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14/11/2024 | FRANCE | N°23VE02805

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 14 novembre 2024, 23VE02805


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2306727 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 19 juillet 2023 et enjoint au préfet des Yvelines

ou à tout autre préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de M. B..., de lui dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2306727 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 19 juillet 2023 et enjoint au préfet des Yvelines ou à tout autre préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de M. B..., de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, sous le n° 23VE02805, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que M. B... ne se prévaut d'aucun motif exceptionnel justifiant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", et que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation de sa situation.

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2024, M. B..., représenté par Me Parastatis, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens du préfet ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, sous le n° 23VE02806, le préfet des Yvelines demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

Il soutient que les moyens qu'il a invoqués dans sa requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'infirmation de la solution retenue par les premiers juges et, par conséquent, le rejet des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2023 présentées par M. B....

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2024, M. B..., représenté par Me Parastatis, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens du préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- et les observations de Me du Rosel de saint Germain pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23VE02805 et n° 23VE02806, qui tendent respectivement à l'annulation et au prononcé du sursis à exécution du même jugement, présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. B..., ressortissant marocain né le 24 octobre 1991 à Inezgane, déclare être entré sur le territoire français en mai 2015. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " le 13 octobre 2022. Par un arrêté du 19 juillet 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'issue de ce délai. Par une requête enregistrée sous le n° 23VE02805, le préfet des Yvelines fait appel du jugement du 21 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 23VE02806, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 23VE02805 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article 3 de cet accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titre de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain précité prévoit la délivrance de titres de séjour au titre de l'activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord précité. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

5. Pour annuler l'arrêté du préfet des Yvelines du 19 juillet 2023, les premiers juges ont retenu que M. B... est présent en France depuis 2015, qu'il y exerce une activité professionnelle stable depuis plus de cinq ans à la date de cet arrêté, sous contrat à durée indéterminée et à temps complet depuis plus de trois ans à cette date, qu'il justifie du dépôt par son employeur d'une demande d'autorisation de travail établie en septembre 2022 et que dès lors, compte tenu des circonstances, le préfet des Yvelines a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation de sa situation.

6. Toutefois, si M. B... se prévaut d'une ancienneté sur le territoire français de plus de huit années, de ce qu'il a travaillé en France depuis le mois de février 2018 au sein de diverses sociétés, et qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps complet depuis le 27 mai 2019 en qualité de vendeur, ainsi que de la demande d'autorisation de travail établie par son employeur le 30 septembre 2022, ces seules circonstances ne sauraient suffire, à elles seules, à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " au titre du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet, alors en outre que l'intéressé a reconnu, par un courrier du 13 octobre 2022, avoir travaillé sous couvert d'une fausse carte d'identité française jusqu'à cette date. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 19 juillet 2023 au motif qu'il avait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation de la situation de M. B....

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il est fait application et expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B..., en mentionnant en particulier les éléments ayant trait à son activité professionnelle et à sa vie privée et familiale en France. Dès lors, il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision contestée, lui permettant ainsi d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué que la décision contestée procèderait d'un examen incomplet de la situation personnelle de M. B....

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui se prévaut de sa présence en France depuis mai 2015, y vit comme célibataire et sans charge de famille. S'il soutient être bien intégré à la société française, notamment au regard des différentes activités professionnelles qu'il a exercé en France depuis le mois de février 2018, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, cette insertion professionnelle a été rendue possible par l'usage d'une fausse carte d'identité. Il ne se prévaut en outre d'aucune autre forme d'intégration sur le territoire. Enfin, il ne conteste pas conserver des attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses deux parents ainsi que son frère et sa sœur et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de celle portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ces moyens doivent donc être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 19 juillet 2023 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour.

Sur la requête n° 23VE02806 :

15. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".

16. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur la requête présentée par le préfet des Yvelines tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 novembre 2023, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

Sur les frais de justice :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, une somme sur leur fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2306727 du 21 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE02806.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Yvelines, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

B. AventinoLe président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

Nos 23VE02805, 23VE02806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02805
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : PARASTATIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23ve02805 ?
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