Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 juillet 2024.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de l'environnement,
- le code général de la propriété des personnes publiques,
- le code de la voirie routière,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Garrigues, représentant la commune de Chilly-Mazarin,
- et les observations de Me Barbat du Closel, représentant la société Route du Soleil.
Considérant ce qui suit :
1. La société Route du Soleil a déposé une demande de permis de construire, le 16 mars 2020, qui a été complétée le 31 juillet 2020 et le 30 novembre 2020, en vue de l'édification d'un hôtel et d'une résidence étudiante sur un terrain situé rue Pierre Mendès France, à Chilly-Mazarin. Par un arrêté du 28 décembre 2020, le maire de la commune de Chilly-Mazarin a rejeté la demande. La commune de Chilly-Mazarin demande à la cour d'annuler le jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et a enjoint à son maire de délivrer le permis de construire sollicité par la société Route du Soleil dans le délai de cinq mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la commune de Chilly-Mazarin, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de mentionner chacun des éléments du dossier, ont suffisamment indiqué les motifs pour lesquels ils ont estimé que le projet de la société Route du Soleil n'était pas de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait notamment d'une exposition à des polluants atmosphériques.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 décembre 2020 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Par ailleurs, eu égard à l'objet et à la portée des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, pour apprécier si les atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique sont de nature à justifier un refus du permis de construire, l'autorité compétente doit tenir compte, le cas échéant, de l'effet cumulé des différents risques et nuisances, dont celles résultant de la pollution de l'air, auxquels serait exposée la construction projetée, ainsi que ses alentours, même s'ils ne sont pas directement liés entre eux, cette exigence s'imposant particulièrement dans le cas où la construction est destinée à l'habitation. Cette autorité est fondée à refuser le permis sollicité dès lors que l'addition de ces risques ou nuisances serait de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des futurs occupants de l'immeuble, ainsi que des occupants des immeubles situés à proximité, quand bien même aucun d'entre eux ne serait de nature, à lui seul, à justifier ce refus.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions est situé à proximité immédiate de l'autoroute A6. Une étude relative à la qualité de l'air, réalisée par la société ISPIRA au cours de l'été 2020, relève en trois points de mesure distincts, sur le terrain d'implantation du projet, des concentration de dioxyde d'azote inférieures à la valeur limite annuelle pour la protection de la santé humaine de 40 microgrammes par mètre cube d'air. De même, la mesure de benzène effectuée par la société ISPIRA montre une concentration de benzène de 0,4 microgrammes par mètre cube d'air, très inférieure à l'objectif de qualité de 2 microgrammes en moyenne annuelle et à la valeur limite annuelle de 5 microgrammes. Enfin, en ce qui concerne la concentration de particules PM10, la mesure effectuée est également inférieure à la valeur limite annuelle de 40 microgrammes par mètre cube d'air. La commune de Chilly-Mazarin ne peut utilement se prévaloir, pour contester ces mesures, des résultats d'une étude d'impact, datant de 2018, qui concernait un projet immobilier situé de l'autre côté de l'autoroute A6, la situation de ce projet étant différente. Par ailleurs, la circonstance que la commune aurait été " récemment informée par AIRPARIF " que le seuil de 40 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle civile de dioxyde d'azote était dépassé pour plus de 5 % de l'ensemble de ses habitants, ne suffit pas à établir l'existence de risques pour la santé humaine en ce qui concerne spécifiquement le terrain d'assiette du projet de la société Route du Soleil, alors en outre que la nature des bâtiments à construire, un hôtel et une résidence étudiante, n'implique pas la présence de leurs occupants sur une longue durée, comme l'a relevé l'Agence régionale de santé d'Île-de-France dans son avis favorable du 19 août 2020. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que le projet de la société Route du Soleil, comprenant un hôtel et une résidence étudiante, impliquera une exposition de ses occupants à des polluants atmosphériques d'une manière telle que leur santé en serait compromise.
