Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2209956 du 13 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Namigohar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie familiale et privée " et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, avec astreinte de 150 euros par jour de retard, de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de Monsieur B... dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, à défaut, prescrire au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, avec astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre en œuvre, sans délai, la procédure d'effacement du signalement de Monsieur B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à défaut d'une communication de l'intégralité des pièces produites par le préfet, il n'a pas fait l'objet d'un procès équitable dans le cadre de la décision de placement en rétention ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté n'a pas été signé par une personne ayant compétence ;
- la décision est insuffisamment motivée et souffre d'un défaut d'examen ;
- le préfet a pris sa décision en violation de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a pris sa décision en violation de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
- la décision a été signée par une personne n'ayant pas compétence ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle sera annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour d'une durée d'un an :
- la décision a été signée par une personne n'ayant pas compétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision ne comporte pas certaines mentions ; elle est donc intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- la décision est disproportionnée ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision a été signée par une personne n'ayant pas compétence ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il est exposé en cas de retour en Tunisie à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête en maintenant ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant tunisien né en mai 1973 et entré en France, selon ses déclarations, en 1999. Par un arrêté du 18 septembre 2021, le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2209956 du 13 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. M. B... soutient, sans être contesté, sur ce point, par le préfet, tant en première instance qu'en appel, qu'il réside en France depuis 1999 soit 22 années à la date des décisions attaquées. M. B... a d'ailleurs produit, en première instance, un grand nombre de documents attestant de sa présence, en France, depuis au moins 2003. Dans ces conditions, l'obligation de quitter sans délai le territoire français qui lui a été faite a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Il est dès lors fondé, pour ce seul motif, à demander l'annulation de cette décision ainsi que des autres décisions attaquées par voie de conséquence.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. D'une part, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, à un nouvel examen de la situation de M. B....
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 623-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) ". Il y a lieu, par application de ces dispositions, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de prendre, dans le même délai de deux mois, toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 18 septembre 2021 ci-dessus annulée.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à ce que la cour mette en œuvre sans délai, la procédure d'effacement du signalement de Monsieur B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
7. Il n'appartient pas au juge administratif de connaître de telles conclusions.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2209956 du 13 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 septembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder, dans un délai de deux mois, à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation de M. B....
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, toute mesure propre pour mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. Pilven
Le président-rapporteur,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02340002