Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par une ordonnance n° 2217324 du 2 mai 2023, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Fournier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 2 mai 2023 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder à son effacement du fichier SIS ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros HT à verser à son conseil, Me Fournier, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive car il a saisi le bureau d'aide juridictionnelle dès le 10 octobre 2021 ;
Sur le refus de renouvellement de titre de séjour :
- la décision est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas dûment motivée ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par voie d'exception ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas dûment motivée ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie d'exception ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas dument motivée ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'interdiction de retour d'un an :
- elle est illégale par voie d'exception ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas dument motivée ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par ordonnance du 11 décembre 2023 du président de la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Le Gars a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 30 mars 1974, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 septembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. M. B... relève appel de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande pour tardiveté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) 3° de la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 30 septembre 2021 en litige comportait la mention des voies et délais de recours et a été notifié à M. B... le même jour, date à laquelle a commencé à courir le délai de recours contentieux à l'encontre de cet arrêté. En appel, l'intéressé justifie avoir sollicité, par courrier du 10 octobre 2021, dans le délai de recours contentieux, le bénéfice de l'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nanterre. Une telle demande, alors même qu'elle a été présentée devant un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, a interrompu le délai de recours. Par décision du 8 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle de Nanterre s'est déclaré incompétent et a renvoyé la demande devant le bureau d'aide juridictionnelle de Cergy-Pontoise, lequel a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 19 septembre 2022, notifiée le 25 novembre 2022. Par suite, la requête présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et enregistrée le 21 décembre 2022 n'est pas tardive.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
5. Les décisions contestées ont été signées par M. Vincent Berton, secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine, qui bénéficiait, par arrêté du 19 juillet 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, d'une délégation de signature du préfet des Hauts-de-Seine. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.
Sur la décision refusant le titre de séjour :
6. En premier lieu, la décision mentionne que les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet de ne pas renouveler le titre de séjour d'un étranger dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, puis indique les cinq condamnations pénales de l'intéressé en rappelant précisément les dates et les motifs, rappelle la situation familiale, notamment au regard de la régularité du séjour. Elle est ainsi suffisamment motivée contrairement à ce que soutient le requérant. Par ailleurs il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle du requérant.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a été condamné, en 2014, à deux reprises, à des peines d'emprisonnement pour vol et pour recel, en 2018, pour récidive, et en 2019, à deux reprises, pour récidive et pour conduite d'un véhicule en ayant fait usage de stupéfiants. Compte tenu du nombre de condamnations, dont certaines étaient récentes à la date de la décision attaquée, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas, compte tenu de la gravité de certains faits et de leur caractère récent, commis d'erreur d'appréciation en considérant que M. B... représentait une menace à l'ordre public, alors même qu'il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " de décembre 2019 à décembre 2020.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale "
10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré sur le territoire en 2013, qu'il est marié avec une compatriote dont la carte de séjour a expiré en août 2021, qu'il réside avec leurs deux enfants, l'un majeur et l'autre mineur, et qu'il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société. Dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé.
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, la décision refusant le renouvellement du titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit, par suite, être écarté.
12. En deuxième lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour étant suffisamment motivée, l'obligation de quitter le territoire qui en découle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle du requérant.
13. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, la décision refusant le renouvellement du titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit, par suite, être écarté.
15. En deuxième lieu, la décision indique que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, qu'il pourra être reconduit dans son pays d'origine ou dans tout pays pour lequel il établit être légalement admissible, à l'exception d'un Etat membre de l'Union Européenne, de l'Islande, du Lichtenstein, de la Norvège ou de la Suisse. Elle est ainsi suffisamment motivée et ne révèle pas en elle-même de défaut d'examen de la situation du requérant.
16. En troisième lieu, les moyens tirés de la stipulation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. Si M. B... soutient qu'il a fui son pays, la Géorgie, en raison de craintes pour sa sécurité, il n'établit pas en produisant des articles de journaux relatif à la guerre en Ukraine et aux craintes d'une attaque russe en Géorgie, qu'il serait personnellement exposé en cas de retour à des traitements prohibés par les stipulations précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an :
19. En premier lieu, la décision refusant le renouvellement du titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit, par suite, être écarté.
20. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français./ Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "
21. La décision vise l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne l'entrée de l'intéressé sur le territoire en 2013 à l'âge de trente-neuf ans, le refus du statut de réfugié sollicité, l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire en 2016, la menace pour l'ordre public que constitue son comportement. Elle est ainsi suffisamment motivée et ne révèle pas de défaut d'examen de la situation du requérant.
22. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt. En limitant la durée de l'interdiction de retour à un an, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 30 septembre 2021. Ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2217324 du 2 mai 2023 du président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
A.C. LE GARSLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24VE00071