5. D'autre part, en se bornant à soutenir que le carrefour situé à proximité du terrain d'assiette du projet connaît depuis plusieurs années, aux heures de pointe, des difficultés de circulation routière, la commune de Chilly-Mazarin n'établit pas que ce projet, qui prévoit quatre-vingts places de stationnement, emporterait une augmentation significative du trafic automobile de nature à porter atteinte à la sécurité publique, alors au demeurant que les spécificités du public susceptible d'être accueilli au sein de l'hôtel et de la résidence étudiante ne permettent pas de tenir pour évidente une concentration accrue de la circulation aux heures de pointe.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la commune de Chilly-Mazarin n'est pas fondée à soutenir que le projet de la société Route du Soleil doit être refusé en application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme : " Les destinations de constructions sont : / (...) / 2° Habitation / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-28 de ce code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / (...) / 2° Pour la destination "habitation" : logement, hébergement ; / 3° Pour la destination "commerce et activités de service" : (...) hôtels, (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu : " La destination de construction " habitation " prévue au 2° de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme comprend les deux sous-destinations suivantes : logement, hébergement. / La sous-destination " logement " recouvre les constructions destinées au logement principal, secondaire ou occasionnel des ménages à l'exclusion des hébergements couverts par la sous-destination " hébergement ". La sous-destination " logement " recouvre notamment les maisons individuelles et les immeubles collectifs. / La sous-destination " hébergement " recouvre les constructions destinées à l'hébergement dans des résidences ou foyers avec service. Cette sous-destination recouvre notamment (...) les résidences universitaires (...) ". Enfin, aux termes de l'article UC 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Chilly-Mazarin, dont les dispositions générales se réfèrent aux dispositions précitées de l'arrêté du 10 novembre 2016 : " Pour toute opération de plus de 20 logements, sera imposé un minimum de 30 % de logements sociaux ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Route du Soleil prévoit la construction d'un hôtel et d'une résidence destinée à accueillir des étudiants ou des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage. Cette dernière, d'une capacité de cent dix-neuf chambres meublées, a vocation à être gérée par un opérateur de logement social, et permettra à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, notamment une buanderie - lingerie, une salle de travail comprenant un guichet d'accueil, un espace commun de détente et de convivialité, un régisseur et une connexion Internet. Par suite, cette construction entre dans la sous-destination " hébergement " au sens des dispositions citées au point qui précède, et n'est donc pas soumise à la règle fixée par l'article UC 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Il en résulte que la commune de Chilly-Mazarin n'est pas fondée à soutenir que la société pétitionnaire aurait eu l'intention de dissimuler une sous-destination " logement " de ce bâtiment en vue d'échapper à ladite règle, et que le permis de construire devrait lui être refusé pour ce motif.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article UC 3.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Chilly-Mazarin : " Dans la zone UC : / Lorsque le terrain présente un linéaire de façade sur voie inférieur à 13m, les constructions peuvent venir s'implanter en limites séparatives. Au-delà d'un linéaire de façade de 13m, les constructions doivent s'implanter en retrait des limites séparatives. / En cas de retrait, celui-ci devra être : / - au moins égal à la hauteur de la construction mesurée du sol avant travaux jusqu'à l'égout du toit ou l'acrotère, avec un minimum de 8m (L = H) 8 m) pour les parties de construction comportant des baies, / (...) ". Aux termes des dispositions du lexique de ce règlement : " Les limites séparative latérales sont les limites du terrain qui aboutissent directement à la voie, soit en ligne droite soit en ligne brisées (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées ". Aux termes de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ". Et aux termes de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière : " Les voies du domaine public routier national sont : / 1° Les autoroutes ; / (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'hôtel devant être construit par la société Route du Soleil sera implanté le long de la parcelle AI 559, qui est un terrain étroit longeant la bretelle d'accès à l'autoroute A6, et appartient à l'État, de même que la parcelle AI 564, qu'elle jouxte au sud. Cette bande de terre est plantée d'arbres et permet, comme l'ont relevé les premiers juges, d'assurer le confortement et la solidité de la voie publique que constitue la bretelle autoroutière. Dans ces conditions, la parcelle AI 559 doit être regardée, en application des dispositions précitées, comme constituant un accessoire indissociable du domaine public national autoroutier. Il en résulte que la commune de Chilly-Mazarin ne peut utilement soutenir que le projet de la société pétitionnaire méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 3.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, qui ne réglementent que l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chilly-Mazarin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du maire de Chilly-Mazarin du 28 décembre 2020 et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité par la société Route du Soleil dans le délai de cinq mois.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Route du Soleil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la commune de Chilly-Mazarin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à la société Route du Soleil sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Chilly-Mazarin est rejetée.
Article 2 : La commune de Chilly-Mazarin versera la somme de 1 500 euros à la société Route du Soleil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chilly-Mazarin et à la société Route du Soleil.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00803