enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines d'affecter Mme C... sur un poste dont les missions correspondent effectivement à son grade ainsi que de régulariser le montant de l'IFSE qui lui est versé à compter du 12 avril 2021, a mis à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de Mme C.... Par la requête n° 22VE02682, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines fait appel de ce jugement en ce qu'il a fait droit à certaines des conclusions de Mme C.... Par la requête n° 22VE022681, cette dernière fait appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et sollicite en outre qu'il soit enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de lui transmettre l'arrêté ministériel relatif au régime indemnitaire de l'IFSE, l'arrêté individuel concernant sa prime IFSE au titre de l'année 2022, ainsi que les éléments permettant la reconstitution de sa carrière. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il est constant que la décision du 23 septembre 2021 ne comportait pas mention des voies et délais de recours. Si l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines fait valoir que Mme C... avait nécessairement connaissance acquise de cette décision à la date à laquelle elle a formé un référé à son encontre, soit le 29 octobre 2021, la connaissance acquise d'une telle décision se distingue de celles des voies et délais de recours. Par suite, l'introduction de ce référé, présenté sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, n'a pu avoir eu pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de Mme C.... L'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en ce qu'il a admis la recevabilité des conclusions d'annulation de Mme C... dirigées à l'encontre de la décision du 23 septembre 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la légalité de la décision du 23 septembre 2021 :

3. L'article 1er du décret du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur énonce que les ingénieurs et personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur sont des fonctionnaires régis par les dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat. En vertu de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. (...) ". Aux termes de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. ".

4. Aux termes de l'article 8 du décret du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur : " Les ingénieurs et les personnels techniques de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur sont répartis en cinq corps : le corps des ingénieurs de recherche, le corps des ingénieurs d'études (...) ". L'article 11 du même décret énonce que : " Les ingénieurs de recherche participent à la mise en œuvre des activités de recherche, de formation, de gestion, de diffusion des connaissances et de valorisation de l'information scientifique et technique incombant aux établissements où ils exercent. / Ils sont chargés de fonctions d'orientation, d'animation et de coordination dans les domaines techniques ou, le cas échéant administratifs, et ils concourent à l'accomplissement des missions d'enseignement. A ce titre, ils peuvent être chargés de toute étude ou mission spéciale, ou générale. / Ils peuvent assumer des responsabilités d'encadrement, principalement à l'égard de personnels techniques. ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Les ingénieurs d'études contribuent à l'élaboration, à la mise au point et au développement des techniques et méthodes mises en œuvre dans les établissements où ils exercent, ainsi qu'à l'organisation de leur application et à l'amélioration de leurs résultats. Ils concourent à l'accomplissement des missions d'enseignement. / Ils peuvent exercer des fonctions d'administration et assumer des responsabilités d'encadrement, principalement à l'égard de personnels techniques. ". L'article 9 du même décret énonce que : " Les emplois dans lesquels sont nommés les fonctionnaires appartenant à chacun des corps mentionnés à l'article précédent sont répartis dans la nomenclature des branches d'activité professionnelle. Pour chaque branche d'activité professionnelle, sont définis des emplois types dont chacun correspond à un ensemble de situations de travail que rapprochent l'activité exercée et les compétences exigées. La liste de ces branches ainsi que les listes des emplois types correspondant à chacune de ces branches sont fixées pour chaque corps, après avis du comité technique ministériel, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'enseignement supérieur, du ministre chargé de la recherche, du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la fonction publique et des ministres chargés de la tutelle des établissements publics scientifiques et technologiques. ". Selon l'article 126 du même décret : " Les concours externes et internes d'accès aux différents corps régis par le présent décret (...) sont organisés par branche d'activité professionnelle et emplois types définis conformément aux dispositions des articles 9 et 74 ci-dessus. Toutefois les concours internes peuvent être organisés par branche d'activité professionnelle ou par regroupement de branches d'activité professionnelle (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 23 septembre 2021, Mme C... a été affectée sur un poste de " responsable de l'administration et du pilotage " au sein de la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique. Selon la fiche de poste qui a été annexée à la décision du 23 septembre 2021, un tel poste est destiné aux ingénieurs de recherche et relève de l'emploi " responsable de l'administration et du pilotage " du référentiel prévu par l'article 9 du décret du 31 décembre 1985 précité. Cette fiche de poste définit cinq missions, à savoir " assurer auprès du directeur et en coordination avec les différents pôles de la DBIST la réalisation et le suivi de tous les outils de pilotage nécessaires au service ", " assurer la mise en œuvre de services pour la valorisation de la production scientifique de l'UVSQ en lien avec les missions Bibliométrie et Science ouverte du Pôle recherche ", " assurer le développement de la Science ouverte en liaison avec la politique globale de l'établissement ", " assurer une veille stratégique, identifier et proposer des pistes nouvelles, assurer une veille sur les sources potentielles de financement et les évolutions réglementaires ", " assurer la mise en œuvre de services liés aux données de la recherche " et " participer aux projets liés aux données de la recherche (plans de gestion des données) ". La directrice de la bibliothèque et de l'information scientifique et technique de l'université a complété, le 28 septembre 2021, cette fiche de poste en y ajoutant deux autres missions, l'une consistant à " préparer et animer des séances de formations documentaires à destination de tous publics ", à " préparer ou participer à la préparation des supports, contenus et déroulés des formations " et à " se former et réaliser la veille nécessaire pour réaliser les formations ", et l'autre à " participer aux actions de service public de la BU ". De telles missions ne correspondent pas avec celles énumérées par la fiche d'emploi-type du poste de " responsable d'administration et de pilotage " " du référentiel précité qui sont l'élaboration de stratégies, la planification des activités de la direction, le management d'une structure, le pilotage de projets d'évolution technique ou organisationnelle de la structure, l'audit, le suivi et l'analyse des tableaux de bord, le pilotage de la gestion des formations ou de la scolarité, la définition et la conduite de politiques des achats ou d'une politique de communication, la veille stratégique afin d'identifier et de proposer des pistes nouvelles ou encore la négociation des contrats, les métiers se rattachant à un tel emploi étant ceux de directeur des affaires générales ou de directeur des systèmes d'information. Par ailleurs, les missions de la fiche de poste de Mme C... sont très proches de celles de l'affectation du 8 avril 2021, dont l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ne conteste plus qu'elles ne correspondent pas à celles d'un emploi d'ingénieur de recherche. Si cette université produit un organigramme où Mme C... apparaît à la direction des affaires générales comme responsable de l'administration et du pilotage, ce document, daté d'avril 2022, a été établi pour les besoins de la cause et n'est en tout état de cause pas de nature, à lui seul, à infirmer l'inadéquation des missions de sa fiche de poste à un emploi d'ingénieur de recherche.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir qu'en dépit de son intitulé, le poste sur lequel elle a été affectée à compter du 27 septembre 2021 ne correspond pas, par son contenu, à un emploi d'ingénieur de recherche que son grade lui donne vocation à occuper. Par suite, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 23 septembre 2021.

