Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302998 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Belhedi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous les mêmes conditions d'astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, sous huitaine, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Belhedi en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est irrégulière dès lors qu'elle se fonde sur l'avis de la commission du titre de séjour qui est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Yvelines n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle en ce qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son droit au travail et au séjour.
La requête a été communiquée le 20 septembre 2023 au préfet des Yvelines qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 23 octobre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aventino.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien, né le 17 août 1976, a sollicité le 11 septembre 2018 son admission exceptionnelle au séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 20 février 2020, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande. Par un jugement rendu le 12 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. A.... Par un arrêté du 10 août 2021, le préfet des Yvelines a de nouveau rejeté sa demande de titre de séjour en faisant application des dispositions de l'article L. 435-1 du code précité et l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. L'intéressé fait appel du jugement du 23 juin 2023 par laquelle le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 août 2021 :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. "
5. En premier lieu, il ressort de l'avis de la commission du titre de séjour émis le 18 juin 2021 et du bordereau de transmission à M. A... le 23 juin 2021 qu'elle se prononce défavorablement sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux motifs " qu'il ne présente aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires ". Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne faisait pas valoir d'autres éléments que sa durée de présence en France depuis plus de dix ans, cet avis succinct est suffisamment motivé, alors en outre qu'il n'établit ni même n'allègue ne pas avoir pu produire devant l'autorité préfectorale d'autres documents de nature à justifier sa demande exceptionnelle de titre de séjour. Le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit ainsi être écarté.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué, qui fait état des conditions du séjour de M. A... en France, que la décision contestée procèderait d'un examen incomplet de sa situation personnelle.
7. En troisième lieu, M. A... se prévaut de la durée de plus de dix ans de son séjour en France et de ce qu'il a donc nécessairement développé des relations personnelles et professionnelles bien qu'il soit célibataire et sans charge de famille. Toutefois, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir qu'il justifie de motifs exceptionnels permettant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire au titre des dispositions précitées. S'il indique également qu'il est employé en contrat à durée déterminée et produit à ce titre des bulletins de salaire établissant qu'il travaille à temps plein en qualité de boulanger depuis juin 2022, ces éléments sont en tout état de cause postérieurs à la date de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui se prévaut de sa présence en France depuis 2007, y vit comme célibataire et sans charge de famille. S'il soutient y avoir nécessairement développé des relations personnelles et professionnelles, il ne se prévaut d'aucun élément concret pour justifier de son intégration sur le territoire. Enfin, il ne conteste pas conserver des attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère ainsi que ses quatre frères et sœurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". Le 3° de l'article L. 611-1 est relatif à l'hypothèse où l'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour.
11. Il ressort de l'arrêté en litige qu'il vise notamment les articles L. 435-1 et L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait état de ce que M. A... est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne démontre pas disposer en France de liens familiaux intenses, anciens et stables et qu'il ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle suffisantes depuis son arrivée en France permettant son admission exceptionnelle au séjour et qu'il s'est soustrait à trois précédentes obligations de quitter le territoire français en 2011, 2013 et 2016. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la décision portant obligation de quitter le territoire français, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, qui permettent en outre de s'assurer que le préfet des Yvelines a procédé à un examen de la situation personnelle de M. A....
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur de droit, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 10 août 2021. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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No 23VE1651