La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2024 | FRANCE | N°22VE02198

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 19 novembre 2024, 22VE02198


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2022, le 24 mars 2023, le 13 février 2024, le 22 juillet 2024 et le 11 octobre 2024, la société Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, avocate, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le maire de Villebon-sur-Yvette a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale relatif à l'extension par démolition/reconstruction d'un magasin à l'enseigne Lidl situé dans la z

one commerciale " Villebon 2 ", en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2022, le 24 mars 2023, le 13 février 2024, le 22 juillet 2024 et le 11 octobre 2024, la société Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le maire de Villebon-sur-Yvette a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale relatif à l'extension par démolition/reconstruction d'un magasin à l'enseigne Lidl situé dans la zone commerciale " Villebon 2 ", en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, compte tenu des vices affectant l'avis favorable émis sur le projet par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) lors de sa réunion du 30 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Lidl tendant à ce qu'il soit sursis à statuer pendant un délai d'au moins six mois afin de lui permettre de régulariser le vice tiré du caractère erroné de la délimitation de la zone de chalandise ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat et de la SNC Lidl une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché de plusieurs vices de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que la liste des associations de commerçants des communes limitrophes de Villebon-sur-Yvette a pu être consultée et que l'ensemble des représentants des associations locales a été régulièrement convoqué pour être auditionnés, en méconnaissance de l'article L. 751-2 du code de commerce, nuisant ainsi à l'information tant des membres de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) que des membres de la CNAC ;

- l'arrêté est entaché d'illégalité, dès lors que le dossier de demande présenté par la SNC Lidl était incomplet et entaché d'inexactitudes concernant le périmètre de la zone de chalandise, la localisation du projet dans la zone commerciale Villebon 2 et les données économiques prises en compte ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs d'appréciation quant à l'objectif d'aménagement du territoire au regard de la localisation du projet et de son absence d'intégration urbaine ; le projet ne répond pas au critère d'animation de la vie urbaine ; le projet porte atteinte à la préservation et à la redynamisation du tissu commercial de centre-ville ; la desserte assurée par les lignes de bus et par les modes de transport doux est insuffisante ;

- l'avis de la CNAC est entaché d'erreur de fait et de droit dès lors que, s'il constate que, dans le cadre de l'opération de revitalisation de territoire (ORT) en cours d'élaboration, une réflexion était menée sur la maîtrise des nouvelles implantations dans les secteurs de périphérie non connectés, tels que Villebon 2, il n'en tire pas la moindre conséquence sur le respect des critères d'appréciation définis par la loi ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs d'appréciation quant à l'objectif de développement durable, au regard de la qualité environnementale du projet, de son insertion architecturale et paysagère ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs d'appréciation quant à l'objectif de protection des consommateurs, l'amélioration du confort d'achat ne suffisant pas à justifier le projet, alors que la sécurité des consommateurs n'est pas garantie, eu égard aux risques liés à l'édification d'un établissement recevant du public à proximité de pylônes, sous des lignes à haute tension.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 janvier 2023, le 28 juillet 2023, le 21 juin 2024, le 26 septembre 2024 et le 14 octobre 2024, la SNC Lidl, représentée par Me Robbes, avocat, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer pendant un délai d'au moins six mois en vue de la régularisation du supposé vice entachant la délimitation de la zone de chalandise ;

