Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 8 janvier 2020 par laquelle l'ordonnateur du groupement d'établissements (GRETA) des Hauts-de-Seine a refusé de réévaluer son indice majoré rétroactivement à compter de l'année 2006 et, d'autre part, de condamner le GRETA des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 21 146 euros en réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral.
Par un jugement n° 2003780 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande ainsi que la demande du GRETA des Hauts-de-Seine tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Chouki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2020 ;
3°) de condamner le GRETA des Hauts-de-Seine à lui verser la somme totale de 21 146 euros en réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge du GRETA des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la substitution de motif opérée par les premiers juges est irrégulière, dès lors que les conditions posées par la jurisprudence du Conseil d'État ne sont pas remplies ;
- elle méconnaît le droit à un procès équitable ;
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée en droit ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le réajustement de son indice aurait dû intervenir à quatre reprises au moins entre 2006 et 2019 ;
- les faits qui lui sont reprochés, fondant le refus de revalorisation de sa rémunération, ne sont pas établis ; en tout état de cause, à les supposer établis, ils ne sauraient justifier un tel refus ;
- l'illégalité ainsi commise constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- elle a subi un préjudice financier et un préjudice moral qui peuvent être respectivement évalués à 11 416 euros et 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le GRETA des Hauts-de-Seine, représentée par Me Hazan, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme A... ;
2°) d'annuler le jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chouki, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 9 décembre 1952, a été recrutée le 1er juin 2000 par le groupement d'établissements (GRETA) de la Défense, devenu le GRETA des Hauts-de-Seine à compter du 1er janvier 2017, afin d'exercer les fonctions de conseiller en formation continue. Elle a bénéficié de contrats successifs à durée déterminée pour une quotité de service représentant 60 à 70 % d'un service à temps complet. Le recteur de l'académie de Versailles lui a fait part, le 12 novembre 2007, de la requalification de son engagement en contrat à durée indéterminée en application de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Un contrat à durée indéterminée a ainsi été conclu à compter du 1er septembre 2006, à raison de 25,5 % d'un temps complet. Par deux courriers des 27 novembre 2019 et 7 décembre 2019, Mme A... a demandé la revalorisation de son traitement avec effet rétroactif au 1er septembre 2006. Cette demande a été rejetée le 8 janvier 2020 par l'ordonnateur du GRETA des Hauts-de-Seine au motif que sa demande avait été rejetée par l'assemblée générale le 27 novembre 2018. Mme A... a demandé l'annulation de cette décision et la condamnation du GRETA des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 21 146 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. S'agissant des conclusions aux fins d'annulation, les premiers juges ont relevé que la circonstance que l'assemblée générale s'était prononcée en défaveur de la demande de l'intéressée ne pouvait pas à elle seule justifier le refus de réajustement contesté mais, que pour autant, il y avait lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs faite en cours d'instance par le GRETA des Hauts-de-Seine. Mme A... relève appel de ce jugement. Le GRETA demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en indiquant, au point 3 de son jugement, que " la décision du 8 janvier 2020 attaquée n'est pas au nombre des décisions devant faire l'objet d'une motivation en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ", le tribunal a, par une référence à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a estimé que la décision attaquée n'avait pas à être motivée. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante sur ce point, ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, d'une part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la portée des écritures de l'administration pour déterminer si celle-ci peut être regardée comme faisant valoir un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige, de telle sorte que l'auteur du recours soit, par la seule communication de ces écritures, mis à même de présenter ses observations sur la substitution de cet autre motif au motif initial.
4. Mme A... soutient que la substitution de motifs opérée par les premiers juges est irrégulière dès lors que les conditions posées par la jurisprudence du Conseil d'État n'étaient pas remplies et qu'elle méconnaît le droit à un procès équitable. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, pour établir que la décision attaquée du 8 janvier 2020 était légalement justifiée, le GRETA des Hauts-de-Seine a explicitement soutenu dans son mémoire en défense, qui a été communiqué à Mme A..., laquelle a produit un mémoire en réplique, que cette décision était fondée, d'une part, sur l'absence d'automaticité du réajustement de l'indice des agents contractuels et, d'autre part, sur les difficultés professionnelles rencontrées par Mme A... depuis plusieurs années. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que les parties ont pu débattre en première instance de la substitution de motifs envisagée, celle-ci n'a privé l'intéressée d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué de ce chef doit être écarté.