S'agissant du versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) :

7. Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. / Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel. ". Selon l'article 3 de ce même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : / 1° En cas de changement de fonctions (...) ". L'article 2 de l'arrêté du 24 mai 2017 pris pour l'application à certains corps d'ingénieurs de recherche des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat fixe les plafonds annuels afférents aux groupes de fonctions mentionnés à l'article 2 du décret du 20 mai 2014, soit 35 700 euros pour le groupe 1, 32 300 euros pour le groupe 2 et 29 750 euros pour le groupe 3. L'article 4 du même arrêté fixe le montant minimal annuel de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise pour les ingénieurs de recherche de 2ème classe à 3 000 euros. Il ressort des pièces du dossier qu'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant de 528 euros bruts par mois était versée aux ingénieurs de recherche de 2ème classe à partir de 2020.

8. Il ressort des bulletins de paie versés aux débats que Mme C..., qui percevait l'IFSE d'un montant de 528 euros bruts en janvier, février et mars 2021, n'a plus perçu cette indemnité entre les mois d'avril et d'août 2021. En septembre 2021, elle a perçu une indemnité de 157,33 euros bruts et un rappel négatif de 325 euros. Par la suite, Mme C... a touché un montant d'IFSE de 157,33 euros d'octobre 2021 à mars 2022 et de 250 euros d'avril à novembre 2022, outre des rappels intervenus en janvier et avril 2022. Malgré les rappels positifs de traitements dont a bénéficié Mme C..., notamment sur sa fiche de paie de novembre 2022, le montant global d'IFSE qui lui a été attribué de janvier 2021 à novembre 2022 reste inférieur à celui qu'elle aurait dû toucher sur la base d'un IFSE mensuel de 528 euros. Par suite, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... au titre de l'IFSE du fait de la régularisation de sa situation.

9. L'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines soutient que Mme C... n'est pas fondée à solliciter à son bénéfice le versement de l'IFSE, dès lors que la délibération du comité technique du 11 septembre 2017 et celle du conseil d'administration du 10 décembre 2020 auraient posé le principe selon lequel cette prime serait accordée en fonction de l'implication dans des projets. Toutefois, ces délibérations concernent la prime d'intéressement, et non l'IFSE, dont le versement n'est pas subordonné à la participation à des projets.