3°) et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Lidl soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- en cas d'illégalité constatée, la cour doit lui permettre de prendre une mesure de régularisation, dès lors que celle-ci n'impliquera pas d'apporter au projet en cause un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2023, la commune de Villebon-sur-Yvette, représentée par Me du Besset, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Hypermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de la seconde audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Me de Cirugeda pour la société Auchan Hypermarché, de Me Landemaine pour la SNC Lidl, et de Me Stass pour la commune de Villebon-sur-Yvette.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl est propriétaire et exploitante d'un magasin d'une surface de 984 m², situé au sein de la zone commerciale " Villebon 2 ", avenue de la Plesse, à Villebon-sur-Yvette, dans l'Essonne. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 19 janvier 2022, complétée les 29 avril 2022 et 5 mai 2022, enregistrée sous le numéro PC n° 91 661 22 10001, en vue de démolir totalement le magasin existant et de le reconstruire en portant sa surface à 1 607,05 m2, tout en aménageant 91 places de stationnement en toiture, sur une superficie de terrain de 4 420 m2. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Essonne a émis un avis favorable à ce projet le 15 mars 2022. La société Auchan Hypermarché a saisi la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), le 22 avril 2022, d'un recours contre cet avis, qui a été rejeté par la CNAC le 30 juin 2022, laquelle a émis un avis favorable au projet présenté par la SNC Lidl. Par un arrêté n° 2022-07-343 du 8 juillet 2022, le maire de Villebon-sur-Yvette a accordé à la SNC Lidl un permis de construire, valant démolition, autorisation d'exploitation commerciale et autorisation d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public. La société Auchan Hypermarché demande à la cour d'annuler cet arrêté du 8 juillet 2022.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 mai 2022 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de commerce : " I.-La commission départementale d'aménagement commercial est présidée par le préfet. Elle auditionne pour tout projet nouveau la personne chargée d'animer le commerce de centre-ville au nom de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, l'agence du commerce et les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes lorsqu'elles existent. Elle informe les maires des communes limitrophes à la commune d'implantation, dès leur enregistrement, des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale. Elle en informe également, le cas échéant, l'organe exécutif des collectivités territoriales frontalières ou de leurs groupements compétents en matière d'aménagement commercial. ". L'article L. 7521-17 du même code prévoit que : " I.-Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) La Commission nationale d'aménagement commercial rend une décision qui se substitue à celle de la commission départementale. (...) A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire au recours contentieux. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 752-14 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " La commission entend le demandeur. Elle peut également entendre, à son initiative ou sur demande écrite au secrétariat de la commission, toute personne dont l'avis présente un intérêt pour l'examen de la demande dont elle est saisie. / Lorsqu'elle examine la première demande d'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée pour un projet, sauf procédure fixée à l'article L. 752-4, la commission départementale entend également les personnes mentionnées au I de l'article L. 751-2, dans la limite de deux associations par commune. / En vue de cette audition, le maire de la commune d'implantation établit à l'intention de la commission la liste comportant les coordonnées de la personne chargée d'animer le commerce du centre-ville de sa commune, de l'agence du commerce compétente sur le territoire de sa commune et des associations de commerçants de sa commune. Pour leur part, les maires des communes limitrophes de la commune d'implantation incluses dans la zone de chalandise établissent la liste comportant les coordonnées des associations de commerçants de leur commune. / Les associations de commerçants auditionnées doivent avoir été déclarées en préfecture depuis un an révolu à la date de dépôt de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. / Parmi les deux associations entendues par commune figure, sous la réserve d'ancienneté requise ci-dessus, l'association justifiant regrouper le plus de commerçants du centre-ville, la seconde association étant celle qui, autre que la première, justifie regrouper le plus grand nombre de commerçants implantés sur le territoire communal. A défaut, sont entendues, pour chaque commune concernée, les deux associations justifiant regrouper le plus grand nombre de commerçants implantés sur le territoire communal. ".

3. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC), qui est composée de plusieurs personnalités qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d'aménagement du territoire, se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation, établie par un organisme indépendant. A cette occasion, les membres de la commission peuvent interroger le demandeur qui peut, en retour, présenter ses observations. Si la commission doit, en outre, entendre les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes lorsqu'elles existent, le défaut d'audition de ces associations n'emporte pas la méconnaissance d'une garantie, ni pour le pétitionnaire, ni pour les tiers. Par suite, dès lors que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (CNAC) se substitue à celui de la CDAC, le moyen selon lequel les représentants des associations locales n'ont pas été régulièrement convoqués pour être auditionnés par la CDAC en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 751-2 du code de commerce, est inopérant. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition devant la CDAC de l'Essonne que l'association de commerçants " l'Essor palaisien " a été consultée et a pu exprimer son avis sur le projet en cause. Le moyen ainsi invoqué, tiré de l'existence d'un vice de procédure sur ce point doit en conséquence être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) III.-La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. (...) ". Les dispositions de l'article R. 752-3 du même code prévoient que : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ".

5. Pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions d'accès au site d'implantation du projet et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder. L'inventaire des équipements commerciaux ou artisanaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est effectué en retenant l'ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d'activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de l'autorisation, a été présenté.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale à Villebon-sur-Yvette, relative à son projet de démolition reconstruction avec extension du magasin qu'elle exploite déjà, la SNC Lidl a délimité une zone de chalandise intégrant des territoires situés à 6 minutes de temps de trajet en voiture, comprenant sept quartiers ou " îlots regroupés pour l'information statistique " (IRIS) de la commune de Palaiseau, trois quartiers de la commune de Villebon-sur-Yvette, la totalité du territoire de Champlan, ainsi qu'un quartier de la commune d'Orsay, regroupant une population totale de 38 390 habitants.

7. L'analyse d'impact rendue en janvier 2022, présentée par la SNC Lidl lors des réunions de la CDAC du 15 mars 2022 et de la CNAC le 30 juin 2022, n'explicite pas les raisons justifiant la délimitation de la zone de chalandise à 6 minutes de temps de trajet en voiture. Cette même analyse n'évoque en particulier aucune barrière psychologique ou géographique, au sens de l'article R. 752-6 du code de commerce précité.

8. Si, dans le cadre de la présente instance, la SNC Lidl se prévaut d'un sondage clientèle effectué en mai 2022, celui-ci a été réalisé postérieurement à la délimitation de la zone de chalandise dans l'analyse d'impact, et n'a donc pas pu être pris en compte pour définir le tracé de ce périmètre. En tout état de cause, la SNC Lidl n'explicite pas la méthodologie employée, en vue de rendre compte de l'objectivité et du caractère probant des résultats de ce sondage, réalisé sur un panel de 300 foyers, et n'apporte en particulier aucune précision relative au territoire de provenance des sondés, ou à leur répartition géographique selon chaque commune prise en compte. Il ressort en particulier des pièces du dossier que la question posée lors de ce sondage a porté sur les lieux réguliers de consommation courante des personnes sondées. Sur la base de ce sondage, deux zones ont été répertoriées par la SNC Lidl, selon le pourcentage de personnes indiquant fréquenter régulièrement telle ou telle enseigne située sur ces deux zones, la zone 1 correspondant à la zone de chalandise, et la zone 2, située en périphérie de la zone de chalandise. Ce sondage fait état de 11,2% des sondés de la zone 2 indiquant faire régulièrement leurs achats à Auchan et 4,8% à Lidl, implantés sur Villebon. Ce même sondage indique que le magasin Lidl situé à Longjumeau, pourtant situé en zone 2 est fréquenté seulement à hauteur de 2,7% par les habitants de la zone 2, soit moins que le magasin Lidl de Villebon, situé en zone 1, ce qui contredit les explications apportées en défense par la société Lidl, selon laquelle " la présence d'autres magasins alimentaires, et en particulier d'autres magasins Lidl implique une répartition naturelle de la clientèle entre les différents magasins et permet ainsi de déterminer le tracé de la zone de chalandise ". Ainsi, le sondage évoqué par la société Lidl, tel qu'il est présenté dans le cadre de la présente instance, ne justifie pas suffisamment, tant dans sa méthodologie que dans ses conclusions, la pertinence d'une zone de chalandise fixée par un temps de trajet en voiture limité à 6 minutes.

9. Il ressort en outre des pièces du dossier que le projet en cause est situé dans un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code de commerce, dénommé " Villebon 2 ", comprenant quatre enseignes d'alimentaire, neuf enseignes d'équipements de la maison et onze enseignes d'équipement de la personne. Cet espace, qui constitue l'un des cinq complexes commerciaux les plus importants du département de l'Essonne, a connu un triplement de sa surface en dix ans. L'audit stratégique qui a été conduit pour élaborer le schéma directeur d'aménagement et de développement commercial adopté le 29 juin 2022 par la communauté d'agglomération de Paris Saclay, dont fait partie la commune de Villebon-sur-Yvette ainsi que 26 autres communes, souligne en particulier que la " zone commerciale de Villebon-sur-Yvette constitue le 1er pôle commercial de l'agglomération de Paris Saclay avec 38,4% des ménages qui le citent parmi leurs 2 pôles les plus fréquentés. La fréquentation de ce pôle est particulièrement tirée par les habitants des secteurs de Longjumeau et Orsay ", soit deux communes dont le territoire est en l'espèce totalement exclu de la zone de chalandise, à l'exception d'un quartier d'Orsay. Il ressort également de cette même étude que, " à l'échelle de l'agglomération, quatre communes regroupent près de 70 % des grandes et moyennes surfaces commerciales, à savoir Massy (pour 87 000m2), Villebon-sur-Yvette (82 000m2), les Ulis (82 000m2) et la Villette-sur-Bois (57 000m2) ".

