Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le préfet des Yvelines a partiellement liquidé l'astreinte prononcée par son arrêté du 4 janvier 2018 pour un montant de 44 200 euros.
II. M. C... A... a par ailleurs demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre exécutoire du 29 mai 2019 ainsi que la décision implicite rejetant sa réclamation datée du 17 juillet 2019 dirigée contre ce titre exécutoire, et de prononcer en conséquence la décharge de la somme de 44 200 euros.
Par un jugement nos 1904324-1907587 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces deux demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 7 mai 2022, 30 mars 2023 et 12 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Léron, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de liquidation du 9 avril 2019, le titre exécutoire du 29 mai 2019 et la décision de rejet de sa réclamation introduite contre ce titre ;
3°) de prononcer la décharge de la somme de 44 200 euros qui lui est réclamée ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, plus celle de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement dès lors qu'ils n'ont pas suffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et qu'ils ont omis d'examiner le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de la sanction ;
- l'arrêté attaqué de liquidation est insuffisamment motivé ;
- il est recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté du préfet des Yvelines du 14 novembre 2016 portant mise en demeure ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de qualification juridique dès lors qu'il ne peut être regardé comme exploitant les activités en cause ;
- le montant de la sanction est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mars 2023 et le 20 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 4 septembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la circonstance que l'activité assurée par le requérant se situe en deçà des seuils définis par l'annexe 4 à l'article R. 511-9 du code de l'environnement imposant le respect d'une obligation administrative d'enregistrement ou de déclaration.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit en réponse un mémoire qui a été enregistré le 11 septembre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 8 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even, président de chambre,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Léron représentant M. A... et de Mme B... représentant la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". L'article L. 511-2 du même code dispose que : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat (...). Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. ". L'annexe 4 à l'article R. 511-9 du même code, définissant la nomenclature mentionnée par son article L. 511-2 précité, précise que les installations d'entreposage, dépollution, démontage ou découpage de véhicules terrestres hors d'usage dans le cas où la surface de l'installation est supérieure ou égale à 100 m2, qui relèvent de la rubrique 2712.1 de cette nomenclature, sont soumises à enregistrement. La même annexe précise que les installations de transit, regroupement, tri ou préparation en vue de la réutilisation de métaux ou de déchets de métaux non dangereux dans le cas où la surface de l'installation est supérieure ou égale à 100 m2 mais inférieure à 1 000 m2, qui relèvent de la rubrique 2713.2 de la nomenclature, sont soumises à déclaration.
2. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - ;Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / L'autorité administrative peut, à tout moment, afin de garantir la complète exécution des mesures prises en application des deuxième et troisième alinéas du présent I : / 1° Ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 4 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de ces mesures. (...) L'amende et l'astreinte sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. (...) / II. - S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est faut opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise en état des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. ". L'article L. 171-8 du même code dispose que : " (...) / II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré (...) aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative (...) et une astreinte journalisée au plus égale à 4 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. (...) / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. (...) ".
3. A la suite de contrôles réalisés par l'inspection des installations classées, le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 14 novembre 2016, mis en demeure M. C... A..., en qualité d'exploitant des installations de tri/transit de métaux, de démontage de véhicules hors d'usage (VHU), de tri/transit de déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E) et de tri/transit de déchets de papiers/cartons sur la commune de Boissy-sans-Avoir, implantées sur les parcelles cadastrées E nos 47, 123, 143, 148, 151 et 152 situées 6, rue de Lieutel, de régulariser sa situation administrative, dans un délai de quinze jours, en déposant les dossiers de déclarations et de demandes d'enregistrement et d'agrément nécessaires, ou en cessant ces activités irrégulières et en procédant à la remise en état des parcelles, et de suspendre ces activités jusqu'à la décision relative à la régularisation de cette situation administrative. Le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 20 mars 2017, prononcé à l'encontre de M. A... une astreinte de deux euros par jour de retard pendant deux mois, puis de vingt euros par jour de retard, jusqu'à la mise en œuvre des prescriptions définies par l'arrêté du 14 novembre 2016. Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet des Yvelines a partiellement liquidé cette astreinte, pour la période allant du 23 mars 2017 au 27 octobre 2017, pour un montant de 3 264 euros. Par un arrêté du 4 janvier 2018, le préfet des Yvelines, après avoir constaté la cessation de l'activité de tri/transit de déchets de D3E et la diminution, en-deçà du seuil de 100 m3, du volume de papiers/cartons sur le terrain, a porté cette astreinte à cent euros par jour de retard à compter du jour de sa notification. M. A... fait appel du jugement nos 1904324-1907587 du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 avril 2019 ordonnant la liquidation partielle de cette astreinte, à hauteur de 44 200 euros, ainsi que le titre exécutoire émis à cet effet le 29 mai 2019 et la décision implicite de rejet de la réclamation qu'il a formé à l'encontre de ce titre exécutoire.
Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 44 200 euros et d'annulation de l'arrêté de liquidation du 9 avril 2019 et du titre exécutoire du 29 mai 2019 :
4. Lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
5. La qualité d'exploitant d'une installation classée n'est pas subordonnée à celle de propriétaire des parcelles sur lesquelles cette activité est réalisée, mais à la direction de cette activité.
6. Il est constant que la liquidation partielle de l'astreinte mise à la charge de M. C... A... par l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 avril 2019 est fondée sur sa qualité d'exploitant des activités de tri/transit de métaux et de démontage de VHU et à la circonstance qu'il les a réalisées sur les parcelles cadastrées E nos 47, 123, 143, 148, 151 et 152, sans avoir procédé à leur déclaration ou sollicité leur enregistrement. La circonstance que M. A... n'a pas contesté l'arrêté de mise en demeure du 14 novembre 2016 ne lui interdit pas de contester sa qualité de débiteur de cette astreinte.
7. Il résulte de l'instruction que M. C... A..., ne conteste pas clairement la présence à la date de l'arrêté de liquidation de l'astreinte litigieuse du 9 avril 2019 de véhicules et de métaux sur la parcelle E n° 151 et un tiers de la parcelle E n° 152 lui appartenant, ni sur la parcelle E n° 148 et les 2/3 de la parcelle E n°152 appartenant à son ex-épouse, qui les avait mises à sa disposition afin d'y entreposer des déchets divers, ni sur la parcelle cadastrée E n° 123 qui appartient à d'autres personnes, mais dont il a le contrôle.
8. En revanche, il résulte également de l'instruction, et notamment d'un procès - verbal de gendarmerie datant de mars 2017, et des pièces notamment judiciaires versées en appel, que les parcelles E nos 47 et 143 appartiennent au frère du requérant depuis le 9 juin 2016, où il exerce en propre une activité visées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement à travers une entreprise qui a été enregistrée au registre du commerce des sociétés, et non sous la forme d'une co-exploitation de fait entre les deux frères, ce dernier ayant en outre indiqué qu'il lui refuse l'accès à ses parcelles, lesquelles sont au surplus accessibles sans transiter par celles appartenant au requérant.
9. Si à la date de l'arrêté de liquidation de l'astreinte litigieuse du 9 avril 2019, M. C... A... doit être regardé comme exploitant des activités de tri/transit de métaux, démontage de véhicules sur l'emprise des seules parcelles référencées E nos 123, 148, 151 et 152, il établit qu'il n'était pas l'exploitant des activités figurant sur celles référencées 47 et 143 où exerce son frère. Dès lors le préfet des Yvelines ne pouvait pas légalement prononcer et liquider une astreinte à l'encontre de M. C... A... relative à l'ensemble des activités exploitées sur les parcelles E nos 47, 123, 143, 148, 151 et 152, dès lors qu'une partie d'entre elles ne peuvent regardées comme lui étant imputables.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... A... doit être déchargé de l'obligation de payer la somme de 44 200 euros correspondant à la liquidation partielle, par l'arrêté du 9 avril 2019, de l'astreinte journalière prononcée à son encontre, jusqu'à ce qu'il ait régularisé la situation administrative de ces activités, soit en déposant les dossiers de déclaration et de demandes d'enregistrement correspondant, soit en cessant ces activités. Par voie de conséquence, le titre exécutoire émis le 29 mai 2019 et l'arrêté de liquidation partielle d'astreinte du 9 avril 2019 doivent être annulés.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens présentés par M. A..., ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 44 200 euros ainsi qu'à l'annulation du titre exécutoire du 29 mai 2019 et de l'arrêté du 9 avril 2019 portant liquidation partielle de l'astreinte prononcée à son encontre.
Sur les frais du litige :
12. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a estimé que M. A... n'était pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2019 et du titre exécutoire du 29 mai 2019, et a rejeté sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions, au titre des frais exposés par lui en première instance. En outre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A... en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles nos 1904324-1907587 du 6 avril 2021, l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 avril 2019 et le titre exécutoire émis par la direction générale des finances publiques le 29 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : M. C... A... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 44 200 euros mentionnée par ce titre.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. C... A... au titre des frais exposés par lui en première instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et il versera la somme de 1 500 euros à son conseil, au titre des frais exposés en appel en application de cet article et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la ministre de de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, premier vice-président, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
B. Even
L'assesseure la plus ancienne,
B. Aventino
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22VE01094