Au fond :
5. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente et qu'elle n'est pas motivée en droit doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et exposés aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
6. En second lieu, aux termes de l'article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, dans sa version alors en vigueur : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience. La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l'objet d'une réévaluation au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l'article 1-4 ou de l'évolution des fonctions. (...) ". Aux termes de l'article 1-4 de ce décret : " I.- Les agents recrutés pour répondre à un besoin permanent par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à un an bénéficient chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu. (...) ".
7. Si les dispositions précitées de l'article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 prévoient une réévaluation périodique de la rémunération des agents contractuels de l'Etat, elles n'imposent pas à l'administration d'augmenter cette rémunération tous les trois ans. En outre, si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent, de la qualification requise pour les exercer, de la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. D'une part, si la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 dès lors que le réajustement de son indice aurait dû intervenir à quatre reprises au moins entre 2006 et 2019, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces dispositions n'imposent pas à l'administration d'augmenter la rémunération de l'agent contractuel concerné tous les trois ans. En outre, si la requérante se prévaut du droit de tout agent public contractuel de percevoir une rémunération au moins égale au SMIC, il ne ressort pas des pièces versées au dossier par l'intéressée que ce principe aurait été méconnu. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. D'autre part, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les difficultés professionnelles, qui lui sont reprochées, ne sont pas établies et qu'elles ne sauraient, en tout état de cause, pas justifier un refus de revalorisation de son traitement. Il ressort cependant des pièces du dossier que Mme A..., qui bénéficie depuis le 1er septembre 2006 d'un contrat de travail à durée indéterminée, à raison de 25,5 % d'un temps complet afin d'assurer un service annuel d'enseignement de 206,55 heures, ne respecte pas ce volume horaire. Si l'intéressée fait valoir qu'elle n'a jamais refusé d'effectuer des interventions et que les coordinatrices ou les conseillers en formation continue ont en réalité refusé de lui confier des heures d'enseignement, l'empêchant ainsi de respecter ses obligations de service, elle ne l'établit pas en se bornant à produire un courrier ancien, daté du 21 janvier 2008, dans lequel elle demande à la directrice du GRETA de la Défense une augmentation de son volume horaire, un courriel du 14 novembre 2016, adressé à la direction des ressources humaines du GRETA des Hauts-de-Seine, dans lequel elle considère que le " tableau du relevé d'heures pour l'année 2015-2016 " n'est pas complet en ce qui la concerne, un courriel daté du 11 juin 2018, adressé à l'ordonnateur du GRETA des Hauts-de-Seine, dans lequel elle présente ses observations sur l'entretien professionnel du 13 avril 2018, et sa candidature au poste de conseiller en formation continue au sein du GRETA de la Défense au titre de l'année 2007-2008. En outre, les comptes rendus des réunions des 30 juin 2017 et 6 juillet 2017, ayant pour objet de " faire le point sur l'activité de Mme A... ", font état de " retours négatifs des stagiaires ", de " retards dans le démarrage des cours ", de l'absence de communication de documents administratifs à sa hiérarchie, et d'une anticipation insuffisante de ses tâches. De même, le compte rendu de l'entretien professionnel (CREP) daté du 26 juin 2019 indique que " les documents supports ne sont pas remplis conformément à la norme qualité " et que " Mme A... a effectué 23 heures sur les 210 heures de son plan de charge ". Si la requérante conteste ces reproches, elle ne produit aucun élément de nature à les contredire et à établir qu'elle serait, comme elle le soutient, la victime d'un acharnement et d'une discrimination. Enfin, la requérante n'établit ni même n'allègue avoir exercé, au cours des années ayant précédé la décision attaquée, des fonctions d'un niveau de responsabilité supérieur à celles pour lesquelles elle a été initialement recrutée. Dans ces conditions, et alors même que l'administration s'est fondée sur les seuls comptes rendus susmentionnés pour apprécier les qualités professionnelles de Mme A... et l'opportunité d'une revalorisation de sa rémunération, la décision attaquée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires.
Sur les dépens :
11. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions du GRETA des Hauts-de-Seine tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés à la première instance :
12. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en rejetant la demande du GRETA des Hauts-de-Seine tendant à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le GRETA des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GRETA des Hauts-de-Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le GRETA des Hauts-de-Seine sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : L'ensemble des conclusions présentées par le GRETA des Hauts-de-Seine sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au GRETA des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
T. Ablard
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE02613