10. Si la SNC Lidl souligne en défense que le pôle commercial " Villebon 2 " est voisin d'autres pôles commerciaux attractifs de dimensions proches, situés à Massy, aux Ulis, à Ville-du-Bois, d'autres pôles voisins parmi ceux qu'elle cite sont d'une dimension bien plus modeste, tels ceux situés à Saulx-les-Chartreux, Villejust, Palaiseau, ou encore Chilly-Mazarin, et ne bénéficient pas de la même dynamique de croissance des surfaces de plancher commercial que " Villebon 2 ". En tout état de cause, cette seule proximité géographique, toute relative, d'ensembles commerciaux, ne suffit pas, à soi seul à justifier l'exclusion du périmètre de la zone de chalandises du territoire partiel ou entier de communes voisines du projet, au-delà d'un temps de trajet de 6 minutes en voiture.

11. Les insuffisances entachant ainsi la délimitation de la zone de chalandise dans le dossier produit par les pétitionnaires ont conduit la commission nationale d'aménagement commercial à se prononcer sur la demande d'autorisation dont elle était saisie à partir de données incomplètes ou inexactes.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant des erreurs d'appréciation alléguées au regard des objectifs et critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

12. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes (...) ; 2° En matière de développement durable :/ a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Quant à l'objectif d'aménagement du territoire :

14. En premier lieu, la société Auchan Hypermarché soutient que le projet en cause, localisé à deux kilomètres du centre-ville de Villebon, éloigné des zones d'habitation et situé en dehors de la trame urbaine, en " espace périphérique déconnecté ", méconnaît les orientations d'aménagement définies au niveau de la communauté d'agglomération, qui interdisent le développement de l'offre commerciale dans les espaces périphériques et à limiter ce développement au réinvestissement éventuel de cellules vacantes. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 1 du présent arrêt, le projet en cause, porté par la société Lidl, a pour objet de démolir et reconstruire un magasin existant, exploité sous l'enseigne Lidl depuis 1996, afin d'augmenter sa surface, et ce, au sein d'un espace commercial comportant de multiples enseignes, lui-même déjà constitué. Au regard de ces circonstances, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté serait entaché d'une erreur d'appréciation au titre du critère relatif à la localisation du projet et son intégration urbaine.

15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été relevé aux points 5 à 11 du présent arrêt que le critère relatif aux effets du projet sur l'animation de la vie urbaine est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors que le respect de cet objectif a été apprécié d'après le constat d'une progression de 2,2% de la population de la zone de chalandise de 2011 à 2021 et l'accroissement du besoin de consommation corrélé. Pour les mêmes motifs, le critère relatif à la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes est également entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le respect de cet objectif a été apprécié sur la base d'une analyse du taux de vacance existant dans la zone de chalandise litigieuse, calculé à un niveau très bas au regard de la moyenne nationale, sans prise en compte du dynamisme commercial propre à d'autres secteurs situés à la périphérie de la zone de chalandise ainsi définie.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la desserte routière et en transports en commun du site d'implantation du projet a été regardée comme " relativement bonne " par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la CDAC, au regard en particulier des sept arrêts de bus situés à moins de 500 mètres du projet, selon des fréquences et une amplitude horaire regardées comme " suffisantes " par la direction départementale des territoires de l'Essonne. Il ressort également des pièces du dossier que les zones d'habitation proches du projet sont pourvues de trottoirs et que les piétons et les cyclistes peuvent passer par un tunnel creusé sous l'A10 pour se rendre sur le site et que différents itinéraires cyclables, dont la promenade de l'Yvette, desservent la zone par le nord, où la vitesse de circulation est limitée à 30 km/h. Au regard de ces éléments, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté serait entaché d'une erreur d'appréciation au titre du critère lié à l'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.

17. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs d'appréciation au regard de l'objectif d'aménagement du territoire fixé par la loi, au titre du critère relatif aux effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, et du critère relatif à la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes.