10. Mme C... soutient que le montant d'IFSE qui aurait dû lui être versé a été révisé en application d'une délibération du 24 mai 2022 du conseil d'administration de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines dont l'application rétroactive au 1er janvier 2021 était prévue. Contrairement à ce que soutient l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, de telles conclusions, déjà présentées dans des mémoires de première instance enregistrés en juin 2022, ne sont pas nouvelles en appel. Si la délibération du 24 mai 2022 a relevé le montant minimal de cette prime pour les ingénieurs de recherche, elle ne mentionne aucune application rétroactive et n'a été affichée que le 10 juin 2022. Par suite, elle ne peut être considérée comme étant entrée en vigueur avant cette date, peu important que, par un courriel du 25 mai 2022, le directeur de l'université ait annoncé que le nouveau régime indemnitaire serait mis en place à compter de juillet 2022, avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2021 pour les bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé de l'enseignement supérieur.

11. Le tableau de cotation annexé à la délibération du 24 mai 2022 prévoit, pour le poste de responsable de l'administration et de pilotage, trois cotations différentes, sans qu'il soit possible de déterminer laquelle devrait s'appliquer au poste de Mme C.... Par suite, il y a lieu d'appliquer la cotation la moins élevée, correspondant à une IFSE de 540 euros, à compter de juillet 2022.

12. Par suite, le tribunal administratif de Versailles était fondé à annuler la décision de ne pas verser à Mme C..., à compter du 12 avril 2021, le montant de l'IFSE versé aux ingénieurs de recherche de deuxième classe.

S'agissant du versement des autres primes :

13. En premier lieu, les conclusions de Mme C... tendant au versement du complément indemnitaire annuel sont nouvelles en appel et donc irrecevables à ce titre.

14. En second lieu, si Mme C... sollicite le versement à son profit de la prime d'intéressement, il ressort des pièces du dossier que ce versement est conditionné à la participation à un projet, condition que Mme C... ne démontre pas remplir. Les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent en conséquence être rejetées.

S'agissant du refus d'accorder la protection fonctionnelle à Mme C... et de la situation de harcèlement moral alléguée :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

16. Aux termes du I de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. ". Le IV du même article, dans sa rédaction alors en vigueur, précise que : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

17. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

18. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 octobre 2021, Mme C... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des agissements de harcèlement moral dont elle s'estimait victime. Le silence gardé par le président de l'université de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines a fait naître une décision implicite de rejet, à laquelle s'est substituée une décision expresse de rejet, le 17 juin 2022.

19. A la suite de cette demande de protection fonctionnelle, une commission a été désignée pour diligenter une enquête administrative interne. Mme C... n'établit pas que cette commission aurait fait preuve de partialité du seul fait qu'y siégeaient un agent de la direction des affaires juridiques de l'université, qui est le service chargé de défendre l'université dans le cadre du présent contentieux, sans qu'il ne soit établi, ni même allégué que la personne siégeant au sein de la commission d'enquête aurait été chargée de la défense de l'université dans le cadre de la présente instance. La circonstance que l'autre membre de cette commission, enseignant-chercheur, aurait exercé les fonctions de vice-président chargé de la stratégie de l'université entre 2016 et 2020 ne démontre pas non plus la partialité de cette commission, alors qu'il ressort des procès-verbaux d'audition et du rapport produits que Mme C... a été longuement entendue et que ses arguments ont été pris en compte.

20. Mme C... soutient que sa fiche de poste en qualité de " chargée de mission " au sein de la direction générale des services de l'université en mai 2017 ne correspondait pas à des missions effectives, qu'elle a été " placardisée " dans cet emploi dans un bureau à Guyancourt, alors que les bureaux de la direction générale des services étaient situés à Versailles, qu'on lui a refusé l'impression de cartes de visite à son nom au motif que le poste de chargée de mission ne figurait pas dans l'organigramme de l'université, que ses congés n'ont pas été validés avant l'année 2019, que ses affectations à compter du 12 avril 2021 ne correspondaient pas à des emplois que son grade lui donne vocation à occuper, que l'IFSE ne lui a pas été versée entre janvier et septembre 2021 et qu'elle lui est versée aujourd'hui avec un montant inférieur à celui attribué aux autres agents de son grade, qu'elle a été privée du bénéfice de certaines indemnités, qu'elle n'a pas été proposée pour l'avancement à la " hors classe " des ingénieurs de recherche depuis 2018, que ses arrêts maladie n'ont pas été reconnus imputables au service et qu'en conséquence, ses conditions de travail ont été dégradées. Il est constant par ailleurs qu'elle a été placée en congé de maladie à compter d'avril 2021 pour état dépressif. Par ces éléments, Mme C... soumet des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre au sens des principes rappelés au point précédent.

21. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de la commission d'enquête, que Mme C... avait interpelé en janvier 2017 le directeur général des services, M. A..., afin qu'il soit mis fin à la " placardisation " qu'elle estimait subir de la part de sa supérieure hiérarchique de l'époque, Mme D.... Toutefois, cette " placardisation " n'est pas corroborée par les pièces du dossier, dès lors que Mme D... avait rédigé un rapport d'aptitude professionnel élogieux concernant Mme C... le 27 juin 2016. Alors que le directeur général des services a entrepris des démarches afin d'accéder à sa demande de mutation, Mme C... a refusé de se rendre à un rendez-vous sollicité par la directrice des ressources humaines le 27 mars 2017 au motif que cette dernière aurait " manifestement des difficultés à appréhender (ses) compétences ", refus dans lequel elle a persévéré malgré plusieurs mails du directeur général des services et du directeur de l'université insistant pour qu'elle honore ce rendez-vous. L'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ne lui en a pas moins proposé un poste de " chargée de mission auprès de la direction générale des services " mais, aussitôt que la fiche de poste lui a été envoyée, Mme C... a fait savoir au directeur général des services, par courriel du 26 avril 2017, qu'elle considérait cette fiche de poste comme une " première ébauche " et qu'elle allait la réécrire. Par courriel du 28 avril 2017, le directeur général des services, sans accepter cette réécriture, a demandé à Mme C... de prendre attache avec son secrétariat pour sa prochaine prise de fonctions au 2 mai 2017. Pour autant, l'intéressée a persisté à proposer une fiche de poste modifiée. Si la directrice des ressources humaines a indiqué à Mme C... qu'elle acceptait ses modifications proposées sous certaines réserves, cette position ne pouvait tenir lieu que d'un simple avis, en l'absence de compétence de cet agent pour redéfinir ce poste. Mme C... l'avait compris puisqu'elle a envoyé plusieurs mails insistants au directeur général des services sollicitant son approbation d'une fiche de poste modifiée par elle, auxquels il n'a pas répondu. Ainsi, l'attitude peu constructive de Mme C... et sa volonté de redéfinir son poste constituaient un obstacle à une prise de poste dans de bonnes conditions. Il ressort de ses propres déclarations que Mme C... n'a pas cherché à exercer ses fonctions de chargée de mission au motif qu'elle estimait devoir être formée au préalable, cette nécessité n'étant pas démontrée par elle. En ce qui concerne son défaut d'encadrement, il lui est en grande partie imputable, dès lors qu'elle reconnaît ne pas avoir sollicité la directrice des ressources humaines en raison du " niveau hiérarchique inférieur " de celle-ci. Il ressort par ailleurs du rapport de la commission d'enquête que de nouvelles missions auraient été proposées à Mme C... en 2018, qu'elle aurait refusées au motif qu'elles ne correspondraient pas à son grade. Mme C... soutient quant à elle n'avoir jamais reçu une telle proposition. En tout état de cause, s'il est vrai que le directeur général des services a eu le tort de ne pas répondre à certains de ses mails et de laisser cette situation perdurer, ce comportement n'est pas caractéristique d'un harcèlement moral mais s'expliquait par la difficulté d'établir un dialogue avec l'intéressée. Le refus de lui imprimer des cartes de visite par courriel du 25 octobre 2018, bien que regrettable quant au motif allégué, était justifié par leur absence d'utilité, Mme C... reconnaissant elle-même ne pas avoir exercé de missions.

22. Si Mme C... se plaint de ce que des postes correspondant au grade d'ingénieur de recherche auraient été ouverts en externe sans lui avoir été proposés au préalable, il ressort des pièces du dossier que l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ne l'a pas empêchée d'y postuler et l'y a même encouragée en ce qui concerne certains postes. Ce mode de recrutement ne traduit pas un harcèlement moral de son employeur. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de proposer la candidature de Mme C... à l'avancement à la " hors classe " des ingénieurs de recherche, qui ne constitue pas un droit acquis, excéderait les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

23. Mme C... n'établit pas l'absence de validation de ses congés avant l'été 2019, ni avoir été l'objet de sanctions pécuniaires au titre du complément indemnitaire annuel, de la prime d'intéressement ou au titre indiciaire. La diminution du montant de l'IFSE résulte du changement d'affectation de Mme C..., et ne suffit pas à caractériser, alors même qu'elle est illégale, un agissement de harcèlement moral à son encontre. S'il est vrai en revanche que son employeur a cherché à l'affecter sur des emplois ne correspondant pas à son grade en avril et septembre 2021, ces décisions, bien qu'illégales, ne traduisent pas pour autant un harcèlement moral de son employeur, mais sa volonté de répondre à des besoins liés à l'organisation du service en employant Mme C... utilement.

24. Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral dont Mme C... se prévaut n'est pas établi. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2022 et ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des conclusions indemnitaires présentées par Mme C... :

25. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ".

26. Mme C... demande à ce que l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines soit condamnée à lui verser la somme de 75 000 euros au titre des préjudices subis par elle et découlant de la privation illégale d'activité, de la sanction disciplinaire déguisée prise à son encontre, des répercussions négatives de sa situation professionnelle sur le montant de sa pension de retraite, du temps passé à défendre ses droits, de la dégradation de ses relations sociales et de la dégradation de son état de santé en raison du harcèlement moral dont elle serait victime. Toutefois, il est constant qu'à la date à laquelle le tribunal a statué, elle n'avait présenté à l'université aucune demande indemnitaire en ce sens. La présentation d'une telle demande le 4 août 2023, postérieurement au jugement attaqué, ne peut tenir lieu de régularisation. Dans ces conditions, en l'absence au jour du jugement attaqué de décision rejetant une demande indemnitaire de Mme C..., les conclusions indemnitaires présentées par elle doivent être rejetées comme irrecevables.

S'agissant des arrêts de travail de Mme C... :

27. Mme C... a conclu à l'annulation de la décision du président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines refusant de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladies. Toutefois, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a pas été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur. La simple concomitance entre ses arrêts de travail, survenus à compter du 12 avril 2021, et la décision l'affectant irrégulièrement à la direction des bibliothèques et de l'information scientifique et technique ne suffit pas pour établir leur imputabilité au travail. Par suite il y a lieu de rejeter ces conclusions.

28. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 23 septembre 2021, ainsi que la décision de ne pas verser à Mme C..., à compter du 12 avril 2021, le montant de l'IFSE versé aux ingénieurs de recherche de 2ème classe. Par ailleurs, Mme C... n'est pas non plus fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C... :

29. En premier lieu, le jugement attaqué, qui est confirmé, a enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines d'affecter Mme C... sur un poste dont les missions correspondent effectivement à son grade. Le président de l'université a exécuté ce jugement en prenant une nouvelle décision d'affectation, dont la légalité n'est pas mise en cause dans le cadre du présent litige. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit de nouveau enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de l'affecter sur un poste dont les missions correspondent effectivement à son grade.

30. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 12 qu'il y a lieu d'enjoindre au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de régulariser la situation de Mme C... en lui accordant le bénéfice de l'IFSE à hauteur de 528 euros mensuels jusqu'au 1er juillet 2022 et, postérieurement à cette date, à hauteur de 540 euros mensuels dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

31. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 27 que les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de faire cesser tous les agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail doivent être rejetées.

32. En quatrième lieu, l'arrêté ministériel relatif au régime de l'IFSE étant publié, il n'y a pas lieu d'enjoindre à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de le transmettre à Mme C.... Par ailleurs, étant donné que l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a produit l'arrêté n° DRH-2024-28 du 25 juin 2024 disposant que Mme C... perçoit à compter du 12 avril 2021 un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel d'un montant brut de 528 euros, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de transmettre l'arrêté individuel relatif au régime indemnitaire de l'IFSE la concernant.

33. En cinquième et dernier lieu, étant donné qu'il n'y a pas lieu de reconstituer la carrière de Mme C..., ses conclusions à fin d'injonction tendant à la communication des éléments permettant la reconstitution de sa carrière doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 2 000 euros au titre des frais ainsi exposés par Mme C....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de l'affecter sur un poste dont les missions correspondent effectivement à son grade, ou de produire l'arrêté individuel relatif au régime indemnitaire de l'IFSE la concernant.

Article 3 : Il est enjoint au président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines de régulariser la situation de Mme C... en lui accordant le bénéfice de l'IFSE à hauteur de 528 euros bruts mensuels jusqu'au 1er juillet 2022 et, postérieurement à cette date, à hauteur de 540 euros bruts mensuels dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 4 : L'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le jugement n° 2104027 du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce sens.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

C. Pham Le président,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N°s 22VE02681 et 22VE02682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02681
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;22ve02681 ?
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