Quant à l'objectif de développement durable :

18. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de démolition/reconstruction du magasin Lidl n'implique aucune artificialisation mais au contraire une augmentation de 166% des espaces verts, perméables, ainsi que la plantation de cinq nouveaux arbres, et la mise en place d'un nouveau dispositif de gestion des eaux pluviales, notamment par l'installation d'une cuve de récupération des eaux de pluie, devant être utilisée pour le nettoyage du magasin. Le projet prévoit en outre la production d'énergie renouvelable par l'installation de panneaux photovoltaïques et l'installation de vingt places pour voitures électriques. La société Auchan Hypermarché n'est dès lors pas fondée à soutenir que le critère de la qualité environnementale du projet aurait été méconnu.

19. En deuxième lieu, le projet en litige consiste en particulier en la destruction/reconstruction d'un magasin Lidl, dont l'esthétique extérieure n'a pas évolué depuis son implantation en 1996. Ce magasin est situé à proximité de pylônes électriques, au cœur d'une zone commerciale desservie notamment par l'A10. Il ressort des pièces du dossier que le projet de reconstruction du magasin va permettre de rapprocher son architecture et l'apparence de ses façades, faite de bois et enduits et de grandes baies vitrées, de ceux des magasins voisins, situés dans cette même zone commerciale. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le projet en cause est de nature à améliorer l'insertion architecturale et paysagère du magasin Lidl.

20. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que des aménagements ont été définis au sein du périmètre de la zone commerciale en vue de sécuriser les déplacements des piétons et des automobiles. En outre, un aménagement du carrefour d'accès à la zone commerciale est prévu, devant permettre la fluidification du trafic automobile et l'amélioration de la sécurité routière sur cette zone. Ainsi, même s'il est constant qu'aucune piste cyclable n'a été aménagée, la société requérante n'est pas fondée à soutenir le projet en cause serait caractérisé par une accessibilité déficiente, notamment par rapport aux lieux de vie situés à proximité.

21. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'objectif de développement durable.

Quant à l'objectif de protection des consommateurs :

22. D'une part, si la société Auchan Hypermarchés soutient que le projet en cause va avoir pour effet de diminuer le confort d'achat des consommateurs, il ressort au contraire des pièces du dossier que le réaménagement des espaces intérieurs du magasin doit permettre d'optimiser les espaces de circulation à l'intérieur du magasin, dont les dimensions vont être accrues, et dont l'achalandage va être amélioré.

23. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a consulté le gestionnaire du réseau de transport électrique sur la présence d'un pylône supportant des lignes électriques à haute tension à proximité du magasin, sans qu'aucune observation n'ait été faite au regard du projet de destruction et reconstruction du magasin et du réaménagement des espaces extérieurs. En outre, ni la direction départementale du territoire de l'Essonne, ni les bureaux d'études associés n'ont relevé de risque particulier sur ce point.

24. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'objectif de protection des consommateurs.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'insuffisance dans la détermination de la zone de chalandise, ainsi que les erreurs d'appréciation qui en découlent dans l'application de l'article L. 752-6 du code de commerce, concernant les critères relatifs à l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine, ainsi que sa contribution à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes apparaissent en l'état de l'instruction, comme de nature à justifier l'annulation du permis de construire.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

26. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Ces dispositions sont applicables à un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

27. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

28. Les vices entachant l'arrêté du 8 juillet 2022 sont régularisables par la reprise de la procédure devant la CNAC, se prononçant au vu d'une nouvelle analyse d'impact reposant sur une délimitation pertinente de la zone de chalandise et conduisant à une nouvelle appréciation des critères relatifs à l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine, ainsi que sa contribution à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophe.

29. Dans ces conditions, il y a lieu de faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête de société Auchan Hypermarché, pendant une période de six mois, afin de permettre, en cas d'avis favorable de la CNAC, la régularisation de l'arrêté du 8 juillet 2022 du maire de Villebon-sur-Yvette en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

30. Dès lors que, pour les vices identifiés, il est fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il n'y a pas lieu de faire application pour ce même vice des dispositions de l'article L. 600-5 du même code.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Auchan Hypermarché jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SNC Lidl pour notifier à la cour, en cas d'avis favorable de la CNAC, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale régularisant les insuffisances entachant la délimitation de la zone de chalandise, ainsi que les erreurs d'appréciation au regard de l'objectif d'aménagement du territoire fixé à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Hypermarché, à la SNC Lidl, à la commune de Villebon-sur-Yvette, et au président de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

Le rapporteur,

H. Cozic

Le président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02198
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELAS WILHELM & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22ve02198 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award